c- Dimension normative :

Dans quelle mesure peut-on évaluer les capacités de ce plan à répondre aux questions demandées ?

c-1- Le plan vert, un projet urbain ?

En commençant par son échelle, le plan vert qui ne fait pas partie d’une politique globale ou d’un projet de ville ou de Mandat semble avoir ignoré la vérité géographique du lieu :

comme nous avons vu dans la partie théorique, un projet urbain est un projet fédérateur qui intérroge toutes les échelles de la ville afin de chercher une cohérence entre ses différents niveaux : dans quelle mesure peut-on travailler sur les limites municipales en ignorant les nouvelles limites de la ville qui abordent largement les premières :

il suffit de regarder les plans proposés pour sentir que le reste de la ville n’est pas compris comme son prolongement naturel : or faut-il affirmer les limites administratives de la ville par un périphérique de « Park Avenue » avec des « portes » paysagées dans la mesure où ces limites n’existent plus que dans les documents officiels ?

En effet, il suffit de faire une analyse morphologique sommaire pour comprendre que les limites administratives ont tellement changé modifiant par la suite les formes urbaines de la ville ; le fleuve par exemple, n’existe plus comme limite naturelle, mais comme un simple canal d’égouts qui passe au milieu de la grande ville.

Or selon les objectifs et méthodes de ce plan, le périphérique contribue assurer la couture de la ville et non pas affirmer sa coupure avec son agglomération :

‘« Il n’est plus une voie rapide coupant en un cercle autour du ring et un deuxième centre-ville du reste de l’urbanisation, mais il est fédérateur du système de paysagement à double fonction : apport de qualité urbaine et d’image de marque indispensable à la ville ».345

Ainsi, ce débat entre « couture » et « coupure » me semble pertinent aujourd’hui pour le cas de Beyrouth, surtout si on veut évoquer la question des limites :

Ces limites évoquées largement au début des années 80 ont induit un Schéma Directeur pour la Région Métropolitaine de Beyrouth ; ce Schéma Directeur qui sera détaillé plus tard n’a pas été repris totalement durant sa « réédition » au début des années 90 ; seuls quelques éléments ont été choisi selon les priorités de l’Etat.

Quant aux limites avec le centre-ville, elles sont plus ambiguës que celles de l’agglomération : on travaille du micro au macro sans avoir une vision d’ensemble, sans avoir un projet global sur toutes les échelles de la ville ; ainsi, ce plan ne fait partie d’aucune politique d’aménagement d’espaces verts ou publics à l’échelle de l’agglomération d’une part ; et de l’autre part, il est supposé réagir avec le fait accompli d’une politique d’aménagement d’espaces verts d’une partie de son territoire, son centre-ville : donc il est coincé au milieu…

Loin de critiquer les méthodes techniques et paysagères de ce plan, il me semble qu’il manque d’une vue d’ensemble à l’échelle de l’agglomération.

Ainsi, il a défini ses limites avec ceux de la « ville municipe » en ignorant le fait accompli « naturel » qui est la diffusion et l’éclatement de la ville tout en respectant le fait accompli « artificiel » qui est la reconstruction du centre-ville.

Comme si, chaque politique ignorait celle qui devrait l’englober ; en résumé, ce problème d’échelle et de limite se pose sur la première scène comme élément pertinent et essentiel pour toute politique ou intervention sur la ville.

Toujours dans cet aspect « spatial » de ce plan, l’aménagement proposé semble renforcer la position du centre-ville comme son élément majeur. Ceci peut-être lu de deux façons contradictoires :

  • La convergence des aménagements à travers les axes pénétrants vers le centre-ville affirme sa position comme espace central intégrateur, où toute la ville est appelée à se regrouper et à se réconcilier.
  • Les deux périphériques avec leurs entrées et portes semblent affirmer un certain filtrage d’usage et d’usagers, ce qui ne privilégie pas un accès simple et naturel à tous les habitants de la ville ; ainsi, pour arriver au centre-ville, il faut passer par un premier filtrage à travers le premier niveau de porte, celui du périphérique des limites municipales ; ensuite il faut traverser le deuxième niveau de filtrage à travers les limites du centre-ville, son périphérique et ses portes.
Figure 71. Plan Vert de Beyrouth : première lecture.
Figure 71. Plan Vert de Beyrouth : première lecture. Source : Joseph SALAMON 2003.
Figure 72. Plan Vert de Beyrouth : deuxième lecture.
Figure 72. Plan Vert de Beyrouth : deuxième lecture. Source : Joseph SALAMON 2003.

Notes
345.

LENOBLE-PREDINE F., HUAU Th., op.cit., 2000.