a- Le schéma directeur vert de Solidere : une politique ambitieuse pour les espaces publics du centre-ville ?

Pour la plupart des acteurs publics et privés, impliqués dans la reconstruction du Liban, les espaces publics semblent être confondus par les espaces verts ;

D’autre part, et selon Madame Noha El-Ghoussainy,347 ‘«’ ‘ les espaces verts sont un bien public où les habitants aiment se retrouver ; cela renforce les liens sociaux tout en réduisant le relâchement de la trame familiale et la détérioration des relations de bon voisinage. Beyrouth souffre de la rareté des espaces publics. Selon certaines estimations, la part destinée à chaque individu dans ce domaine ne dépasse pas les 0.38 m2, tandis que dans les grandes villes modernes, on l’évalue à 10 à 15 m2 par personne. ’ ‘»’ 348

Selon Dr Noha El-Ghoussainy, Solidere est responsable de la préparation d’un schéma directeur des espaces verts dans le cadre de la reconstruction du centre-ville. Les grandes lignes de ce plan proviennent de deux concepts :

  • Recréer au centre-ville une zone de ralliement de la trame sociale de Beyrouth et du Liban.
  • Réaliser à nouveau une formule où l’individu sera rendu à son milieu naturel tout en respectant les liens entre le présent, le passé et l’avenir.
‘“Il sera nécessaire alors de travailler”, ajoute Dr Noha El-Ghoussainy, “à renforcer la vie en commun au centre-ville en faisant revivre les espaces publics et la souplesse de leur utilisation. Il faudra pour cela assurer les spécifications nécessaires afin que les espaces publics deviennent réellement des points de rencontre et de ralliement pour toutes les couches sociales comme c’était le cas avant les années de troubles”349.’

Plusieurs décisions ont été adoptées lors de la préparation du plan directeur :

  • Relier le centre-ville aux autres quartiers de la capitale en donnant la priorité aux espaces publics autour du centre et à l’intérieur de celui-ci. On créera ainsi des passages pour les piétons malgré certaines difficultés liées à la nature du terrain et à l’encombrement des anciens et des nouveaux boulevards. Aussi, une chaîne d’espaces verts sera déployée le long de ces boulevards afin de les enjoliver autant que faire se peut. Citons entre autres le jardin public dans la zone Ghalghoul à l’intersection des artères principales qui mènent vers l’aéroport et le Sud, le jardin en face de la mosquée de Zokak el-Blatt, la place publique qui se trouve entre wadi Abou Jmil et le Beirut trade center. Elle sera utilisée lors d’activités publiques (foires populaires et autres…), le jardin qui donne sur la mer, en face de l’hôtel Phoenicia, le jardin à l’entrée Sud du centre-ville du côté de la rue Béchara el-Khoury et de la rue de Damas.
  • Travailler à augmenter les espaces verts, les places publiques, les rues, les ruelles et les passages pour les piétons au centre-ville en prévoyant 2m2 de ces espaces pour chaque habitant de Beyrouth, lorsque la reconstruction sera achevée, sachant que dans le centre-ville lui-même, ces espaces atteindront 45% de la superficie totale. Citons par exemple le jardin public qui sera établi sur une partie du dépotoir au Normandie (70000m2) et la corniche maritime réservée aux promeneurs, prolongera la corniche actuelle de Manara et s’étendra sur 40000m2.
  • Assurer la participation des habitants à la vie de quartier et ceci d’une manière plus spontanée. Lors de l’étude des modalités du quartier Saifi par exemple, Solidere a pu retrouver exactement les espaces publics tels qu’ils étaient établis et comprendre leurs spécificités, pour les reproduire de manière à servir l’environnement social de ce quartier résidentiel. Il suffit parfois d’une petite place ou d’un jardin public pour faire revivre tout un quartier en réorganisant sa trame sociale. Grâce à ce genre d’études effectuées dans plusieurs quartiers, nous arriverons à retrouver une chaîne continue du lieu public et à lui insuffler une âme nouvelle tout en considérant son utilisation par le passé et son rôle pour l’avenir.

Le plan directeur des espaces verts au centre-ville se caractérise par les points suivants :

  • Des places publiques qui porteront dans leur enceinte, la mémoire de la ville comme la place Debbas, la place de l’Etoile, la place Riad-el Solh et la place des Martyrs.
  • De nouvelles places qui seront des espaces libres non construits afin de servir de points de rencontre et de réunion des citoyens surtout autour des bâtiments publics. Citons entre autres, la place de la municipalité entre la municipalité elle-même, la grande mosquée Omari et la mosquée Assaf. La place qui se trouve devant un édifice ottoman historique dans la zone de Ghalghoul, la place Bab-idriss, la place juste en face de l’immeuble Starco et de l’hôtel Hilton.
  • Des jardins de loisirs dont certainssont anciens comme le jardin spacieux du Sérail, et d’autres nouveaux comme celui des bains romains, celui de la colline archéologique au nord de la place des Martyrs, et celui de la promenade du Normandie …
  • De petits jardins publics à l’intérieur des quartiers et de placettes verdoyantes entre les immeubles à 300 ou 500 m des habitations comme à Saifi et Wadi Abou Jmil, afin que les mères, les enfants et les vieillards puissent y parvenir facilement.
  • Des passages et des escaliers pour les piétons, certains seront découverts et d’autres noyés de verdure ; cela aidera à mêler le facteur sentimental et la perception sensible des passants qui aimeront se souvenir de ces endroits où ils peuvent aller d’un quartier à un autre en évitant les embouteillages et le trafic.
  • Les rues, les ruelles et les autres voies dont les trottoirs comportent des pousses vertes et des arbres divers, certains traditionnels et d’autres nouveaux. Le choix des plantes a été fait selon trois critères de base : la beauté de leur présence dans un environnement citadin, l’adaptation aux conditions climatiques et géologiques de Beyrouth et enfin la facilité des soins et de l’entretien. L’utilité des ces plantations n’est pas seulement esthétique, mais elle est aussi sanitaire car leurs feuillages absorberont les gaz nocifs qui se dégagent des échappements de voitures, ils amortiront aussi les bruits de la circulation et récolteront la poussière (il y en a sur les deux côtés de l’avenue Fouad Chéhab et de l’avenue Fakhreddine par exemple).
Figure 74. Perspectives du Schéma Directeur Vert de Solidere
Figure 74. Perspectives du Schéma Directeur Vert de Solidere Source : Brochure d’information de Solidere, 1995.

Enfin, et pour augmenter les espaces verts, Solidere a adopté le principe des boulevards bordés d’arbres qui finissent par relier ensemble tous les jardins publics et les lieux plantés de la capitale. Ainsi, le boulevard venant du flanc de la colline du Sérail, vers Bab Idris et la mer donne l’impression d’une pénétration de la verdure dans les nouveaux quartiers résidentiels ; c’est comme si la nature voulait reprendre ses droits confisqués par la prolifération du béton.

Ainsi, et selon ce Schéma Vert, plus que 35 places et jardins publics sont prévus pour une surface de 38ha environ : le jardin de Zokak El Blatt, le jardin des bains romains, le jardin de Gibran Khalil Gebran, la place Riad El Solh, la place de l’Emir Amine, le jardin du Plant Discovery, le jardin international, le jardin du pardon, la place de l’Etoile, le parc maritime…

Figure 75. Le Schéma Directeur Vert de Solidere
Figure 75. Le Schéma Directeur Vert de Solidere Source : www.solidere-online.com

Notes
347.

Architecte, docteur en aménagement du territoire - Sorbonne 88 – Ancienne responsable de l’aménagement des espaces verts à Solidere

348.

EL-GHOUSSAINY N., « le vert envahit le centre-ville », in Commerce du Levant, n°5446, 8 octobre 1998, p.23.

349.

EL-GHOUSSAINY N., « le vert envahit le centre-ville », in Commerce du Levant, n°5446, 8 octobre 1998, p.23.