b- Dimension normative 

« Spatialement » parlant, ce projet affirme une certaine représentation de qualité recherchée pour donner une nouvelle image à la ville : un travail architectural et paysager assez élevé qui tente revaloriser l’image et l’identité de la ville.

En effet, le jardin se situe entre le Grand Sérail et la place de l’Etoile, derrière la rue des banques. Il est donc composé de deux parties, les bains romains et le jardin public :

Le jardin public a une surface de 2825 m2 et il se compose :

Il est à noter que le transport des handicapés a été étudié suivant des rampes bien aménagées. Quant aux équipements, des bancs en bois ont été installés dans les jardins. Des arbres de plusieurs types ont été plantés encore. Le jardin public a plusieurs entrées et des escaliers qui relient la rue des banques à la rue des Capucins, et il est ouvert à tout le monde. En plus, le jardin est bien contrôlé par des agents spécialisés, pour sa bonne conservation.

Figure 85. Jardin des Bains Romains , Centre Ville de Beyrouth, photo2.
Figure 85. Jardin des Bains Romains , Centre Ville de Beyrouth, photo2. Source : Christine KHOURY, 2003.

Ces bains qui se situent sous le Grand Sérail, formaient les bains publics de Byrite (le nom romain de Beyrouth), et faisaient partie du grand Forum romain qui se trouve dans les alentours de la place de l’Etoile. Ils ont été construits au premier siècle, et se caractérisent par une architecture “spéciale” avec des matériaux bien choisis comme le marbre, les mosaïques, la brique … Ce qui reste aujourd’hui, ce sont les traces des deux chambres chaudes et tièdes, les fours (Pri Furum ) qui réchauffaient le vent, le grand bassin (Labrum), la piscine (Sodasium) revêtue d’arbre et qui servait comme chambre de Sauna, et des tunnels (aquadotto) qui transportaient l’eau du fleuve de Beyrouth à travers les arcades de Zbeyda (Kanater Zbayda à Hazmiyeh), au Mont du Sérail, où elle était emmagasinée dans les lacs avant de poursuivre son chemin vers les bains . Et enfin, on peut voir encore des pièces de mosaïques qui revêtaient les terres des bains. Les bains romains ont été restaurés lors de leurs découverte dans les années soixante pour la première fois. Mais le site a été délaissé pendant la guerre, jusqu’au mois de mars 1995, où il a été réhabilité par la DGA et les étudiants d’archéologie de l’université libanaise.

Socialement parlant, ce projet symbolise la renaissance de la ville « romaine » en intégrant les fouilles romaines dans un jardin public aménagé selon un style romain ; avant que Beyrouth soit une capitale libanaise, elle fut un centre romain international. C’est ce message qui semble émerger de ce jardin ; en plus d’un espace social de rencontre, c’est plutôt un lieu historique, voire un musée en plein air qui est recherché dans cet aménagement.

La plupart de ses usagers actuels appartiennent à une classe sociale moyenne ou aisée ; ce sont des jeunes, des couples, des femmes voilées, des jeunes filles à minijupes… quelques familles qui semblent bien aisées. Quant aux pratiques sociales, ce nouveau jardin public à cachet historique joue un rôle culturel et historique en plus d’un espace de rencontre assez spécial pour les beyrouthins et pour tous ces usagers. Jusqu’à présent, il n’est pas assez connu par les habitants de la ville, et il présente une surprise pour ceux qui le découvrent à cause de sa spécificité et son très bon entretien.

En effet, ce nouveau site est investi par plusieurs fonctions et événements : des concerts locaux ou internationaux, des festivals musicaux ( fête de la musique), des expositions artistiques…

Politiquement parlant, ce projet semble répondre à des chercheurs, professionnels et techniciens qui plaident une certaine identité contemporaine à la ville et à ses espaces publics : ce choix politique d’aller plus loin que l’histoire contemporaine de la ville semble présent dans ce référentiel d’aménagement d’espaces publics.

Le jardin des bains romains est porteur aujourd’hui d’une dimension politique cachée, celle de reconstruire le centre-ville et de l’aménager pour tous les beyrouthins, et même pour s’ouvrir à la mondialisation. Dans cet espace situé au centre historique de la ville, toutes les références communautaires se transforment, pour laisser place à l’histoire, à la citoyenneté : en effet, tous ses usagers expriment le fait de sentir une certaine égalité entre-eux, un espace public aménagé pour les citoyens, et non pour un parti politique ou communautaire.

Un nouvel espace public, où peut commencer la vraie réconciliation entre les différents courants politiques, entre les différentes communautés, un espace où chacun apprend ce que c’est qu’un intérêt public, ce que c’est qu’un espace public. Personne ne sent que c’est son espace à lui seul, mais qu’il fait partie d’un peuple, en un mot, qu’il est citoyen.