Le projet d’aménagement de la place des Martyrs a pour objectif de répondre à une réalité historique et sociale à travers la question suivante : dans quelle mesure peut-on moderniser l’image d’une ville tout en conservant ses spécificités socio-culturelles et historiques ?
Cette question qui converge avec le titre de notre recherche semble résumer l’état actuel du centre-ville qui est en projet depuis plus de dix ans.
‘« Vidée de son sens lié à d’anciennes pratiques de la ville et décrétée cœur de la capitale, non dans sa configuration actuelle qui est celle d’un terrain vague, mais pour ce qu’elle représente symboliquement dans le mémoire des Libanais, la place des Martyrs est devenue le lieu où se pose la légitimité de Solidere, respectueuse et garante de la mémoire de la ville ».376 ’En effet, cette place est investie dans le projet de Solidere comme symbole de la mémoire du centre-ville.
Or, en observant ce projet, il nous semble que les responsables ont une certaine explication propre du patrimoine : cette vision originale est largement critiquée par les architectes et chercheurs locaux et étrangers : il semble que la notion de patrimoine se résume ici par quelques monuments ou symboles architecturaux et physiques. Alors que nous savons bien que la notion de patrimoine a bien évolué depuis plus d’une vingtaine d’année en Occident et elle englobe aujourd’hui en plus des éléments physiques tous les enjeux socio-culturels qui se projettent dans un lieu donné.
D’où une certaine incohérence entre une image construite du patrimoine par les acteurs de ce projet d’une part, et celle de la réalité actuelle de la notion, qui englobe tant d’enjeux et de représentations. A cette explication s’ajoute un autre facteur aussi important que la notion elle même : la réalité du lieu et du site ; ce site rasé avec les bulldozers de Solidere n’est plus aujourd’hui qu’un espace vide et ne représente pour la nouvelle génération qu’un lieu vide stratégique ; alors qu’il fut longtemps le cœur historique et le symbole d’un certain contact multifonctionnel et multiconfessionnel…
AWADA-JALU S., « de l’usage de la mémoire dans la reconstruction », in AKL Z., DAVIE M.F., « questions sur le patrimoine architectural et urbain au Liban », ALBA, URBAMA, 1999, p.87.