c- Dimension instrumentale 

Ce projet, comme les autres a été conçu par des techniciens et professionnels de l’espace, écartant la participation des habitants qui ne sont pas pris comme des usagers compétents…mais comme des spectateurs incompétents…comme si c’est toujours l’architecte qui pense pour le prince…et les habitants subissent les résultats…

L’estimation d’une entreprise de cette ampleur varie entre 120 et 175 millions de dollars. Le chantier est pour le moment arrêté alors que seuls les parkings ont été réalisés. La superstructure n’a pas pu encore voir le jour faute d’obtention des permis de construire, demandés depuis 1997 : selon M. Dupond382, responsable de l’aménagement à Solidere, le retard est dû à la complexité de la procédure en matière de secteur de plan de masse, car on ne peut déposer directement une demande de permis de construire.

Alors que si on examine objectivement les étapes depuis 1997, on se rend compte que le problème semble être un peu moins procédural. Ainsi entre 1997 et 1998, la direction générale de l’urbanisme (DGU) s’est penchée 14 fois sur le dossier des “souks” et a fini par refuser le projet décrivant dans un rapport de 40 pages, les défauts rencontrés, qu’ils soient architecturaux ou purement techniques. Début 99, et après de petites modifications techniques, le projet est renvoyé à la DGU dont certains membres ont été changés entre-temps. Celle-ci réexamine le dossier et se contente de donner une approbation technique sans se préoccuper de son aspect architectural. La municipalité donne tout de suite son feu vert et renvoie le dossier au Mohafez qui est compétent (pour la ville de Beyrouth), pour signer les permis de construire pour les grands projets. Ce dernier demande, comme il est en son pouvoir de le faire, de réétudier les plans gelant ainsi la procédure du projet. Plusieurs questions se sont posées envers les compétences professionnelles de l’époque du Mohafez en n’oubliant pas les conflits politiques. Enfin les Souks ont pris le feu vert : le conseil des ministres approuva en 27 septembre 2000 le schéma directeur, qui sera par décret.

Le schéma directeur a retenu beaucoup de caractéristiques des souks traditionnels : on y accédera par cinq “portes” principales dont certaines consisteront en de coquets squares, ornés de fontaines et bassins décoratifs, d’arbres et d’arbustes . Ce grand projet rechaussera les atouts naturels et traditionnels du centre-ville en les adaptant aux exigences commerciales modernes . Seuls les quatre niveaux souterrains du parking des souks sont aujourd’hui construits .

Avons-nous besoins de 60000m2 d’espace commercial ? Selon Hervé Dupond71, “60000m2 de commerces au cœur d’une agglomération de 2 millions d’habitants est tout à fait normal et n’a rien de démesuré” . De plus, des études ont été réalisées afin d’identifier les besoins sur le marché et de définir le rôle à jouer des Souks du centre-ville face à la concurrence des grandes surfaces périphériques et des petits commerces : elles ont abouti à des conclusions positives réservant à ce projet une place de choix dans notre système commercial : en effet, la présence d’un parking gigantesque favorisera bien la facilité d’accès au commerce en plus des rues piétonnes.

Aujourd’hui, plusieurs questions se posent sur la faisabilité du projet : dans la pratique, peut-on dire que reconstruire les anciens souks de Beyrouth équivaut à reprendre leurs anciens rôles comme espace interactif principal au cœur de la ville ? Où se situe ce projet face aux nouvelles modes de surfaces commerciales ? Est-ce seulement le fait d’avoir une histoire assez riche, signifie que cela va bien marcher ? A qui construit-on vraiment ce grand centre commercial, caché sous le nom d’un souk ? Et qui seront alors ses usagers ? Qu’est-ce qu’on attend vraiment d’un tel projet ?

Notes
382.

“le commerce du Levant:, le 13 Janvier 2000