a- L’absence d’une politique d’aménagement des espaces publics : une question de priorités ?

Il est à noter que durant mes entretiens au CDR, j’ai senti que l’espace public, bien qu’il soit au cœur de toute liste de projets, ne présente pas en lui-même une priorité pour avoir une politique spécifique. En effet, la définition même des priorités a été maintes fois critiquée par des politiciens, chercheurs ou professionnels dans la mesure où ces priorités se font au détriment de la population libanaise et de ses besoins :

‘« Les populations qui se sont longtemps sacrifiées sur l’autel du nationalisme n’accepteront plus que la stabilité nouvelle se fasse à leur détriment. Créer des palais des congrès luxueux dans une mer de misère nous semble inconséquent, créer d’immenses immeubles de bureaux lorsque les services hospitaliers sont largement déficients ou que le cadre écologique se dégrade fortement est une incohérence, créer des autoroutes aboutissant à Beyrouth alors que l’on n’y circule plus à cause des embouteillages est une ineptie. Revoir les priorités de la reconstruction c’est surtout considérer que l’homme est aussi important que les pierres sinon plus. »392

En ce qui concerne la reconstruction du centre-ville et Solidere, le CDR a joué un rôle majeur dans l’élaboration et l’appropriation des plans directeurs et de détail, dans la constitution de la société et la garantie des conditions juridiques de la souscription.393

Selon Nabil Beyhum, cinq grands changements ont affecté la société libanaise pendant la guerre : la destruction des classes moyennes, la paralysie des administrations et services publics, l’écroulement des services de santé et éducatifs, la destruction du centre de Beyrouth et la création d’un modèle urbain nouveau, celui des banlieues et des périphéries ségréguées.394

Quant au CDR, il devrait, et toujours selon n. Beyhum, réorganiser ses priorités, en particulier les 6 tâches suivantes395 :

La primauté de la modernisation de l’enseignement supérieur, du développement de l’enseignement technique et de l’imposition de la scolarité obligatoire

L’urgence de la modernisation et de l’humanisation des services hospitaliers et des soins médicaux

Le développement de l’habitat social, l’équipement des quartiers les plus défavorisés en infrastructures

Protection du patrimoine et protection du cadre de vie, développement de l’infrastructure touristique

Rétablissement d’un équilibre entre viles secondaires et capitale, organisation des transports publics vers le Grand Beyrouth, désenclavement et équipement de certaines parties oubliées du monde rural

Recensement régulier des transformations apportées par la guerre et la reconstruction 

En résumé, c’est travailler sur les infrastructures sociales qui représentent en gros 10%environ des secteurs selon les priorités actuelles du CDR.

Quant aux arguments des représentants du CDR, ils se rapportent à la nécessité du pays, après tant d’années de guerre d’une grande reconstruction physique, voire la reconstruction de toute l’infrastructure physique, avec les services publics de base et les secteurs productifs.

Quant à la réconciliation, elle restera à mon avis un mythe ou un mot-clé qu’on ajoute à chaque discours, loin de lui fournir aucun contenu, aucune politique avec de vrais objectifs et de vraies procédures.

Notes
392.

BEYHUM N., « Le deficit dans la politique de reconstruction du Conseil pir le développement et la reconstruction au Liban », in BEYHUM N., SALAM A., TABET J. (sous la dir.), « Beyrouth : Construire l’avenir, reconstruire le passé ? », Dossiers de « l’urban research Institute, édités avec le support de la Ford Foundation, Beyrouth, 1995, p.187.

393.

MICHEAU M., « La reconstruction du centre-ville de Beyrouth, originalité et enjeux d’un processus », Institut d’Etudes Politiques de Paris, 1995, Paris, p.11.

394.

BEYHUM N., « Le déficit dans la politique de reconstruction du Conseil pour le développement et la reconstruction au Liban », op.cit., 1995, p.187.

395.

BEYHUM N., « Le déficit dans la politique de reconstruction du Conseil pour le développement et la reconstruction au Liban », op.cit., 1995, p.189.