a- Elyssar : l’espace public entre mode de vie et image de la ville 

Elyssar s’est organisé dès son établissement afin d’opérer sur le terrain selon les tâches suivantes :

Recensement démographique et enquête socio-économique concernant 80 000 personnes

Elaboration d’un plan directeur et de plans de détails qui prévoient l’édification de logements sociaux, d’une zone industrielle ainsi qu’une zone d’exploitation sur le littoral s’étendant entre le bien-fonds de la côte d’Azur et le port des pêcheurs d’Ouzaï.

Réalisation d’infrastructures nouvelles

Régularisation du problème foncier à travers les expropriations en premier lieu et les remembrements en deuxième lieu

Réorganisation de l’utilisation de l’espace, impliquant des délocalisations d’habitations et d’activités, au sein du périmètre de l’opération

Construction de nouveaux logements

Ainsi, ce projet qui propose de régulariser cette zone de la ville, regroupe outre que les parties commerciale, sportive et industrielle une zone résidentielle pour plus de 35 000 personnes avec des équipements socio-culturels et éducationnels, et des parcs publics et terrains de jeux. Toujours selon Huybretchs et Valérie Clerc,397 tandis que les objectifs de l’Etat étaient le décloisonnement de cette zone et la construction d’infrastructures autoroutières permettant l’accès rapide à l’aéroport et au Sud du pays, le souhait des partis politiques locaux étaient le relogement sur place d’une partie des habitants et le maintien de leurs activités économiques La valorisation touristique de la côte apparaît selon les auteurs, comme la clé du financement de cette opération, en même temps qu’elle constitue une des motivations essentielles des investisseurs soutenant le projet.

Quant à l’espace public, il semble définir le principal enjeu du projet : pour la population et les partis politiques, il faut conserver l’esprit des espaces publics et des petits quartiers actuels qui reflètent un certain mode de vie ; alors que pour les responsables du projet, voire pour l’Etat, il faut modifier complètement l’image et même l’essence des espaces publics actuels, qui ne sont que des espaces communautaires irréguliers, afin de créer et d’aménager de nouveaux espaces publics à l’occidental, ayant comme premier bue d’améliorer l’image physique de la zone qui sépare la ville de son aéroport et de son côte, afin de capter des flux économiques et touristiques. Ainsi, et dès l’établissement du projet, de vraies négociations se sont entamées entre la population représentée par les parties politiques Chiites Amal et Hezbollah d’une part, et l’Etat d’autre part : ces négociations seront détaillées plus tard dans la partie qui traite le rôle des habitants dans l’élaboration des politiques et des projets urbains.

Mais dans quelle mesure peut-on compter sur l’espace public de changer l’image d’une ville en l’imposant sur sa population au lieu qu’il émerge de cette dernière ?

C’est ce type de questions qu’essaient de répondre plusieurs chercheurs au Cermoc depuis quelques années, et ce type de question également qui fait partie des négociations entre les différents acteurs impliqués dans ce projet qui freinent jusqu’à maintenant une mise en œuvre rapide des travaux. Pour d’autres professionnels, comme l’ancien président de l’ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth, Assem Salam, ce projet manque bien d’espaces verts en privatisant le littoral et les nouveaux lieux de loisirs, tout en marginalisant l’espace public social actuel des habitants de la banlieue Sud-Ouest.

Mais dans quelle mesure peut-on mobiliser l’espace public pour régulariser l’espace et faire dégager le public ? N’est-il pas l’espace du public, tout le public, ou serait-il l’espace d’un certain public, d’une certaine image souhaitée excluant ainsi le public originaire, voire les résidents en premier lieu ?

Notes
397.

architecte-urbaniste, doctorante au laboratoire « théorie des mutations urbaines », institut français d’urbanisme, Paris7.