b- Quelle participation sans une culture urbaine collective ?

En analysant les pratiques et méthodes d’urbanisme appliquées dans les politiques et projets d’aménagement d’espaces publics, nous relevons facilement une constante qui semble résumer les règles du jeu : le manque de médiation intellectuelle qui s’explique par un manque de culture urbaine collective :

Pour les élus et techniciens, concerter le public ne dépasse pas la consultation des ayants droits : dans le projet de Solidere par exemple, seuls les ayants droits ont été informés du projet en leur imposant des actions à la place de leurs droits.

Sinon, pour eux, le citoyen est loin d’être un expert de son cadre de vie : son usage spécifique de l’espace est jugé arbitraire et chaotique, et c’est le technicien qui doit lui ordonner sa vie…

L’autorité compétente est la seule porteuse de décision : elle refuse la co-décision, elle refuse l’aide à la décision : ainsi, la décision et l’intérêt général se mêlent par l’intérêt privé en les réduisant à des questions matérielles…En résumé, c’est une question de partage du pouvoir politique qui est mise en question.

Quant au professionnel de l’espace, il est le seul expert du cadre technique et refuse toujours de partager ses tâches avec les autres acteurs de la ville, notamment avec les habitants : en analysant les différents projets et politiques proposées, nous remarquons bien cette vision technocratique et fonctionnelle de l’urbanisme, où seuls les techniciens sont chargés de la conception : en mobilisant les techniques archi-urbanistiques et paysagères, ces derniers ont « échoué » à répondre « seuls » à toutes les questions et problèmes de leur ville ; ceci marque une crise dans la pratique urbaine, où les techniciens de l’espace se voient incompétents à gérer seuls la complexité de la ville ; le projet des bois des pins par exemple, bien qu’il soit réhabilité avec une grande qualité de paysagement, ne semble pas avoir résolu le problème de la réconciliation qui semble au fond des questions de départ. Les espaces publics de Solidere par exemple, bien qu’ils soient aménagés d’une qualité architecturale assez importante ne semblent pas favoriser jusqu’à maintenant la réconciliation et le brassage social entre les beyrouthins.

D’où la nécessité d’une remise en question des pratiques urbanistiques au Liban afin d’apprendre à coopérer autour d’un projet commun ; cette coopération n’est pas une co-décision qui pourra enlever cette compétence légitime des élus, mais une aide pour l’autorité démocratique dans sa prise de décision d’une part, et une aide pour les techniciens dans leur conception des projets.

Pour cela, il semble urgent de reconnaître les compétences de chaque acteur afin de partager la gestion de la ville : les habitants doivent s’exprimer sur leurs attentes, besoins et cadre de vie ; les professionnels de l’espace doivent accepter à leur tour de partager le travail de conception avec les autres disciplines, comme les sciences sociales, politiques, économiques…

Bref, un apprentissage collectif est nécessaire à Beyrouth à tous les niveaux, afin d’arriver à une maturation de projet..