2- Une grande diversité des usagers 

Les nombreux usagers rencontrés sur la place de l’Etoile se caractérisent par une diversité et une mixité très importante.

La place est rythmée dans le temps par une grande mixité d’usagers : des différences de générations, d’appartenance sociale, politique, confessionnelle, de nationalité…

Une remarquable mixité entre les différentes communautés confessionnelles est largement observée sur la place à divers moments de la journée et de la semaine : une co-présence intercommunautaire semble ouvrir la porte à une réconciliation toujours inachevée, pour ne pas dire absente. Mais cette co-présence s’explique plutôt par l’originalité du lieu et par sa localisation géographique comme espace neutre n’appartenant à aucune confession. Cependant, il semble tôt de parler de réconciliation et d’intégration intercommunautaire dans ce lieu comme ailleurs : quelques jeunes adultes semblent cependant chercher ce type de mélange. Les usagers viennent ainsi de plusieurs régions, à couleurs chrétiennes et musulmanes, cherchant à découvrir l’espace public, à savoir un espace neutre et original d’une part et un « public » différent  d’autre part.

En effet, et selon nos enquêtes, 60% des usagers de la place de l’Etoile habitent dans les zones Est et Nord de Beyrouth à majorité chrétiennes ; alors que 40% des usagers habitent dans les Ouest et sud, à majorité musulmanes. Plus que 42% des usagers habitent dans les quartiers Est de Beyrouth et dans ses banlieues Nord : Achrafieh, Dekwaneh, Ain Remmaneh, Din el Fil…

Ce nombre important d’usagers provenant de plusieurs endroits de la ville souligne une présence importante des communautés chrétiennes et musulmanes, donnant ainsi une dimension plutôt neutre à la place ; contrairement à d’autres espaces publics de Beyrouth, qui accueillent toujours des usagers d’une seule majorité communautaire.

La place de l’Etoile attire en premier lieu une classe plutôt aisée : des familles aisées, des touristes arabes et étrangers, des cadres, des hommes politiques, des hommes d’affaires…En effet, le caractère et le prix de quelques restaurants attirent une certaine clientèle assez spécifique : 54% des enquêtés affirment que la cherté de l’espace est le problème majeur qui limite leurs usages dans ce lieu.

A ces types d’usagers s’ajoutent des groupes appartenant à la classe moyenne et qui fréquentent plutôt les cafés trottoirs à bon prix relativement aux ceux des restaurants. Enfin, une catégorie semble absente dans ce lieu : la classe pauvre : cette dernière se sent exclue à travers les aménagements qui valorisent la restauration, et par la présence des militaires qui les exclue moralement : sans oublier que cette place est difficilement accessible à pied, excluant systématiquement ceux qui n’ont pas les moyens pour se déplacer.

Cependant, deux nuances ressortent de notre enquête :

• La première, concerne la dimension de proximité plutôt faible sur cette place (8% des usagers), en particulier des usagers habitant les quartiers de Ras Nabeh, Basta. Contrairement à d’autres espaces publics de la ville, qui jouent une dimension importante à l’échelle de proximité, en particulier le jardin de Sanayeh. ( 87% des usagers de proximité) et la place Sassine ( 50% des usagers de proximité).
• La deuxième nuance concerne la banlieue Sud de Beyrouth très peu présentée sur cette place : seul 6% des usagers habitent dans la banlieue Sud, à majorité des Chiites, de classe plutôt pauvre, contre 24% qui habitent la banlieue Nord à majorité Chrétienne, de classe plutôt moyenne. Par contre, à l’échelle de la ville, les deux parties Est et Ouest sont équitablement représentées ( 18% habitants la partie Est de la ville contre 22% habitants la partie Ouest de la ville à majorité Sunnite ). Cela s’explique plutôt par leur appartenance sociale, de classe moyenne ou aisée, contrairement à la banlieue Sud appartenant en majorité à des classes pauvres « incompatibles » avec la cherté du lieu.

Ainsi, et selon nos enquêtes, la plupart des communautés sont représentés sur cette place, et ceci à des proportions variables. Les Chiites étant les moins présentes ( 6 à 8% des usagers). Enfin, cette mixité d’usagers due en premier lieu à la restauration et à l’ambiance du lieu semble privilégier aujourd’hui une co-présence des différentes communautés, mais pas une intégration. ( les deux manifestations par exemple)

Il suffit de comparer les usagers de cette place avec ceux de la place Sassine, située dans la partie Est de Beyrouth, au centre d’Achrafieh et avec ceux du jardin Sanayeh, situé dans la partie Ouest de Beyrouth :

selon nos enquêtes effectuées en 2002, 2003 et 2004, 85% des usagers de la place Sassine habitent dans les régions Est et Nord de Beyrouth, à majorité chrétienne.( Achrafieh, Sodeco, Badaro, Sin el fil, Dekwaneh, Jdeideh…) contre 15% habitant la zone Ouest de Beyrouth ; et 97% des usagers du jardin de Sanayeh habitent à Hamra et dans les zones Sud, et Ouest de Beyrouth et de ses banlieues.

La place de l’Etoile regroupe plusieurs usages appartenants à plusieurs tranches d’âges : le centre est plutôt utilisé par les jeunes adultes et par les enfants qui jouent avec leurs parents. Les ailes remplies de restaurants et de cafés regroupent plutôt une tranche d’âge moyenne et moins jeune. Quant aux plus âgés, ils sont moins représentés dans cette place. Tous ces usagers se côtoient durant la journée, avec des usages complémentaires sans conflits importants.

En effet, et selon nos observations, 65% des usages de la place sont des adultes de moins que 25 ans ; 15 % sont âgés entre 25 et 30 ans ; 15% sont âgés entre 30 et 60 ans ; et enfin seuls 5% sont âgés plus que 60 ans.

La place attire ainsi les jeunes adultes appartenant à la classe moyenne et aisée, qui la fréquentent régulièrement, au moins une fois par semaine.( surtout pour les boites de nuit). Elle attire également les étudiants qui y viennent souvent pour passer leurs soirées. Ce même type d’âge des usagers est le même sur la place Sassine ( 70%). Quant au jardin de Sanayeh, il est moins important ( 40%), et ceci à cause de son usage de proximité par les familles et les moins jeunes du quartier Hamra.

Quant aux types de groupes qui fréquentent la place, et selon nos enquêtes, 70% des usagers viennent entre amis ; 15 % viennent en famille ; 13 % viennent avec leurs conjoints et seuls 2% viennent seuls.

En analysant les réponses de notre enquête, quelques remarques semblent ressortir : En ce qui concerne les usagers qui viennent entre amis, ils sont toujours en premier lieu, quelques soit l’appartenance sociale ou communautaire. Par contre, quant il s’agit de couple, le nombre semble varier selon les appartenances géographiques, et par suite communautaires : à l’échelle de la ville, les usagers provenant de la partie Est de Beyrouth sont nombreux que ceux venant de la partie Ouest. Une autre nuance concerne les usagers qui viennent seuls et qui sont plus nombreux de la partie Ouest que de la partie Est.

Enfin, et en comparant ce type d’usagers avec ceux d’autres espaces publics, quelques remarques son à signaler : le nombre de couple ( 2%) est très peu présent dans le jardin de Sanayeh, et ceci pour des raison communautaires et confessionnelles, du à l’usage de proximité de cet espace. Par contre, les familles sont plus présenté dans ce type d’espace public que sur la place de l’Etoile ou sur la place Sassine.