a- Place de l’Etoile : un lieu ou un symbole ?

Contrairement à la réalité quotidienne, confirmée par nos enquêtes de terrain, la place de l’Etoile est nommée comme tel dans la plupart des journaux et médias locaux et étrangers.

En général, l’expression « place de l’Etoile » est largement utilisée quotidiennement et par tous les journaux et télévisions locaux pour désigner plutôt le pouvoir législatif national que l’espace public lui-même. Cette expression est utilisée en langue arabe pour désigner encore un pouvoir confessionnel, les Chiites représentés par le président de la chambre des députés et qui est de confession chiite. Cette expression est utilisée en langue arabe comme en langue française pour désigner les même représentations, voire le même pouvoir. Or depuis la naissance du Liban moderne à la fin du Mandat français, le parlement édifié sur cette place a pu lui donner cette dimension politique et législative, comme la place de tous les libanais, la place de tout le monde. Ainsi, dans cet usage, la place de l’Etoile représente plutôt un « lieu » et un « pouvoir » politique plus qu’un espace public anonyme : c’est le parlement ( et non pas la place du parlement) et c’est le pouvoir législatif.

Figure 141. Place de l’Etoile : une connotation politique
Figure 141. Place de l’Etoile : une connotation politique Source : Le journal Annahar, 31 mars 2004

Quant aux articles écrits sur les aménagements et sur les usages de la place comme « espace public urbain », ils sont souvent annexés par une représentation ou une perception réelle ou recherchée :

Figure 142. Articles parus sur la place de l’Etoile
Figure 142. Articles parus sur la place de l’Etoile Source : Hebdo Magazine, 2000

« Beyrouth dévisagé : l’Etoile, place des grands hommes » : dans ce titre on découvre un jeu de couleur et de typographie où « Beyrouth » et « Etoile » se ressemblent parfaitement et se distinguent du reste : comme si on voulait désigner la reconstruction et la revalorisation de cette ville : Beyrouth étoile. Ainsi, le titre « Beyrouth dévisagé » qui renvoie à l’histoire devient avec la couleur et le jeu typographique « Beyrouth l’étoile » qui renvoie plutôt à la reconstruction. Enfin, et toujours dans ce même titre, « Beyrouth l’Etoile » est devenue la « place des grands hommes ». Cela ne fait que renforcer l’échelle de cette place qui dépasse ses limites géographiques de proximité et ses limites temporaires pour représenter « Beyrouth » et le Liban.

« Balade au centre-ville : l’Etoile superstar » : dans cet article de l’hebdo magazine diffusé année 2000, c’est l’étoile qui représente la place : une étoile qui a dépassé ses limites pour devenir « superstar ». Là, on sent encore le rôle et la valeur de cette place, appelée à être « superstar » des espaces publics et du centre-ville. Dans ce titre c’est le centre-ville qui est mis en valeur à travers son « étoile » : c’est la reconstruction qui est évoquée : le mot étoile se démarque des autres comme s’il représente dorénavant le « lieu » où on peut se rencontrer, se « balader » et se rafraîchir…

« Place de l’Etoile » : dans cet article évoqué par l’Orient Le Jour en décembre 2000, la place de l’Etoile est devenue un lieu connu, un lieu « mature », un lieu qui existe dorénavant : ceci se lit par l’absence du « la » dans le titre qui symbolise le passage d’une place publique, d’un adjectif, vers un lieu connu, désigné par un nom propre : Place de l’Etoile.

« Beyrouth, d’arcades en balcons » : dans cet article paru dans le Monde le 11 décembre 2003, c’est Beyrouth qui est mis au cœur du titre : c’est Beyrouth avec ses spécifcités qui se reconstruit « d’arcades en balcons »…Dans cet article la place de l’Etoile est désignée par son nom « la place de l’Etoile » : cette désignation représente plutôt l’exportation d’un système urbain français vers un pays qui fut sous Mandat français à une certaine époque : ainsi le rappel de l’histoire de cette place explique bien le choix de son intitulé : la place de l’Etoile « parisienne », « française » importée dans un pays du levant. Ce symbole qui se lit entre les mots semble refléter un certain cadre de vie à l’occidental et qui a repris « ses goûts » avec la reconstruction. Cette représentation est associée dans le même article à la société « Solidere » qui gère la reconstruction au centre-ville. Bref, la place de l’Etoile semble désigner des symboles plus qu’un lieu, ou plutôt le lieu des représentations, le centre reconstruit, la capitale qui reprend ses « goûts » .