5- La place de l’Etoile : politique privée, intérêt public ?

En se référant à notre travail théorique sur les politiques publiques d’une part, et à nos enquêtes de terrain d’autre part, quelques éléments de comparaison, d’analyse et d’interrogation semblent ressortir :

En commençant par la dimension cognitive, la place de l’Etoile réaménagée par Solidere semble avoir décodé quelques réalités du lieu : elle s’insère dans un projet de reconstruction qui tente affirmer une certaine ambition, celle de faire revivre la modernisation dans le centre-ville : cette modernisation qui fut concrétisée à l’époque du Mandat français est réutilisée aujourd’hui à travers le réaménagement de la place de l’Etoile, principale témoin de cette époque. Cette modernisation à l’époque du Mandat français fut accompagnée par la construction du bâtiment du parlement libanais, affirmant ainsi la naissance d’un nouveau centre de pouvoir, d’une nouvelle identité libanaise…Ce projet tente répondre à la question suivante : comment peut-on moderniser le centre-ville et le rendre plus attractif à l’échelle internationale, tout en respectant son patrimoine et ses spécificités locales ?

Ainsi, la première réponse fut le réaménagement de cette place à l’identique ( au temps du Mandat français) contrairement à d’autres sites du centre-ville, complètement rasés. ( les souks arabes ). Cette place publique fut ainsi reconstruite à l’identique tissant des liens avec la mémoire du lieu et de ses usagers : respectant le patrimoine et l’histoire du lieu, cette place publique semble avoir décodé une grande partie de ses réalités : bien que cette dimension soit largement critiquée dans le reste du centre-ville, elle semble plutôt respectée dans ce lieu : des bâtiments rénovés à l’identique, des fouilles archéologiques entamées à la recherche des mémoires antiques et des traces historiques…Comme si, cette place rassemblait en elle toutes les identités libanaises, cherchant ainsi une nouvelle identité commune.

En analysant les objectifs du Schéma Directeur Vert de Solidere en terme de paysagement et de patrimoine et ceux du plan de réaméagement des espaces publics, la place semble avoir gagné le pari de la spécificité locale : reste à ce qu’il se propage sur le reste de la ville…

Comprendre cette politique privée menée au nom de l’intérêt public, c’est interroger ses normes et ses valeurs :

Enfin, comprendre le référentiel de cette place publique, c’est interroger les instruments et les méthodes qui ont été mise en œuvre pour son réaménagement : bien que la population civile n’ait pas pu donner son avis dans la reconstruction du centre-ville, et ceci pour des raisons déjà expliquées, cette place reconstruite à l’identique semble être largement acceptée et appropriée. Ceci nous montre l’intérêt d’avoir pris au moins en compte l’histoire et les spécificités locales du lieu. Mais ce manque de médiation limite malheureusement l’accès à la place pour toute une partie des beyrouthins : en commençant par les habitants des quartiers voisins qui ont du mal à y accéder à pied : « on est à deux pas de la place, mais c’est dangereux de venir à pied surtout le soir… » ; pour d’autres, la qualité d’aménagement qui se trouve dans la place dévoile la misère et le chaos qui les entourent et leurs ouvrent leurs blessures…du fait ils se trouvent étrangers par rapport à cette place…Cependant, la qualité d’aménagement présente sur cette place semble n’avoir jamais eu lieu sans un acteur privé…En effet, ni l’Etat, ni la municipalité ne possédaient et ne possèdent pas toujours les moyens techniques, financiers et humains…Mais cela n’empêche qu’ils auraient dû être associés plus au projet, surtout qu’il intègre la mémoire de la capitale et même du pays.

Ainsi, l’analyse de cette place dévoile de nouveau la recherche d’un référentiel d’aménagement, qui se mêle entre l’histoire du lieu, la modernisation et l’internationalisation.