6- La place de l’Etoile : entre spécificités locales et modernisation. Un public à la recherche d’un nouveau référentiel

L’étude de cette place publique révèle l’importance de ces deux mots-clés : spécifictés locales et modernisation.

Une place qui dès sa genèse, fut le premier symbole de la modernisation : une modernisation recherchée avec les ottomans et complétée avec le Mandat français : elle fut au détriment des spécifictés locales de la ville, à savoir la partie arabe qui existait à l’emplacement actuel de la place.

Des spécificités locales à la fois sociales et spatiales qui furent interrompues par ce nouveau système radio-concentrique qui changea à la fois les formes et les fonctions, et par suite les usages et les usagers.

Aujourd’hui, et selon notre étude, la confrontation entre les spécificités locales et la modernisation semble toujours sous-tendre les enjeux de cette place comme d’autres espaces publics beyrouthins : contrairement à sa genèse à l’époque du Mandat français, cette fois ci elle fut réaménagée à l’identique : comme si cette fois la modernisation a bien tenu compte des spécificités locales du lieu, au moins spatiales : cette polémique entre la mémoire du lieu et la modernisation du centre-ville semble être toujours présente dans les débats scientifiques ouverts depuis une dizaine d’années :

Jade Tabet parle d’une mémoire sélective qui présidait au projet436 , et d’un désert où flottent quelques monuments préservés ; Nabil Beyhum parle d’un désert culturel, d’un désert de bureaux et d’un désert physique pour désigner la reconstruction du centre ville437 ; Michael Davie parle ‘«’ ‘ d’un ’ ‘nouvel espace articulé aux impératifs spatiaux de l’économie internationale par des acteurs précis qui visent à exciser le centre de la ville de son propore contexte historique, fonctionnel et sociologique, pour lui imposer des nouvelles morphologies et fonctions. ’ ‘»’ ‘ 438 ’ ;

Or cette polémique touche l’identité même de cette place publique : est-elle une place publique arabe ? Orientale ? Libanaise ? Occidentale ? Historique ?Moderne ?…

Cet espace public semble être à la recherche d’un nouveau référentiel, fouillant dans l’histoire antique du lieu : des vestiges archéologiques phéniciens, romains, byzantins, ottomans…qui semblent surgir sur la surface alimentant ainsi cette recherche d’une identité libanaise en crise, à la recherche d’un nouveau référentiel…

Une seule chose semble au moins être confirmée : la place de l’Etoile est un espace public à Beyrouth qui s’est rénové depuis quelques années et qui s’affirme de jour en jour comme le nouveau lieu de rencontre proposé pour les beyrouthins et pour les libanais…un lieu de co-présence oui, mais de réconciliation, pas encore…

Figure 143. Le parlement libanais : place de l’Etoile
Figure 143. Le parlement libanais : place de l’Etoile Source : Joseph SALAMON 2004

Notes
436.

TABET J., « des pierres dans la mémoire », in TABET J., (dir), « Beyrouth, la brûlure des rêves », Paris, Autrement, 2001, p.67.

437.

BEYHUM N., « le désert au cœur de la ville, ou les nouvelles conceptions dans l’urbanisme moderne du Moyen Orient », in BEYHUM N., SALAM A., TABET J. (sous la dir.), « Beyrouth : Construire l’avenir, reconstruire le passé ? », Dossiers de « l’urban research Institute, édités avec le support de la Ford Foundation, Beyrouth, 1995, p.67.

438.

DAVIE M.F., « Discontinuités imposées au cœur de la ville : le projet de reconstruction de Beyrouth », in Villes en projet(s), Actes du colloque de 1995, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Centre d’Etudes des Espaces Urbains CESURB, Talence, 1995 , P.351.