4. Le comportement du conducteur.

Il faut se garder de confondre la recherche des facteurs d’accident et celle des responsabilités. La détermination de ces dernières a pour objet de sanctionner les fautes commises et de permettre l’indemnisation des victimes. L’enquête de police ou de gendarmerie remplit ce rôle depuis bien longtemps ; mais, on a, pendant tout ce temps, confondu faute, infraction et cause de l’accident. Si un conducteur passe au feu rouge et se trouve impliqué dans un accident, on affirme que le passage au feu est la cause de l’accident. Pourtant, les conducteurs qui passent au feu rouge n’ont pas tous un accident !

L’étude approfondie et constructive des facteurs d’accident doit donc faire abstraction des notions de responsabilité et ne s’appuyer que sur des faits objectifs et indiscutables. Classer les facteurs constitue une autre difficulté. Dans un accident, comment peut-on affirmer que la fatigue a eu plus d’incidence que la distraction, ou que la chaussée mouillée ? C’est objectivement impossible et les inspecteurs qui effectuent les enquêtes ont adopté l’idée qu’il suffirait d’enlever un facteur, quel qu’il soit, pour que l’accident n’ait pas lieu. Le seul classement possible est d’ordre quantitatif. Vingt-cinq mille enquêtes ont été réalisées depuis 1983 et une banque de données a été constituée. Elles viennent confirmer les premières études de l’INRETS 31 . Nous pouvons affirmer que les renseignements recueillis ont conduit à une bonne connaissance des accidents de la route en France. Les grandes catégories de facteurs se répartissent ainsi : organisation des secours 7%, météo 25%, véhicule (mauvais état ou entretien) 33%, infrastructure (la route, les accotements, la signalisation) 47%, le comportement de l’usager 95%. Notons l’importance de la catégorie usager. Dans la quasi-totalité des accidents, est présent au moins un facteur qui touche au comportement du conducteur.

Les progrès les plus significatifs ont été réalisés depuis trente ans dans les domaines des véhicules et des routes. Les voitures d’aujourd’hui adhèrent mieux à la chaussée, et, en cas de choc, se déforment pour absorber l’énergie cinétique et, de ce fait, diminuer la violence du choc. Le réseau routier a beaucoup évolué : on a supprimé les points noirs et on a coupé les virages. Des routes droites, larges, bien signalées, bien délimitées ont été construites. Comment va se comporter le conducteur au volant d’une bonne voiture, sur une belle route ? Il a l’impression d’être en sécurité et accélère l’allure. C’est la conduite à risque constant. Il vient par son comportement annuler les progrès réalisés. Dans la catégorie Usager, les facteurs sont : la vitesse 48%, l’alcool 30%, le non-port de la ceinture de sécurité ou du casque 25%, la fatigue 18%, l’inattention 16%, les infractions au code de la route 13%. Le facteur le plus souvent présent dans les accidents est, de loin, la vitesse, qu’il s’agisse de dépassement de la vitesse maximum autorisée, ou de vitesse inadaptée par rapport à la situation.

Jean-Yves LE COZ affirme que les accidents sont davantage dus aux erreurs humaines qu’aux véhicules 32 . ‘«’ ‘ Les Européens du Nord ont moins d’accidents que les Français. Or, ils roulent avec les mêmes voitures ! C’est donc bien l’usage qu’ils en font qui diffère... Il existe un vrai problème de comportement. Je ne citerai que trois exemples. La ceinture de sécurité, dont, en France, le port est loin d’être acquis. L’analyse de l’échantillon du LAB de personnes impliquées dans un accident montre qu’une sur deux ne la portait pas... Si 100% des occupants bouclaient leur ceinture, on éviterait mille décès par an en France. Deuxième exemple : l’alcool. Le respect des normes, associé au port systématique de la ceinture, permettrait d’épargner 2200 vies par an. Enfin, les limitations de vitesse. Si elles étaient respectées, ce serait encore 2000 morts en moins. Au total, nous aurions déjà atteint l’objectif fixé en 1997 par la France de réduire par deux le nombre des tués sur les routes. On pourra toujours progresser grâce à des voitures qui pardonnent ou à des systèmes d’information et d’aide à la conduite. Mais la sécurité routière est aussi une question d’éducation et de respect des règles, des autres et de soi-même. ’ ‘»’

Ces thèmes vont être étudiés dans le cadre de l’activité de psychologie du comportement des conducteurs. Les pistes de travail ne sont pas encore complètement définies, mais il est sûr que les recherches déboucheront sur les voitures elles-mêmes et sur la façon de les utiliser. ‘«’ ‘ Je citerai l’exemple de la boîte de vitesses automatique, peu répandue en France, à l’inverse d’autres pays dans lesquels on observe justement un comportement plus modéré des conducteurs. Je ne sais pas si nous travaillerons sur ce sujet, mais nous pouvons très bien imaginer d’étudier pourquoi la boîte de vitesses automatique est si peu utilisée et comment elle pourrait servir à promouvoir une conduite plus apaisée. ’ ‘»’  

Notes
31.

FONTAINE (H.), GOURLET (Y), JURVILLIER (J-C.), SAINT-SAENS (I.), Les déterminants de l’insécurité routière : exposition au risque et accidents, rapport INRETS, Février 1992.

32.

LE COZ (J-Y.), Recherche et Développement n°19, janvier 2001, Direction la communication de Renault, p.53.