B. L’Apprentissage Anticipé de la Conduite

Les jeunes de 18 à 24 ans sont, au cours des premières années de conduite trois fois plus accidentés que leurs aînés. 39 Ce phénomène serait lié à l’inexpérience. En 1980, les réflexions et les discussions prenaient diverses orientations. Fallait-il retarder l’âge d’accès à la conduite ? Ou bien instaurer des limitations de circulation, comme dans certains états d’Amérique du Nord, où les jeunes ne peuvent pas conduire après 22 heures et où leur permis prévoit une alcoolémie nulle ?

Les mesures restrictives ou coercitives n’ont pas été retenues. En 1982, la réglementation, la répression avaient montré leurs limites. L'orientation était plutôt une décentralisation des actions, faire que la lutte contre l’insécurité routière ne soit plus l’affaire de spécialistes, mais au contraire, celle de chacun de nous, sur le terrain, proche des réalités. Le choix politique fut donc de privilégier l’éducation et la formation, de faire un pari sur les nouvelles générations, en s’adressant aux jeunes, pour viser une transformation profonde de notre manière de vivre ensemble sur la route. C’est le pari de l’espoir et de la confiance dans les jeunes. Les jeunes sont les victimes d’aujourd’hui, mais surtout ils sont les conducteurs de demain dont les comportements marqueront une nouvelle manière de se conduire sur la route. Il est intéressant d’inventer un mode d’accès à la conduite automobile capable en même temps de réduire significativement l’implication des jeunes dans les accidents et obtenir que ces derniers devenus adultes abordent la route d’une façon sereine.

En 1984, Pierre MAYET, Délégué Interministériel à la Sécurité Routière lance l’opération : « Conduite accompagnée, permis pour les jeunes 16 / 18 ans. » Bien que le monde des adultes ait encore du mal à jouer le pari de la confiance aux jeunes, à adhérer à l’idée que la formation de tous les jeunes vers le permis de conduire ne peut être réalisée qu’avec leur soutien, il est convaincu qu’il faut rester mobilisé sur cet objectif. ‘«’ ‘ Il faut s’intéresser davantage à la formation des jeunes qu’aux mécanismes de l’élimination et de la sanction à appliquer à une minorité qui regimbe à l’apprentissage. ’ ‘»’ Le responsable de la Sécurité Routière présente cette orientation comme un véritable projet social de la formation des jeunes conducteurs auquel nous cherchons des solutions.

L’idée est de dispenser une formation à la conduite et à la sécurité dès seize ans. Les concepteurs de ce nouveau cursus d’apprentissage ont pris en compte qu’à cet âge, le jeune n’a pas les mêmes motivations qu’à dix-huit ans, où son souci principal est d’obtenir son permis de conduire le plus rapidement possible pour pouvoir partir seul en voiture. A seize ans, cette préoccupation n’est pas là, il sait que l’examen ne se déroulera pas avant deux ans.

A seize ans, le jeune suit une formation complète au code de la route et à la conduite. La préparation est la même que pour les plus âgés, qui à dix-huit ans passent l’examen et partent seuls au volant. Puisqu’il n’a pas l’âge requis, il va conduire, pendant deux ans, accompagné d’un adulte, conducteur expérimenté. Cette période privilégie l’acquisition d’expérience dans un milieu protégé, l’adulte étant présent pour anticiper les risques. Cette expérience ne sera pas simplement stockée, elle sera réfléchie grâce à une prise de distance facilitée par le moniteur d’auto école et par l’accompagnateur.

Pendant les deux années de conduite accompagnée, des retours sont prévus à l’auto école pour développer les connaissances du jeune en Sécurité Routière et pour faire le point sur les progrès réalisés en conduite. Le caractère novateur de ce dispositif consiste à passer d’une formation initiale à la conduite à un véritable processus éducatif, étalé dans le temps. Au cours d’une formation, c’est à dire un apprentissage sur une courte période, on ne peut acquérir que des connaissances, souvent restrictives, du code de la route et des savoir-faire, telle la manipulation du véhicule. Pour viser des attitudes de Sécurité Routière, l’éducation est nécessaire et un étalement dans le temps s’impose. Les deux années de conduite accompagnée devraient remplir ce rôle. L’éducation devient un travail d’équipe : le moniteur dispense la formation initiale et les parents assurent l’accompagnement.

En résumé, ce processus devrait permettre au jeune d’acquérir de l’expérience dans un milieu protégé et éveiller son intérêt pour la Sécurité Routière. L’attitude au volant devrait être modifiée. L’apprentissage anticipé de la conduite (A.A.C.) constitue un cursus de formation qui comprend une préparation complète chez un professionnel de l’enseignement de la conduite automobile et de la sécurité routière, suivie d’une période d’entraînement en présence d’un conducteur expérimenté. Il ne s’agit pas d’un apprentissage libre, comme il se déroulait il y a quelques décennies, ou comme il se pratique dans quelques pays étrangers. C’est un dispositif réglementaire, encadré par l’Etat.

Notes
39.

MINISTERE des L’EQUIPEMENT, du LOGEMENT, des TRANSPORTS et de la MER, Direction de la Sécurité et de la Circulation Routières, Grands thèmes de la Sécurité Routière en 2000, La Documentation Française, 2001, p.86.