2. Avantages et inconvénients.

Les présupposés théoriques.

L’idée est d’apprendre à conduire plus tôt, dès seize ans, et de circuler pendant une certaine période, en compagnie d’un conducteur expérimenté. Quelques idées-forces ont été avancées par les concepteurs du dispositif qui justifient de la nécessité de mettre en place l’apprentissage anticipé de la conduite. A cet âge, le jeune n’a pas les mêmes motivations qu’à dix-huit ans, où son souci principal est d’obtenir son permis de conduire le plus rapidement possible pour pouvoir partir seul en voiture. A seize ans, cette préoccupation n’est pas là, il sait que l’examen ne se déroulera pas avant deux ans. Les motivations sont plus intéressantes pour la conduite elle-même et pour la formation. Les résistances sont moins fortes, les préjugés, les opinions des adultes ont moins de prise sur un adolescent qui suit ses études. Ces deux années, de seize à dix-huit ans, constitueraient un moment unique et privilégié pour ancrer durablement des attitudes de sécurité. Lorsque, à dix-huit ans, après avoir obtenu son permis de conduire, il circulera seul au volant, la voiture ne sera pour lui qu’un moyen de déplacement. Contrairement aux jeunes qui suivent une formation traditionnelle, on peut supposer qu’il n’éprouvera pas le besoin de s’affirmer, de prendre des risques inutiles, de « frimer ». Mieux armés pour prendre la route dans un autre état d’esprit, les jeunes qui auront suivi le cursus Apprentissage Anticipé de la Conduite seront certainement capables d’adopter une conduite apaisée et qu’ils seront de ce fait moins impliqués dans les accidents. Il s’agit de rendre opératoires les concepts de formation en alternance et de progressivité d’accès à la difficulté.

Historique de la mise en place de l’A.A.C.

1982 - 1984 : concertation pluridisciplinaire au Ministère des Transports, schéma d’une réforme de la formation des conducteurs, pré-expérimentation à MONTHLERY sur un groupe de jeunes âgés de 13 à 17 ans.

Juin 1984 : émergence de la notion de « conduite accompagnée » dès seize ans, expérimentation dans deux départements, Yvelines, Essonne.

1986 : élargissement de l’expérimentation à 22 départements : le processus est appelé Apprentissage Anticipé de la Conduite ( A.A.C.)

Février 1987 : décision de généraliser le processus.

1988 - 1989 : fin de la généralisation, l’ensemble du territoire est couvert, extension aux D.O.M. Campagne nationale de communication sur le thème « 16 ans, le nouvel âge du volant ».

23 Novembre 1990 : décret R 123-2 instituant l’application du Programme National de Formation de la conduite et l’utilisation du livret d’apprentissage. Décret R 123-3 instituant l’Apprentissage Anticipé de la Conduite.

Fin 1990, les Pouvoirs Publics, pour intervenir de façon durable sur les comportements, avaient mis à la disposition de tout jeune qui le souhaite, la possibilité de suivre une formation plus approfondie et plus complète, dont le slogan était : « Formation + Expérience = Compétence ».

Inconvénients.

Nous constatons certains dysfonctionnements. Monsieur Frédéric DAVRAINVILLE, Délégué au Permis de Conduire et à la Sécurité Routière, chargé de la circonscription Vosges-Meuse, nous confie que dans quelques cas, les rendez-vous pédagogiques ne sont pas effectués. Il ajoute qu’on ne peut pas tout contrôler, mais qu’il pense y remédier.

Le tribunal de CHARTRES a jugé en Juillet 2000 un cas de conduite accompagnée. Les forces de l’ordre ont intercepté un véhicule qui circulait à cent soixante-seize kilomètres à l’heure sur une route départementale, où la vitesse maximum autorisée est de quatre-vingt-dix kilomètres à l’heure. A bord de cette voiture, une infirmière faisait conduire son fils dans le cadre de la conduite accompagnée. Elle s’est vue infligée une peine de trois mois de suspension de son permis de conduire pour mise en danger de la vie d’autrui, le jeune une interdiction de se présenter à l’examen du permis de conduire pendant une durée de huit mois. Nous ne tirons aucune conclusion hâtive de ces faits, il n’y a effectivement pas de raison objective pour qu’il se produise plus d’anomalies dans le cadre de la conduite accompagnée qu’ailleurs ; notons simplement qu’il ne faut pas, comme certains l’affirment, considérer le cursus A.A.C. comme le remède à tous les maux, « la » solution aux accidents de jeunes.

Le point aujourd’hui.

191.121 permis de conduire ont été délivrés en 2002, à des jeunes ayant suivi la filière de l’apprentissage anticipé de la conduite, soit 26,88 % des permis B délivrés. Ce nombre n’a cessé d’augmenter depuis la mise en place de l’A.A.C. Il était de 16.341 en 1990, soit 2,04 % des permis B délivrés. Ce pourcentage a été multiplié par 13 depuis cette date. Le taux de réussite en première présentation pour l’obtention du permis B est de 48,93 %, celui de l’A.A.C. est de 72,75 % 40 .

Malgré tout, le pourcentage d’inscriptions dans la filière A.A.C. nous semble peu important. Deux éléments peuvent expliquer ce fait. D’une part, tout le monde ne connaît pas bien le fonctionnement de cette mesure, ni les avantages qu’elle comporte. Il suffit de faire un sondage auprès de conducteurs pour se rendre compte que seulement 30 % d’entre eux sont au courant du dispositif. Nous le vérifions souvent, et profitons de l’occasion pour assurer sa promotion. D’autre part, un certain nombre de parents nous affirment être tout à fait prêts à inscrire leur enfant en conduite accompagnée, car ils sont convaincus de ses bienfaits, mais se disent dans l’impossibilité financière d’engager une telle dépense. Même les avantages liés à l’assurance ne permettent pas l’inscription. Ils diffèrent la formation de deux ans, lorsque leur enfant aura atteint ses dix-huit ans, espérant que leur situation financière soit meilleure, ou que le jeune travaille et soit en mesure d’assumer lui-même cette dépense.

Quelques expériences ont lieu ici et là. Citons celle d’AUBERVILLIERS dans laquelle nous avons été impliqué. L’objectif est d’engager dans le cursus de formation de conduite accompagnée des jeunes des milieux défavorisés. La formation initiale, financée avec de l’argent public, a été assurée par des auto-écoles liées par contrat. Une convention a été passée avec La Poste qui met à leur disposition les accompagnateurs, pendant leur temps de travail, et les véhicules. Le plus difficile a été de convaincre les cadres de cette entreprise d’adhérer au projet. Le coût a été très faible, car les trajets sont effectués de toute façon par les facteurs. Notons la détermination des jeunes qui se levaient à six heures du matin, pour aller conduire. C’est bien la preuve que si nous savons les intéresser, nous pouvons compter sur eux.

Depuis quelques années, le Fonds Social Européen et la Direction de la Sécurité et de la Circulation routière privilégient l’Apprentissage Anticipé de la Conduite chez les jeunes en insertion. Quinze mille cursus sont financés par an, inclus dans des formations professionnelles. Les objectifs sont multiples : motiver les jeunes (tous aiment conduire), les faire réussir, car pour bon nombre d’entre eux, c’est le premier examen qu’ils vont passer avec succès, leur assurer une autonomie plus grande, une mobilité géographique, et enfin leur donner les clefs d’une conduite apaisée, qui prend en compte le caractère collectif des déplacements automobiles.

Notes
40.

MINISTERE des L’EQUIPEMENT, du LOGEMENT, des TRANSPORTS et de la MER, Direction de la Sécurité et de la Circulation Routières, Formation du conducteur, Permis de conduire, bilan des examens 2002, p.55.