1.5. L’observation du conducteur.

Nous empruntons pour cela une démarche qui s’écarte volontairement de celles qui montrent une relation linéaire entre les infractions et les accidents. Carl HOYOS 76 cite de nombreuses recherches effectuées dans les années cinquante, notamment Mac FARLAND et MOSELEY (1954) : ‘«’ ‘ Infractions et accidents sont en relation avec l’âge et l’expérience des conducteurs : plus grande est l’expérience, plus le rapport s’infléchit du côté des infractions, tandis que le nombre des accidents diminue ; et plus l’âge diminue, et en même temps l’expérience, plus le nombre des accidents remonte par rapport au nombre des infractions ’ ‘»’ . Il retient en outre le critère de l’adaptation à la circulation, qui se présente comme une base possible pour un jugement sur la circulation au sens le plus large ; comme une base très significative pour juge des conditions extérieures aussi bien techniques que législatives, c’est-à-dire relatives à la réglementation, donc en impliquant le critère de la facilité de circuler ; tout autant que comme base pour juger du comportement des personnes, puisqu’il implique alors également, outre le critère de la facilité de circuler, celui de l’infraction, celui du « presqu’accident » et celui du comportement fautif. Pour lui, le projet d’étudier l’apprentissage au volant, les connaissances du conducteur, sa faculté d’orientation visuelle, son comportement en face du risque, son attitude vis-à-vis de la police, la vitesse à laquelle il roule, etc..., a une valeur scientifique directe. Il enchaîne : ‘«’ ‘ Tant que de telles variables qui serrent de près la réalité, tout en ayant une action directive, sélective et excitatrice, ne seront pas mieux étudiées, on ne doit guère s’attendre à ce qu’on puisse précisément se servir de variables pour prévoir des événements qui en dépendent, à savoir les accidents ’ ‘»’ .

La description du comportement dans la circulation peut revêtir plusieurs formes. Lorsqu’un observateur décrit le comportement d’un conducteur indépendamment de toute systématisation explicite, cette description comporte toujours des jugements de valeur et reste subjective. Ce genre de description peut seulement fournir des données brutes pour une élaboration ultérieure. Il semble que l’essai d’appréhender le comportement du conducteur à partir de l’observation de soi doive nous approcher de la vérité. Mais des difficultés apparaissent dans la problématique qui se trouve impliquée : doit-on considérer la prise de position de chaque personne qui circule, sur son comportement personnel, comme une variable de ce comportement, ou bien comme une méthode pour le décrire ? A l’évidence l’observation de soi situe dans une position intermédiaire ; d’une part elle est certainement un caractère du comportement (surtout peut-être quand le conducteur se trouve en face d’un risque, la description subjective d’une situation sur la route représentant un très instructif document sur la façon de se comporter) ; d’autre part elle peut fournir de précieuses indications et d’utiles points d’appui pour l’établissement de méthodes de description. Toutefois il ne faut jamais perdre de vue alors qu’il s’agit là d’une formulation rétrospective et non du comportement primaire lui-même ; on peut y trouver de très intéressants renseignements, mais pour que ces renseignements prennent une signification, ils doivent être examinés en fonction de ce qu’a fourni l’observation extérieure et avoir subi l’épreuve de validité.

Mac FARLAND (1954) est d’avis que des interviews et des récits confidentiels pourraient apporter des lumières sur les causes de situations critiques dans la circulation. Il fait mention d’une enquête parmi les pilotes d’avion qui, d’après des récits confidentiels, montre qu’environ cinquante pour cent de toutes les fautes de pilotage observées étaient dues à une « manœuvre inattentive ». HOYOS (1961) examina cent quatre vingt onze conducteurs, qualifiés ou non, à l’aide d’échelles d’appréciation d’après vingt cinq groupes de questions s’appliquant au tempo personnel, à la conscience du risque, au sens de la sécurité, au respect des lois et règlements, ainsi qu’au comportement vis-à-vis des autres usagers de la route. En ce qui concerne le sens de la sécurité, le respect des lois et règlements et le comportement vis-à-vis des autres, des différences significatives apparurent relativement au nombre des accidents et fautes enregistrés officiellement pendant une période d’observation en moyenne de huit ans et demi. On doit accorder à ce résultat un intérêt diagnostique certain, tandis qu’en ce qui concerne la question de l’analyse du comportement, la validité des prises de position subjectives n’a pas pu être contrôlée, et que, comme le reconnaît HOYOS lui-même, elle ne pouvait guère l’être.

VON BILLION (1958) a cherché à éliminer l’inconvénient de la présence d’observateurs dans le véhicule, par l’emploi d’une méthode appropriée : il a fait faire l’observation à partir d’une voiture qui suit la première, sans que le sujet à observer en soit informé.

Pour nous, la technique de la voiture suiveuse ne permet pas de recueillir suffisamment d’informations. On constate le résultat d’un processus : le conducteur commet un refus de priorité ou pas. Il nous manque toute l’élaboration et la préparation de la décision dans cette situation bien précise.

Notes
76.

HOYOS (C.G.), op. cit. p. 57.