2.1. L’accès au savoir par le recours à l’autre.

Les rendez-vous pédagogiques constituent un moment fort dans le cursus Apprentissage Anticipé de la Conduite. L’hypothèse est que des échanges autour d’un thème de sécurité routière peuvent participer à l’évolution des comportements et des attitudes. La confrontation sociale est nécessaire à l’intégration d’un esprit sécurité. Pendant ces échanges, le conducteur, jeune ou accompagnateur prend conscience que ses opinions et ses connaissances sont différentes des autres participants du groupe.

Dans sa Leçon inaugurale au Collège de France le 7 janvier 1977, Roland BARTHES déclarait : ‘«’ ‘ Parler, et à plus forte raison discourir, ce n’est pas communiquer comme on le répète trop souvent, c’est assujettir. ’ ‘»’ Le dialogue éducatif est une forme de la communication qui libère et promeut au lieu d’aliéner l’un à la volonté de l’autre. Ainsi, la métaphysique de la relation en éducation permet d’expliquer que la seule présence des partenaires l’un à l’autre influence déjà l’éducation elle-même.

Pour Jean-Marie LABELLE, 78 l’apprentissage vise conjointement les différents aspects de la responsabilité socialement vécue qui renvoient aussi bien au savoir qu’aux relations avec les autres. D’où, ce qui est attendu par l’apprenant de son apprentissage, c’est un progrès dans son sentiment de responsabilité, progrès qui passe nécessairement par la fabrication, par lui-même, de sa propre réponse, au double niveau de son choix et de sa mise en œuvre. «  N’est-ce pas là la désignation de l’autonomie à laquelle l’adulte aspire ?  » L’apprivoisement de l’altérité du savoir s’effectue par confrontation à l’autre, que cet autre soit en position statutaire d’enseignant ou d’apprenant. Il arrive fréquemment, en effet, d’observer que, partant de son expérience, l’adulte considère son apprentissage comme une prise de recul et qu’il estime avoir besoin d’une relation d’aide dans son effort de distanciation qui le conduise à penser.

La base des discussions repose sur l’expérience de chacun et la découverte de l’autre, différent de soi, déstabilise dans un premier temps. L’enseignant de la conduite automobile régule les discussions et apporte des contenus précis, exacts et adaptés au débat. Sur ces nouvelles bases, les attitudes peuvent évoluer.

L’altérité, condition d’intégration.

L’expérience originaire de l’apprentissage est souvent celle d’un émiettement ou d’un morcellement qui entraîne l’adulte à vivre une certaine dissociation de ses savoirs entre eux et de son savoir avec lui-même. ‘«’ ‘ Cette pente appelle le sujet apprenant à rechercher une unité, encore et toujours à construire. Cette unité aura nom cohérence et intégration, comme antidote à ce qui semble alors comme une insurmontable altérité. D’où le chemin d’apprentissage à emprunter est celui-là même où est ressenti la brisure. En cette situation nouvelle où il est acteur responsable, conscient de son point de départ, de son but et de sa démarche, l’apprenant se confronte à l’altérité du savoir par et dans sa relation même à l’autre ’ ‘»’ .Cet autre le provoque à assumer la contradiction intérieure entre son besoin de dépendre d’un modèle constitué et son aspiration à en sortir pour s’inventer lui-même. ‘«’ ‘ Au terme de ce mouvement, qui en droit n’en connaît point, le sujet aura touché la vérité comme sienne, c’est-à-dire, aura réduit à son profit l’inaccessibilité du savoir, qui ne cessera pas pour autant d’être autre, mais cette fois d’une altérité apprivoisée qu’il peut s’approprier. ’ ‘»’

L’intégration n’est pas autre chose que la mise en réciprocité de l’influence des maîtres par laquelle l’adulte devient soi. C’est la raison pour laquelle toute formation formelle se doit d’être articulée aux besoins de l’apprenant, sinon l’intégration ne peut se réaliser. C’est à cette condition que ce qui nous ‘«’ ‘ vient du dehors devient notre expression de nous-même, si bien que nous devenons finalement cause de la forme et des contenus qui s’étaient d’abord imposés à nous’ ‘ 79 ’ ‘ ’ ‘»’ .

Notes
78.

LABELLE (J-M.), op. cit. p.132.

79.

LABELLE (J-M.), op. cit. p.211.