2.4. Les représentations.

Lorsque les individus ou les groupes parlent de situations qu’ils rencontrent, qu’ils vivent, dans lesquelles ils se sentent pris ou qui les dépassent, lorsqu’ils s’expriment sur les événements qui les affectent ou qu’ils tiennent pour extérieurs à eux, ils donnent à voir leurs représentations. Lorsque les acteurs sociaux présentent leur conception sur le sens d’un changement, par exemple, leur langage comporte au moins deux niveaux de significations. ‘«’ ‘ Tandis qu’ils montrent avec des arguments rationnels la solution qu’ils envisagent ou qu’ils préconisent pour résoudre un problème, analysé avec les moyens culturels disponibles, en même temps la vision qu’ils expriment est une métaphore de ce qui peut servir de solution aux affects que le problème leur fait éprouver’ ‘ 82 ’ ‘ ’ ‘»’ . Ainsi, dans l’analyse qu’ils font des situations, les individus et les groupes introduisent toujours leurs nécessités subjectives.

Les nécessités qui président à la construction des représentations ou à leurs appropriations impliquent de considérer la représentation non seulement comme un contenu, mais aussi comme un ensemble de processus, intégrant des opérations psychiques donnant lieu à des remaniements et destinés à concilier l’intériorité et l’extériorité, l’individuel et le collectif. En tant que processus, les systèmes de représentations remplissent des fonctions d’organisation pour les perceptions, les affects et les valeurs, assurent des fonctions de défense contre les menaces internes et externes à l’individu et au groupe, une fonction régulatrice par la réduction qu’ils opèrent dans les conflits et les contradictions et par leur capacité à créer de la cohérence.

Pourtant la perspective peut une nouvelle fois s’inverser et faire de la conscience individuelle une des modalités les plus élaborées du social, lequel lui fournit alors les points d’appui nécessaires à son autonomie. L’espèce humaine est une espèce sociale, mais une espèce marquée par l’émergence de l’individualité, laquelle s’affranchit du groupe autant qu’elle ne le traduit, tout en conservant vivant le lien originaire. L’individu devient alors le plus beau « fleuron » du social et constitue sa finalité émergente. Ce qui s’analysait comme un déterminisme causal, pesant sur la personne, mute alors en une modalité interactive de sa construction, grâce à l’appui sur l’autre et le groupe. C’est ainsi qu’on peut comprendre la phrase géniale de L. VYGOTSKI selon laquelle l’intelligence, c’est le contact social de l’individu avec lui-même.

Notes
82.

GIUST-DESPRAIRIES (F.), Le procès de formation : pluralité des représentations et dynamique interne, Pratiques de formation n° 15, 1988.