1. Entretiens et questionnaires.

L’accompagnateur est quelqu’un qui « propose », qui ne conseille pas, qui ne décide pas pour autrui. Nous pensons que le jeune, au cours de la conduite accompagnée, accède progressivement à l’autonomie et devient capable de prendre des décisions seul, en ayant conscience des risques et des enjeux. Etre accompagné fait naître chez l’adolescent un sentiment de sécurité et de paix. Nous allons nous assurer qu’il n’y a pas dérive, vérifier si l’accompagnement conduit (ou non) à une dépendance psychologique. Cette tutelle peut conduire à une absence totale d’autonomie si l’accompagnateur « guide » trop le jeune, s’il ne lui laisse pas prendre d’initiatives. A l’inverse, si le processus produit une mise en confiance, le jeune se sentira plus sûr, moins hésitant. Un jeune conducteur trop sûr de lui peut être enclin à prendre des risques, sans en être conscient. Nous vérifierons si ce phénomène se produit. L’accompagnateur peut être invité, par sa conscience, à dire la loi. La relation avec l’adulte permet, à notre sens, de structurer le jeune et d’agir sur le rapport à la loi, à la règle. Il est intéressant de vérifier si l’adulte veille au respect des règles au cours de la relation, et si, après la période d’accompagnement, le conducteur respecte les règles, le code de la route, ou bien s’il prend des libertés et pourquoi.

Les parents ont au cours de la phase accompagnement un rôle particulier. Sont-ils capables de prendre de la distance, de respecter le jeune, ou sont-ils trop marqués affectivement ? Selon nous, ceci demande confirmation, il nous parait indispensable de les entendre, qu’ils nous disent ce qu’ils ont trouvé dans cette conduite accompagnée, mais aussi ce qu’ils n’y ont pas trouvé. Il nous semble nécessaire de savoir comment les acteurs ont vécu la formation initiale : est-elle suffisante, de qualité, l’accompagnateur y assiste-t-il ?

Les rendez-vous pédagogiques devraient éveiller chez le jeune un intérêt pour la Sécurité Routière. Lorsque nous intervenons dans la formation continue des enseignants de la conduite, nous constatons qu’ils ont beaucoup de difficultés à animer des échanges, à ne pas transmettre du contenu, à utiliser le vécu des participants. S’il n’y a pas de confrontation, le jeune ne peut intégrer une attitude de sécurité. Nous supposons que les acteurs s’impliquent de façons très diverses dans cette phase. En vue de rendre le phénomène A.A.C. aussi intelligible que possible nous avons procédé à des entretiens avec des jeunes et des accompagnateurs.

A. Les entretiens.

La conduite et la transcription des entretiens.

Nous avons décidé d’enquêter auprès d’un panel significatif de jeunes ayant suivi le cursus Apprentissage Anticipé de la Conduite et d’accompagnateurs. Les entretiens ont été menés de façon semi-directive, nos intentions de recherche étant assez précises. Après avoir expliqué le cadre et le but de l’enquête, nous posions des questions autour de huit thèmes et nous laissions notre interlocuteur s’exprimer, nous n’intervenions que pour relancer la discussion. Ces thèmes sont identiques, pour les jeunes et les accompagnateurs, car le but est de recueillir leur vécu, et ils ont suivi le même cursus. Nous avons recruté les personnes que nous allions interviewer dans les établissements d’enseignement de la conduite et parmi les participants à nos stages destinés aux conducteurs désirant reconstituer leur capital points du permis de conduire. Nous n’avons procédé à aucune sélection, ni parmi les auto-écoles, ni parmi les élèves. Ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont été les bienvenus.

Nous avons procédé à l’interview de quelques diades : de jeunes et de leurs accompagnateurs respectifs, pour vérifier s’il y a des différences de perception entre le jeune et l’accompagnateur, alors qu’ils ont vécu les mêmes situations.

Nous disposons actuellement du témoignage de vingt jeunes, de quinze accompagnateurs et deux personnes opposées à ce genre de formation. La durée moyenne des entretiens variait entre trente et quarante-cinq minutes. Nous nous sommes limités à lancer l’entretien et à effectuer de temps en temps des reformulations de ce que venait d’exprimer la personne pour lui permettre de compléter, d’approfondir sa pensée, ou de repartir dans une autre direction. Nous posions les questions au fur et à mesure du déroulement des séances, nous avons enregistré l’ensemble sur magnétophone. Le classement des entretiens a été fait au hasard, dans l’ordre de leur transcription littérale.

Méthode d’analyse.

Cette mise en forme réalisée, nous avons retenu l’analyse thématique pour exploiter les entretiens tels que nous les avons menés. Nous avons choisi de relever les unités de sens, c’est-à-dire des thèmes et non des mots puisque nous sommes engagés dans une analyse thématique et non sémantique.

Les entretiens sur la conduite accompagnée.

Notre grille d’entretien comporte les points qui nous semblent les plus pertinents. Nous avons cherché à savoir si c’est le jeune qui souhaite conduire à seize ans, et pourquoi, ou si ce sont les parents qui prennent l’initiative. Dans ce dernier cas, l’apprenti vivra plus ou moins bien la conduite accompagnée et les effets s’en ressentiront.

Les parents ont-ils le souci de sécurité pour leur enfant, pour se rassurer, ou comptent-ils bénéficier des réductions de primes d’assurance. Selon le cas, la motivation du jeune est différente. Lui-même, est-ce par plaisir, pour faire comme les copains, ou pour apprendre à bien conduire.

Il est intéressant de connaître la perception qu’ont les jeunes et les accompagnateurs de la formation en auto école, du déroulement des leçons, en salle et en voiture. Comment voient-ils les moniteurs, l’accompagnateur s’est-il rendu aux cours, fait-il un lien avec sa mission ?

Combien de kilomètres avez-vous parcourus ? Quelle est la nature des parcours?

Quelle est la nature des routes empruntées : route, autoroute, ville, campagne, longs parcours ou seulement petits trajets, diversifiés ou pas. Les trois mille kilomètres ont-ils été effectués.

Il est intéressant de savoir si les parents sortent « exprès » pour faire conduire leur enfant ou s’ils profitent de parcours habituels ; s’ils ont vécu des situations difficiles ; s’ils sont des accompagnateurs dirigistes ou s’ils rendent le jeune autonome ; s’ils acceptent que leur enfant conduise comme lui a appris le moniteur d’auto école, ou veulent-ils qu’il se comporte comme eux.

Pendant les deux années de conduite accompagnée, comment s’est passé la relation jeune / accompagnateur, y a-t-il des phases de rapprochement ou de conflits qui viennent « polluer » l’accompagnement. L’accompagnateur conducteur modèle : se comporte-t-il de manière différente lorsqu’il est en charge de l’éducation routière du jeune ? Nous supposons que parcourir des milliers de kilomètres ensemble ne se passe pas sans heurts. Les conflits de l’adolescent avec ses parents se reproduisent-ils en voiture, sont-ils amplifiés, ou bien la conduite fait-elle l’objet d’un consensus. L’accompagnateur peut rouler comme un conducteur expérimenté, ou jouer le rôle d’éducateur et servir de modèle, d’exemple.

Comment se déroulent les rendez-vous pédagogiques, y assistez-vous ? Ces regroupements sont une innovation. Quelle est l’implication des différents acteurs, comment les parents se comportent-ils, de façon passive ou ont-ils l’occasion de s’exprimer ? Le moniteur joue-t-il son rôle de coordinateur ?

Ces rendez-vous sont-ils utiles ? Dans quelle mesure suscitent-ils l’éveil de l’intérêt à la Sécurité Routière chez le jeune ? Avez-vous été sensibilisé?

Ces rendez-vous pédagogiques sont-ils l’occasion d’échanger sur les vrais problèmes d’insécurité routière et de sensibiliser jeune et accompagnateur, ou s’ils sont perçus comme une formalité administrative ?

Le bilan que font les acteurs après une telle action vaut à notre sens toutes les évaluations pédagogiques, scientifiques que l’on pourrait mener. Ce sont eux qui en ont vécu tous les moments, qu’en retiennent-ils ?

Après avoir dressé le bilan, les acteurs ont certainement des choses à proposer pour améliorer le fonctionnement de l’Apprentissage Anticipé se la Conduite.

Notre grille d’analyse nous rend plus particulièrement attentif aux thèmes suivants : 1. Motivations, avantages, inconvénients, 2. Formation initiale, RVP., 3. L’accompagnement : nature des parcours, distance parcourue, parcours occasionnels ou sorties exprès, la relation , 4. Points forts, bilan, propositions.

Les entretiens sur la notion de citoyenneté.

Conducteur « citoyen » est un terme polysémique qu’il convient de préciser. Pour nous, la notion s’apparente au comportement du conducteur au volant d’une automobile qui adopterait une conduite apaisée. Son attitude générale se caractérise par la prise en compte du caractère collectif du déplacement routier et l’attention particulière qu’il porte aux autres. Mais pour d’autres, cela a peut-être une autre signification. Nous allons pour cela interviewer deux responsables nationaux d’associations de victimes de la route, trois enseignants de la conduite automobile et de la sécurité routière, deux candidats venant d’obtenir le permis de conduire et leur enseignant, un Délégué au Permis de Conduire et à la Sécurité Routière, un responsable du Ministère des Transports. Nous avons retenu, en vue de leur analyse : un article intéressant d’un directeur de recherches de l’INRETS, un débat télévisé entre une Responsable d’association de victimes de la route et un pilote automobile, deux émissions de télévision au sujet de la violence au volant et une émission de radio commentant les débats d’un tribunal qui traite un accident de la route aux conséquences particulièrement graves.

Nous avons sélectionné quatre thèmes pour analyser les discours des acteurs sur la notion de citoyenneté : le respect des règles, la tolérance, l’éducation, la formation et les propositions que feront les participants.

B. Les questionnaires.

Nous avons élaboré un questionnaire destiné aux autres acteurs institutionnels : les Enseignants de la Conduite Automobile et de la Sécurité Routière et les Inspecteurs du Permis de Conduire et de la Sécurité Routière. L’objectif est de savoir comment, eux, vivent cette formation, comment ils la ressentent. Ont-ils des suggestions, font-ils des propositions pour améliorer le système ? Les enseignants forment chaque année cent vingt cinq mille jeunes selon cette formule AAC. Leur façon de travailler a dans ce cadre considérablement évolué, notamment avec l’animation des rendez-vous pédagogiques et le partenariat avec les parents. Les inspecteurs examinent l’ensemble des candidats. Nous pensons que les deux sont particulièrement qualifiés pour nous parler de ce cursus d’apprentissage. Nous avons rédigé quatre questions ouvertes : quels sont pour vous les avantages de la conduite accompagnée ? Actuellement quels en sont les points faibles, lacunes, dysfonctionnements ? Comment pourrait-on améliorer ce cursus de formation ? Quel autre type d’apprentissage permettrait de parvenir à une conduite citoyenne ?

Nous procéderons à l’analyse des réponses en adoptant la même démarche que pour les entretiens : recherche de thèmes articulés autour de ces quatre grandes questions. Les questions ouvertes autorisant des réponses assez longues, assez développées permettent cette démarche. Nous disposons actuellement de 19 questionnaires « enseignant » et 11 « inspecteur ».