2. L’enquête sur l’accompagnement.

Nous allons nous intéresser à la phase « accompagnement » du cursus Apprentissage Anticipé de la Conduite automobile. Les textes réglementaires sont muets quant au déroulement de cette période. La conduite accompagnée a été mise en place suite à des présupposés et procède selon nous de l’implicite. Le dispositif n’ayant pas été théorisé, les pratiques des acteurs doivent être très diverses ; il n’existe aucun modèle, aucune recommandation destinés aux jeunes et à leurs parents. Les pratiques d’accompagnement sont probablement fonction de l’idée que se font les accompagnateurs de la conduite et de leur rôle dans ce processus. L’arrêté du 14 décembre 1990 précise simplement que : la période de conduite accompagnée ne peut être inférieure à un an et supérieure à trois ans à compter de la date de délivrance de l’attestation de fin de formation initiale. Au cours de cette période, en vue d’une acquisition d’expérience, l’élève doit avoir conduit sur une distance de 3.000 kilomètres, accompagné par une personne âgée de vingt-huit ans révolus et titulaire depuis au moins trois ans du permis de conduire les véhicules dont le P.T.A.C. n’excède pas 3,5 tonnes.

La fonction d’accompagnateur ne peut être exercée qu’après accord de la compagnie d’assurances du propriétaire du ou des véhicules utilisés pour cet usage. Une ou plusieurs personnes peuvent assurer cette fonction.

L’assureur peut refuser cet accord aux personnes condamnées au titre des infractions suivantes : homicide et blessures involontaires (art. 221-6 et 222-19 du Code pénal), conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, délit de fuite, refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, conduite sous le coup d’une suspension ou d’une annulation du permis de conduire (art. L. 1er, L. 2, L. 4, L. 19 du Code de la route). Le ou les véhicules utilisés pendant la période de conduite accompagnée doivent être équipés de deux rétroviseurs latéraux : l’un situé à gauche du véhicule réglé pour l’élève, l’autre situé à droite du véhicule réglé par l’accompagnateur conformément aux dispositions prévues par l’article R. 123-3 du Code de la route. Un signe distinctif autocollant ou magnétisé conforme au modèle en annexe à l’arrêté doit être apposé à l’arrière du véhicule. A ces véhicules peuvent être attelées des remorques n’entraînant pas le classement dans la catégorie E (permis de conduire un véhicule attelé d’une remorque dépassant un certain poids), sous réserve de l’accord de l’assureur.

Nous allons chercher à savoir comment se déroule concrètement cette phase d’accompagnement. Les contacts professionnels que nous avons eus depuis plusieurs années avec de très nombreux moniteurs, jeunes apprentis et accompagnateurs déterminent les idées que nous avons a priori sur cette question. Selon nous, la pratique des parents porte essentiellement sur la manipulation des véhicules et l’emplacement sur la chaussée, c’est-à-dire la première et la deuxième étape de la formation du conducteur : maîtriser la voiture à allure lente ou modérée, le trafic étant faible ou nul, et choisir la position sur la chaussée, franchir une intersection ou y changer de direction. Très peu travaillent la circulation dans un trafic dense, et encore moins des situations présentant des difficultés particulières. La prise en compte des autres se situant dans ces deux dernières étapes, il nous semble qu’elle est globalement insuffisamment approfondie pour parvenir à une conduite citoyenne.

L’intervention des accompagnateurs semble relever de cette logique et porter essentiellement sur la mécanique et sur la manière de se placer sur la chaussée, de façon préventive ou pendant l’action. Les situations complexes de conduite impliquant d’autres usagers et nécessitant une analyse approfondie en vue d’une prise de décision adaptée sont selon nous difficiles à gérer pour les accompagnateurs. Il nous semble qu’ils interviennent très tôt, avant l’action, gênant ainsi le jeune et faisant obstacle à sa prise d’autonomie. Ils prennent ensuite confiance en la conduite de leur enfant et n’interviennent plus qu’en cas de danger, mais cernent-ils vraiment cette notion de danger ? Cette attitude est aussi néfaste pour la progression du jeune qui acquiert une expérience non réfléchie, donc peu ou mal intégrée. Nous supposons qu’un nombre infime d’accompagnateurs est capable de conduire efficacement son enfant vers l’autonomie. Les jeunes qui ont suivi le cursus A.A.C. sont beaucoup sensibles à la sécurité que ceux ayant eu un apprentissage traditionnel, ils pourraient l’être néanmoins davantage avec un accompagnement d’un autre type, par exemple, du genre « prise de conscience ».

Afin de connaître la pratique des acteurs pendant la phase d’accompagnement, nous avons élaboré un questionnaire destiné aux jeunes et aux accompagnateurs. Nous l’avons transmis aux intéressés par l’intermédiaire d’exploitants d’établissements d’enseignement de la conduite automobile et de la sécurité routière. Ces derniers se sont chargés très volontiers de faire renseigner les imprimés et d’en assurer le retour. Nous avons choisi le moment où le jeune venait d’obtenir son permis de conduire : la phase « conduite accompagnée » est terminée, mais néanmoins très proche pour se souvenir de ce qui s’est passé.

Il nous est apparu intéressant de savoir qui était l’accompagnateur : le père, la mère, ou les deux, ou bien quelqu’un d’autre. La distance totale parcourue est intéressante aussi. Les jeunes parcourent-ils les 3000 kilomètres minimum requis par le dispositif, ou bien vont-ils au-delà, dans un processus d’acquisition d’expérience consolidé. De quelle nature sont les parcours : sont-ils plus diversifiés que ceux suivis en formation initiale à l’auto-école, l’accompagnement joue-t-il ici son rôle, ou bien reproduit-on la formation initiale avec ses manques.

Afin de nous enquérir sur la façon de procéder concrète des acteurs, nous demandons sur quels points portent les conseils. Nous avons décomposé la tâche de conduite en quatre thèmes : la manipulation du véhicule, la position sur la chaussée, le respect du Code de la route, et le respect des autres usagers. Ce découpage correspond sensiblement aux quatre étapes du programme de formation initiale des conducteurs. Là encore, il sera intéressant de savoir si les accompagnateurs s’attachent au déplacement véhicule dans un environnement, avec respect des règles de conduite ou bien vont-ils plus loin, avec la prise en compte, voire le souci permanent des autres usagers.

Afin de recueillir des éléments qui pourraient concourir à l’autonomisation du jeune, à son devenir de conducteur responsable, nous demandons à l’accompagnateur si les interventions se sont produites : avant l’action en prévention, pendant l’action, juste après l’action, et/ou en fin de parcours. Nous profiterons de ce questionnaire pour demander aux acteurs ce qu’ils pensent de la formation initiale, quels sont les points faibles. Effectivement, l’accompagnateur entreprend de circuler avec un jeune au volant et constate certaines pratiques : sont-elles suffisantes et adaptées pour entrer dans le processus d’acquisition d’expérience.

Nous terminons ce questionnaire par deux points d’ordre général : quels sont les avantages de la conduite accompagnée, et comment améliorer le dispositif. Nous voyons à ces questions deux intérêts : il est d’une part intéressant de recueillir l’avis des intéressés, de savoir ce qu’ils retirent de cette pratique, peut-être auront-ils aussi des propositions à faire, il est d’autre part nécessaire qu’ils se sentent tous concernés et qu’ils sachent qu’ils ont leur mot à dire : les faire s’engager, s’exprimer concrètement nous paraît une bonne voie.