1.2. La formation initiale, les R.V.P.

‘«’ ‘ Ces rendez-vous sont surtout utiles pour les accompagnateurs... pour le jeune, non, lui, il s’ennuie un peu, il lui tardait de partir ! ’ ‘»’

‘«’ ‘ Le jeune, non, pour lui, ça ne sert pas à grand chose ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ C’était surtout eux qui discutaient, nous on écoutait. J’ai trouvé le temps un peu long, mais enfin, non, pas vraiment utile ! ’ ‘»’

‘«’ ‘ Mes parents étaient là aux deux rendez-vous, c’était surtout eux qui parlaient ’ ‘»’ ‘.’

Au cours des rendez-vous pédagogiques, les jeunes ne s’expriment pas. Ils préfèrent laisser les adultes discuter entre eux, par peur de parler, de donner leur avis, d’être désapprouvés par leurs parents ou par le moniteur. Parler en public est fragilisant, les conditions ne sont pas réunies pour que les jeunes prennent le risque de se dévoiler. Il est dommage que les jeunes ne puissent partager leurs expériences. Ils sont privés de l’occasion de confronter leur vécu de conduite, leur perception des situations et risquent d’avoir du mal à intégrer leurs apprentissages. Adultes et adolescents reconnaissent que ces réunions sont surtout utiles pour les accompagnateurs, qui échangent avec le moniteur.

‘«’ ‘ On fait le point avec le moniteur... car il y a certaines choses qu’on ne lui a pas dites, par ignorance ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Le moniteur a du mal à remettre de l’ordre dans tout ça ! ’ ‘»’

‘«’ ‘ Oui, on peut dire que c’est utile, ça permet de discuter, de se mettre d’accord une fois pour toutes ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Les parents et le moniteur ne sont jamais d’accord, c’est utile pour mettre tout le monde d’accord ’ ‘»’.

Jeunes et accompagnateurs considèrent que les rendez-vous pédagogiques permettent de faire le point avec le moniteur. Ce dernier est perçu comme un médiateur, celui qui va « mettre tout le monde d’accord ». Selon eux, la relation d’accompagnement nécessite, à un moment donné, un regard, un avis extérieur. Ce regard ne va pas faire évoluer les positions de chacun pour trouver un compromis, un terrain d’entente, mais va bien trancher, dire ce qu’il convient de faire.

‘«’ ‘ Les rendez-vous pédagogiques, très bien, le moniteur, sympathique, a posé des questions, m’a dit ce qu’il fallait que je fasse ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ La monitrice savait exactement comment ça avait été mis en place, entre lui et moi... et à partir de là, ce qui allait, ce qui n’allait pas !  ’ ‘»’

‘«’ ‘ L’utilité, oui, je pense que c’est utile, mais je me demande s’il ne faudrait pas dispenser une formation aux parents avant de commencer, pour qu’ils sachent leur rôle, ce qu’on attend d’eux ’ ‘»’.

Les accompagnateurs ont une idée relativement floue de leur rôle. Ils improvisent, organisent la phase accompagnement « au feeling », selon la représentation qu’ils se font de cette fonction. Ils sont demandeurs d’éclaircissements et profitent des réunions périodiques pour faire appel au moniteur, discuter et préciser ce qu’ils doivent faire, comment ils peuvent s’y prendre. Derrière leurs propos, le moniteur dirige encore la formation, comme autrefois, où l’on confiait le jeune à l’auto école et on lui faisait confiance pour former le futur conducteur, sans porter un regard sur le nombre d’heures, les objectifs ou le contenu. Les adultes ne prennent pas totalement en main l’éducation routière de leur enfant : ‘«’ ‘ Les parents doivent savoir ce qu’on attend d’eux ’ ‘»’. Qui attend de qui ? Comme si une instance supérieure imposait aux parents, qui l’acceptent, (car elle doit savoir, cette instance, ce qui est bon pour eux), ce que doit être un accompagnateur et comment il doit agir avec l’adolescent.

Les R.V.P. sont utiles aux parents et aux jeunes.

‘«’ ‘ Ça a permis d’enlever pas mal d’idées reçues aux parents ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Ça permettait aux parents de se remettre en question ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ A moi ces rendez-vous ne m’ont pas apporté grand chose, peut-être à mes parents, ils ont posé quelques questions, discuté un peu ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Mes parents ont beaucoup apprécié ces rendez-vous pédagogiques ’ ‘»’ .

Pendant le déroulement de ces rendez-vous pédagogiques, nous constatons que les jeunes participent peu, ne s’expriment que rarement. En présence de conducteurs expérimentés, ils paraissent déphasés, à court d’arguments. La participation parait plus facile aux parents. Les enfants en déduisent que ces réunions sont surtout utiles aux adultes. Concrètement, il est permis de penser qu’en ayant entendu les arguments des uns et des autres, les conseils du moniteur et les divers points de vue, les jeunes se forgent une opinion sur les questions de circulation routière et de sécurité. Ces interactions sociales font évoluer son opinion au-delà de simples transmissions de connaissances. Elles prennent en compte les expériences de chacun ainsi que les conditions d’acquisition de cette expérience.

Les R.V.P. permettent de «  recadrer les choses  » .

‘«’ ‘ Il y avait déjà quelques mauvaises habitudes qui commençaient à s’ancrer ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Les mains sur le volant, la position sur la chaussée, le clignotant oublié ou tardif ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘Le moniteur insiste sur une vue panoramique et le fait de prévenir les autres de ses intentions ’ ‘»’ .

Au cours de la phase pratique des rendez-vous pédagogiques, le moniteur observe la conduite du jeune. A cette occasion il relève les défauts, les mauvaises habitudes qui auraient pu s’installer. Depuis les débuts de l’automobile, c’est la première fois qu’un «conducteur expérimenté» est observé. Auparavant, l’enseignant était en contact avec son élève, l’inspecteur des permis de conduire observait le candidat. Celui-ci obtenait son  «carton rose». Ce conducteur pouvait conduire une cinquantaine d’années sans observateur, sans rendre des comptes à personne. Nous pointons bien ici la difficulté pour l’enseignant de la conduite dans cette action d’observation. Il doit faire preuve de beaucoup de discernement pour relever les choses importantes du point de vue de la sécurité et passer au second plan des actions pas très «académiques» vues de la formation initiale ou de l’examen du permis de conduire, mais qui n’ont pas ou peu d’incidence sur la circulation. Par exemple, une main mise furtivement à l’intérieur du volant n’a aucune conséquence sur la conduite. Par contre un défaut d’observation ou d’anticipation fausse la perception. Il en découle une opération mentale incomplète et donc une action qui peut être inappropriée à la situation.

Le moniteur joue le rôle d’arbitre.

‘«’ ‘ C’est l’occasion de nous mettre d’accord ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Mon père n’avait pas envisagé ça. Il s’est aperçu qu’il faisait une erreur ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Quand on a parlé pendant les rendez-vous, ça a permis de clarifier un peu les choses ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Cela a contribué à une certaine harmonie dans nos rapports sur la route car je craignais un peu les heurts’ ‘»’ .

Au cours des rendez-vous pédagogiques, le moniteur joue un rôle essentiel. D’une part il met l’accent sur les contenus (réglementation, circulation, sécurité...). Cela permet d’harmoniser les points de vue, les opinions. Il s’attache d’autre part à minimiser les conflits qui pourraient surgir entre jeunes et accompagnateurs, en précisant notamment les rôles de chacun.

Pour Bertrand SCHWARTZ 100 à travers des expériences multiples, on peut constater des quantités de dysfonctionnements. ‘«’ ‘ J’ai aussi pu établir qu’il est possible d’utiliser ces dysfonctionnements dans une démarche pédagogique, à des fins de formation. Chacun fait quotidiennement l’expérience de dysfonctionnements et en tire leçon pour l’avenir ’ ‘»’ . La pédagogie du dysfonctionnement porte sur de telles situations dans leur dimension collective. Face à une difficulté, une résistance, un aléa, vous allez trouver une recette qui vous convient et correspond à la situation rencontrée. C’est une création d’intelligence qui présente cependant l’inconvénient d’être opératoire dans un cas particulier. L’idée de la pédagogie du dysfonctionnement est d’en tirer un profit collectif. Elle instaure pour cela un espace de réflexion collectif : chacun donne son analyse, mais aussi sa recette, et chacun réfléchit sur ce qui s’est passé, sur l’incident et sur la remédiation inventée par une ou quelques personnes. Dans un second temps, le formateur introduit un concept qui permet de relativiser la pertinence des recettes imaginées, et qui est suffisamment éclairant pour permettre d’éviter d’autres dysfonctionnements et surtout d’intégrer un savoir nouveau.

L’enseignant, sensibilisateur à la sécurité routière.

‘«’ ‘ On est sensibilisé par rapport à la vitesse et à l’alcool ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ On nous a parlé de sécurité, en fait on nous a sensibilisé sur les dangers au volant, comme la vitesse, l’alcool ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Il y a une remise en question car les parents réalisent un certain danger dont ils n’avaient plus conscience ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Ces rendez-vous m’ont ouvert les yeux sur la conduite ’ ‘»’

Si les rendez-vous pédagogiques sont animés par l’enseignant de façon à faire participer, à faire s’exprimer tous les acteurs, il s’agit d’une véritable sensibilisation aux problèmes de sécurité. Nous assistons à une prise de conscience des véritables dangers de la route. Lorsque l’enseignant mène ces rendez-vous comme un cours de code, lorsqu’il se contente de transmettre des informations, aussi justes et aussi importantes soient-elles, il est permis de se questionner sur la véritable portée de sa démarche. Les participants avouent trouver le temps long et douter de l’efficacité de tels procédés. Les pouvoirs publics avaient pensé ces rendez-vous comme de véritables animations autour de sujets de sécurité routière. Lorsque l’enseignant applique la conduite accompagnée dans l’esprit même où elle a été pensée, il procède de la même manière que lors des stages prévus pour la récupération de points dans le cadre de la Loi sur le permis à points. Dans ce cadre là c’est bien une prise de conscience, un véritable changement des mentalités sur la route qui sont visés.

Notes
100.

SCHWARTZ (B.), Moderniser sans exclure, La Découverte, 1995.