2.4. Propositions.

‘«’ ‘ Moi, bien que je ne sois pas pour la répression, je crois terriblement au contrôle, à la dissuasion ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Je pense que l’éducation peut faire quelque chose, et dans ce cadre, je pense que le permis à points est une bonne mesure ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Je crois qu’il ne faut pas lâcher l’éducation, la formation, mais je suis intimement persuadée que ça ne suffit pas. Je suis persuadée de la nécessité du contrôle et de la sanction. Pas une répression excessive, mais une présence, un contrôle ’ ‘»’ ‘.’

‘’ ‘«’ ‘ Je pense que dans les pays où ça marche bien on observe que la chaîne est complète. C’est-à-dire qu’il y a une éducation correcte, il y a des contrôles, et il y a une répression. Les instructeurs ne doivent pas se mortifier sans arrêt en se disant : qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? ’ ‘»’ .

L’ensemble de nos interlocuteurs est intimement persuadé que l’éducation et la formation représentent un vecteur privilégié pour assister à des comportements citoyens sur la route. Néanmoins, certaines limites sont posées. Gilles MALATERRE affirme : ‘«’ ‘ Il faut cependant admettre qu’améliorer et former ne suffisent pas toujours. La répression est malheureusement un outil indispensable, et penser qu’une ’ ‘«’ ‘ responsabilisation ’ ‘»’ ‘ bien menée entraînera un respect spontané des réglementations est totalement utopique ’ ‘»’ .

Face à l’alcool au volant, l’arsenal juridique s’est durci depuis dix ans. Chaque nouvelle mesure a eu un impact immédiat sur les accidents. Mais cet effet est généralement de courte durée. Car si les sanctions sont plus lourdes, la probabilité de se faire contrôler, quant à elle, ne varie guère, et elle est globalement très basse. Dès lors, ceux qui se font prendre le vivent comme un manque de chance ou comme une injustice...! S’y ajoute la tendance générale à remettre en cause les politiques, à relativiser, à juger par rapport à d’autres infractions considérées comme plus graves.

Christiane CELLIER 102 , présidente de la fondation Anne CELLIER, reprend pendant notre entretien un argument développé dans son livre : elle évoque les propos du juge qui prononce une sentence à l’encontre du conducteur qui a causé la mort de sa fille alors qu’il était au volant d’une voiture avec un fort taux d’alcool dans le sang. ‘«’ ‘ L’annulation du permis de conduire pendant dix-huit mois aura été une sanction sévère et suffisante dans le contexte de cette affaire. Ce n’est à l’évidence ni un ivrogne nu un assassin, il était un citoyen irréprochable qui n’avait jamais eu ni même causé le moindre accident en vingt ans de conduite, bref, un Français comme les autres, avec ses excès de vitesse et d’ivresse ’ ‘»’ ‘.’

Il est difficile de mieux résumer l’attitude des tribunaux français en 1986 : un retrait de permis est en soi une « sanction sévère et suffisante » pour un homme qui a provoqué, par non-respect des lois, la mort d’autrui. Enfin, il est officiellement admis que les excès de vitesse et d’ivresse font partie intégrante de la culture française, et que tout cela est donc bien excusable ! L’auteur rajoute : ‘«’ ‘ J’encaisse. Une société a la jurisprudence qu’elle mérite. Le droit de chasse est mieux préservé que le droit de vivre. J’ai entendu le matin même sur les ondes que des braconniers avaient été condamnés à deux mois de prison... Mieux vaut en France tuer des petites filles sur la route que des petits lapins au milieu des bois ! ’ ‘»’

Ces réticences devant la répression se retrouvent à tous niveaux, y compris de la part de la police qui n’est pas toujours convaincue que faire respecter les limitations de vitesse soit une tâche prioritaire.

Quand les messages donnés par une politique de sécurité routière ne sont pas assortis des mesures de contrôle correspondantes, ils ne sont pas crédibles. Le contrôle-sanction a des effets par lui-même, mais il témoigne aussi de la volonté du gouvernement de faire appliquer sa politique par l’ensemble des moyens mobilisables. On ne peut pas être vertueux tout seul. Pour le moment, nous ne sommes pas sûr que ce message soit suffisamment entendu, malgré la conviction et la détermination de notre Déléguée Interministérielle à la Sécurité Routière.

Pour ce chercheur, le changement viendra sans doute davantage de la technique (affichage, info-trafic, etc...) de la réglementation ou des normes de lutte contre la pollution, plus que de la prise de conscience d’une appartenance à une société ayant des règles et des valeurs communes.

Geneviève JURGENSEN parle de chaîne complète, c’est-à-dire une éducation correcte, des contrôles, et une répression. Si on enlève un de ces trois maillons, les autres ne servent à rien. ‘«’ ‘Quand on est parent, et qu’on a toute la chaîne à soi-même, on sait bien qu’on n’aime pas réprimer, mais qu’il y a un moment où il faut arrêter de raconter des histoires, et dire ’ ‘«’ ‘ si tu ne fais pas ça... ’ ‘»’ ‘ Si ça ne tombe jamais, il ne faut pas s’étonner non plus. Donc ce n’est pas un rôle agréable, je ne vois pas quel parent aime punir. Je ne crois pas qu’un enfant en veuille à ses parents quand il sait exactement pourquoi il a été puni, et que ça a été bien dit à l’avance’ ‘»’ .

Notes
102.

CELLIER (C.), Lettres à Anne, Editions Belfond, 1995, p.115.