1. Les non / A.A.C. et la conduite.

Pour quelques jeunes ayant suivi une formation traditionnelle, il a été nécessaire de repréciser les choses, rappeler l’objectif de cette démarche et dans certains cas, nous avons procédé à une démonstration de conduite commentée pour que le participant se rende compte de ce que nous attendions de lui. L’intégralité des commentaires figure en annexe 6, page 112.

La manipulation du véhicule.

‘«’ ‘ Je mets la deuxième et je pousse un petit peu, et maintenant la troisième ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Oups ! J’ai calé. Je redémarre le moteur, je comprends, j’étais en deuxième. Je mets ma première et je passe ’ ‘»«’ ‘ Je vais avoir à faire un démarrage en côte. Je serre mon frein à main. Ça y est, ça démarre. Je passe la première, fais patiner l’embrayage, et desserre le frein à main. C’est bon, je n’ai pas reculé ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Je vais tourner à droite au bout là-bas. Je ralentis, deuxième, et je tourne vite le volant ’ ‘»’ .

Ici, le conducteur met l’accent sur la manipulation technique du véhicule, la mécanique. Comme par le passé que nous avons évoqué en présentant l’historique de l’apprentissage de la conduite automobile, les jeunes pensent que bien conduire, c’est bien manipuler les commandes. De toute évidence, ils adoptent ce comportement au détriment des autres, du caractère collectif de la conduite, de son aspect social. A la limite, ces « pilotes », trop sûrs d’eux, trop préoccupé de technique, affectent à cette dernière une importance trop grande et ils seront en conséquence tentés de prendre plus de risques que les autres.

La position sur la chaussée.

‘«’ ‘ Je vais aller tout droit, je reste dans la file de droite ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Je vais tourner à gauche... je me déporte dans la file de gauche, sur les flèches... ’ ‘»’

‘«’ ‘ Je vais tourner à gauche, je serre bien le milieu de la route, l’axe médian ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Je vais à gauche au stop, sens unique, je serre à gauche ’ ‘»’ ‘.’

Les jeunes conducteurs qui n’ont pas suivi le cursus d’apprentissage anticipé de la conduite sont très préoccupés par la position du véhicule sur la chaussée et par rapport à leur environnement routier. Manifestement, leur souci se limite au niveau de la deuxième étape du livret de formation : choisir sa position sur la chaussée, franchir une intersection ou y changer de direction. Tout se passe comme si le conducteur se sentait seul sur la route. Les autres n’existent pas, c’est « lui et la route ».

L’importance du Code de la route.

‘«’ ‘ Une voiture devant nous, je ne peux pas la dépasser avec cette ligne continue ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Voilà le panneau fin d’agglomération. J’appuie sur l’accélérateur... ça roule bien, quatre vingt dix ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Un pont étroit. J’ai la flèche rouge, je n’ai pas la priorité. Je laisse passer les deux voitures qui arrivent en face. Je m’engage ’ ‘»’ ‘ .’

‘«’ ‘ Je m’arrête au feu rouge. J’attends. Il est vert, je démarre, c’est à moi de passer ’ ‘»’ .

Les conducteurs recherchent les informations, les indices afférents à la réglementation. Pour eux, la sécurité c’est le respect scrupuleux des règles, du Code de la route. Limitation de vitesse, feux de circulation, lignes continues, interdictions diverses : ces prescriptions apparaissent comme des limites, comme des gages pour ne pas être impliqués dans un accident.

Nous ne retrouvons pas chez ces usagers le souci d’aller au-delà de la réglementation, de rechercher des indices de comportements, d’intentions des autres conducteurs «  A droite c’est un stop, j’ai la priorité, je passe !  » . Ils accordent trop d’importance au Code de la route dont le respect par chacun constitue un impératif nécessaire mais pas suffisant pour une conduite sociale.

La prise en compte des autres.

‘«’ ‘ Deux cyclistes, personne en face, je peux les doubler. Je peux accélérer, c’est dégagé maintenant ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Le bus est arrêté et les passagers descendent. Je vais le dépasser, je mets mon clignotant et je me... non ! Il a mis son clignotant à droite, je vais le doubler. Je suis coincé, je suis trop près, je ne peux pas déboîter ’ ‘»’ .

Lorsque le conducteur parle des autres usagers, il se contente de faire un constat des comportements observés. Nous ne notons aucune anticipation : il voit deux cyclistes, personne en face, il décide donc de dépasser. A aucun moment il n’imagine que ces deux roues puissent faire un écart, chuter, changer de direction... Nous retrouvons dans la seconde situation ce manque de prévision. Un conducteur prévoyant ne devrait pas se retrouver « coincé » derrière un autobus, car il sait pertinemment qu’en ville, ce dernier s’arrête environ tous les deux-cents mètres. Conscient de cela il doit prévoir et garder ses distances pour se réserver la possibilité de déboîter.

Les situations critiques.

‘«’ ‘ Le feu passe au vert, c’est bouché devant, j’attends. Là, je peux démarrer. Oh ! Qu’est-ce qui se passe ? (intervention en double commande pour le feu rouge) Je ne l’avais pas vu, il est passé vite. J’attends le feu vert ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Au rond-point suivant, je vais aller à gauche. Clignotant, et je m’engage. Oh !!! (J’ai été obligé d’intervenir au volant et sur la pédale de frein pour éviter d’accrocher la voiture qui nous dépassait), heureusement que vous avez freiné, je ne l’avais pas vue. Il n’a pas l’air content. C’est vrai, j’aurais dû me mettre à gauche tout de suite en rentrant dans le rond-point, le moniteur me l’avait dit, en restant à droite comme je l’ai fait, on risque l’accident en changeant de voie ’ ‘»’ ‘.’

‘«’ ‘ Le feu est rouge, la voiture devant est arrêtée, je m’arrête aussi. Il n’a pas vu la flèche, je klaxonne ? (Comment vous faites d’habitude ?). Oui, je klaxonne, mais je crois qu’il ne faut pas. Ça y est, le feu est vert, il démarre. Il était sous le feu, il ne pouvait pas voir la flèche. On a perdu un tour. (Ça ne vous arrive jamais, vous ?). Non, non, moi je m’arrête avant ’ ‘»’ ‘.’

Deux situations de conduite ont nécessité notre intervention pour éviter un accident. Dans le premier cas, la jeune fille démarre en pensant que le feu est au vert. Elle oublie de vérifier avant de partir, alors que la flèche orange est allumée pour dégager sur la droite, mais le feu est toujours rouge pour aller tout droit. Cet oubli dans la prise d’information conduit à une infraction grave pouvant avoir des conséquences importantes. Dans le second cas, Christian contourne un rond-point par la gauche et doit changer de voie vers la droite pour quitter l’anneau. Il omet de se retourner sur la droite pour vérifier si un autre usager ne circule pas sur la voie qu’il veut prendre : effectivement, dans ce cas, seul un contrôle en vision directe permet de débusquer un usager qu’on ne peut apercevoir dans les rétroviseurs à cause de l’angle mort. Juste à ce moment surgit un véhicule à vive allure, l’accident était inévitable pour lui. L’allure des véhicules était relativement faible, il s’agissait d’un simple accrochage, de dommages matériels, mais d’un accident tout de même. Il reconnaît lui-même avoir appris cela au cours de sa formation, mais la recherche d’indices n’est pas pour lui entièrement automatisée.

Nous avons retenu le troisième témoignage pour illustrer un état d’esprit déplorable. Arnaud se dit un conducteur irréprochable qui ne commet jamais d’erreur, en conséquence il relève toutes celles que peuvent faire les autres usagers et leur adresse des reproches incessants.