3. Les jeunes A.A.C. ayant eu un accompagnement plutôt du type « prise de conscience » et la conduite.

Les commentaires figurent en annexe 5, page 101.

‘«’ ‘ Je constate qu’ici, il n’y a pas de trottoirs. Les usagers, voitures ou piétons, peuvent déboîter directement dans la rue en sortant de chez eux. Je surveille bien toutes les entrées, et je ne roule pas trop à droite au cas ou quelqu’un surgirait ’ ‘»’ ‘.’

Dans une situation de conduite simple, Antoine adopte un comportement de sécurité en faisant preuve d’anticipation. Sa recherche d’indices est guidée par le risque que pourrait comporter la circulation dans une rue démunie de trottoir. Pour ne pas se laisser surprendre par un riverain qui pourrait sortir de chez lui à pieds, sur un deux roues ou à bord d’un véhicule, il imagine la situation, reste en éveil et décide de s’écarter quelque peu du bord droit. Il prend les autres en compte alors même qu’on ne les voit pas. Très souvent, dans le domaine de l’éducation routière, on débat sur les termes imprévu et imprévisible. Une situation imprévue constitue un manque d’anticipation de la part du conducteur. Ce dernier n’a pasenvisagé les divers scénarii qui pouvaient se présenter à lui et se laisse surprendre par un ou plusieurs éléments qu’il avait occultés. Les conducteurs parlent souvent d’éléments imprévisibles, ils utilisent indifféremment les deux termes pour une même situation. En utilisant la démarche de la conduite commentée, nous laissons peu de place au caractère imprévisible des situations.

‘«’ ‘ La voiture devant tourne à droite, je reste assez loin. Elle s’arrête pour laisser passer les piétons l’autre côté. J’ai bien fait de rester loin. Je m’arrête ’ ‘»’ .

Dans cet autre exemple, la même démarche a été adoptée, les événements viennent confirmer le scénario que le conducteur avait prévu. Le véhicule devant qui tourne à droite peut à tout moment s’arrêter pour laisser passer les piétons sur la voie transversale. Le conducteur s’arrête normalement en toute sécurité.

‘«’ ‘ Les deux piétons passent derrière nous. Pour l’instant, je ne bouge pas, pour ne pas risquer de reculer et de les toucher, car ils sont très près ’ ‘»’ ‘.’

Un piéton traverse derrière le véhicule arrêté dans une côte. Le conducteur l’a vu, la prise d’information est pertinente, et son analyse est guidée par la sécurité : il ne veut pas prendre le moindre risque que le véhicule recule et vienne toucher, voire blesser le piéton. Il décide d’attendre que le piéton ait complètement traversé la chaussée pour démarrer.

‘«’ ‘ La voie d’accès est très courte, il faut faire attention. Je regarde à gauche, il y a plusieurs camions qui arrivent vite. Je m’arrête. Je ne m’engage pas dans la voie d’accès car elle est courte, étroite, et avec les camions qui dépassent un peu ça fait trop juste. Maintenant ça va, avec les voitures je peux m’engager. Je m’arrête dans la voie pour laisser passer toutes les voitures. Je me retourne bien pour voir directement à quelle vitesse ils arrivent. Il y a un trou entre celle-là et puis la blanche plus loin, je crois que je pourrai y aller. Je démarre, j’accélère franchement pour profiter de l’espace entre les deux. C’est bon, je regarde dans le rétroviseur, je ne l’ai pas gêné ’ ‘»’ ‘.’

Tout le processus de la prise d’information à l’action est commenté. Les scénarii sont bien imaginés. L’anticipation se caractérise par une recherche des indices avant d’aborder la voie d’accès, au début du virage, là où la visibilité est la plus grande.

‘«’ ‘ Je vais tourner à gauche aux feux, personne derrière, personne à côté de moi, je signale et je me place dans la voie du milieu. Ici, les feux sont décalés. Ceux qui vont tout droit à côté de moi passent, ceux d’en face aussi. Maintenant, c’est notre tour, je démarre en croisant ceux qui tournent aussi en face de moi, je m’assure que cette voiture en face qui va tout droit s’arrête bien, qu’elle a bien vu le feu rouge, et qu’elle m’a vu aussi ’ ‘»’ ‘.’

Le conducteur respecte la règle. Il obéit à la signalisation, il place correctement son véhicule suivant la direction qu’il prend et il signale ce qu’il fait. Mais il va bien au-delà. Il s’assure que les autres ont bien vu la signalisation et la respectent. Il veille aussi à ce que les autres l’aient vu.

‘«’ ‘ Je vais tourner à droite pour revenir en ville. Je m’arrête au stop. Il y a tout une file de voiture à gauche. Je vais m’avancer tout doucement pour que les conducteurs s’aperçoivent que je voudrais bien démarrer. Voilà, le monsieur s’est arrêté, je peux démarrer. Je lui fais un signe pour lui dire merci et je m’engage. Des fois, je fais ça, on tombe sur des conducteurs qui sont assez sympas et nous laissent passer ’ ‘»’ .

Marie-France respecte la signalisation. Elle s’arrête au stop. Mais, au regard de la configuration des lieux et de la densité de la circulation, elle décide d’adopter un comportement particulier. Elle avance tout doucement son véhicule pour, d’une part chercher la visibilité, et signaler d’autre part sa présence aux autres usagers. Les autres conducteurs, circulant sur la voie transversale dans un flot ininterrompu se rendent compte que Marie-France est dans l’impossibilité de démarrer. L’un d’entre eux, par courtoisie, décide de s’arrêter et de céder le passage. La courtoisie prend le pas sur le Code de la route.

En général, les jeunes qui ont suivi une formation traditionnelle ne peuvent se comporter ainsi. Ils restent en retrait de l’intersection et n’osent pas avancer. Techniquement ils ont du mal à maîtriser le véhicule et obtenir une allure lente permettant de prendre l’information et de réagir immédiatement. Lorsqu’on tented’aborder le sujet, la réponse est : «  J’ai un stop, je dois laisser passer  » . En fait, ils s’engagent lorsqu’un autre usager, extrêmement bienveillant, s’arrête ou lorsque toute la file de véhicule est passée.

‘«’ ‘ Des fois, c’est le contraire, quand je suis dans une file de voitures et que quelqu’un veut démarrer à une intersection, quitter un stationnement ou sortir de sa propriété, bien que j’aie la priorité, je m’arrête par courtoisie, pour lui faciliter son insertion. Sinon, dans des situations comme ça, on peut attendre très longtemps. Et puis moi, je n’ai pas perdu beaucoup de temps. Oui, une place dans la file, mais bon ! ’ ‘»’

Marie-France a bien marqué l’arrêt, mais elle a ensuite voulu dire : je suis là, je suis dans une situation difficile et j’aimerais qu’un usager courtois le comprenne et me laisse passer. Elle cite une situation où c’est l’inverse, où c’est elle qui fait preuve de courtoisie et qui facilite le passage aux autres. La démarche consiste à ce que chacun, à un moment donné, fasse preuve de courtoisie envers les autres dans des situations précises pour qu’à son tour, dans d’autres situations, il bénéficie des mêmes égards. Je produis de la sécurité, de la courtoisie, de la fluidité et à d’autres moments je bénéficierai de tout cela. Ces attitudes participeront à faire disparaître sur les routes le sentiment d’insécurité que ressentent de nombreux usagers et à le remplacer par le sentiment d’appartenance à un système de circulation dans lequel ils prennent une part active pour la sécurité de tous.

‘«’ ‘ Ça ne sert à rien de passer, de toute façon, ils sont tous arrêtés de l’autre côté. Le feu passe au vert. C’est tout bloqué devant. Pour l’instant, je vais rester ici. Le monsieur derrière me fait des signes pour que je démarre, je lui réponds dans le rétroviseur que c’est bloqué devant et qu’on ne peut pas avancer. Il ne me comprend pas. Apparemment, il n’est pas content que je ne démarre pas. Ça y est, ça démarre, le feu est toujours vert, je franchis l’intersection. Pour en revenir à ce monsieur, il a été courtois et sympathique en me laissant passer au stop, mais dans la situation où le feu était bloqué, il s’est un peu énervé, mais en fait, il n’a pas compris ce qui se passait. J’ai bien essayé de lui expliquer, mais ce n’est pas facile ’ ‘»’ .

La conductrice décide de ne pas s’engager au feu vert pour ne pas immobiliser son véhicule au milieu de l’intersection. L’usager qui la suit s’impatiente et voudrait qu’elle démarre. Elle tente en vain de lui faire comprendre que c’est impossible. Elle ne s’énerve pas pour autant et n’en veut pas à ce conducteur, elle met aucontraire l’accent sur la faiblesse des moyens de communication à la disposition des conducteurs et déplore l’impossibilité de se comprendre.

‘«’ ‘ Au rond-point, je vais tourner à droite. Je ralentis tranquillement, personne derrière, clignotant à droite et je m’arrête car le rond-point est encombré. Ils ne mettent pas leur clignotant, on ne sait pas où ils vont, on est obligé d’attendre. Les deux qui viennent de quitter le rond-point, s’ils avaient mis leur clignotant, j’aurais pu démarrer. C’est dommage, moi, j’essaie de mettre à chaque fois que je quitte les ronds-points, pour bien faire comprendre aux autres la direction que je prends. Après la voiture verte, je vais démarrer. Je démarre assez énergiquement pour ne pas gêner les autres et je tourne à droite ’ ‘»’ .

Marie attend pour s’engager dans le rond-point que les véhicules de gauche soient passés. Ceux-ci quittent le rond-point dans la rue précédente sans l’avoir signalé. Elle affirme que dans cette situation, elle essaie de mettre à chaque fois son clignotant pour bien faire comprendre aux autres la direction qu’elle prend. Elle aimerait que les autres en fassent autant, elle affirme sans agressivité que ce serait bien que chacun adopte un comportement citoyen.

‘«’ ‘ On a un cédez le passage, mais je préfère m’arrêter. Je laisse passer les véhicules des deux côtés. Maintenant, il n’y a rien à gauche, les voitures à droite sont assez loin, je vais démarrer. Je coupe un peu mon virage en démarrant parce que le cyclomoteur démarre en même temps que moi et tourne aussi à gauche. Voilà, maintenant, je peux reprendre ma droite tranquillement ’ ‘»’ .

Dans ce cas, la conductrice décide de commettre une infraction pour assurer la sécurité et la fluidité du trafic. Elle coupe son virage, avec peu de risque, car les usagers de l’autre voie sont arrêtés, pour dégager au cyclomoteur qui la suit.

‘«’ ‘ On continue tout droit. Je dois me déporter pour les voitures en stationnement. Avec les voitures en face, c’est étroit. Personne derrière, personne ne me dépasse, clignotant à gauche, je me déporte. Je répartis bien les espaces entre les voitures en stationnement et les voitures en face. Pour ça, je ne roule pas trop vite. Celui-là dépasse un peu plus que les autres, je vais être obligée de m’arrêter. Ça ne passerait pas avec les voitures en face, ou alors ça serait trop juste. Je m’arrête. La dame me dit merci. Elle a apprécié que je m’arrête, comme ça elle n’a pas besoin de viser juste avec sa voiture. Maintenant, je peux démarrer, et maintenant, je reviens sur ma ligne ’ ‘»’ .

Dans une rue étroite, Justine doit se déporter pour les véhicules en stationnement. L’un d’entre eux dépasse plus que les autres. Elle pense que ça ne passerait pas avec les véhicules en face. Dans le doute, elle s’arrête. La conductrice qui vient en face lui dit merci. Dans ce cas, Justine a facilité la tâche à tout le monde. La sienne d’abord, car elle préfère « perdre » quelques minutes que s’engager dans un endroit difficile. Celle des usagers venant en sens inverse ensuite, car ils « n’ont pas besoin de viser juste avec leur voiture ». S’engager, dans cette situation, aurait augmenté la difficulté de la tâche des autres.

‘«’ ‘ Je lance la voiture, troisième, des piétons marchent le long du trottoir, je les surveille et je passe. Là, il y en a deux qui commencent à traverser à gauche, la voiture devant moi passe juste devant eux, la voiture derrière moi est à bonne distance, je m’arrête pour laisser passer les piétons. La dame m’a fait un sourire, elle est contente ’ ‘»’ .

Le véhicule devant nous passe juste devant des piétons régulièrement engagés sur un passage prévu pour eux. Judith, après s’être assurée qu’il n’y avait pas de danger derrière, que le véhicule était à bonne distance, s’arrête et laisse passer les piétons. Elle respecte les autres et la règle. Tout le monde est satisfait. La dame le lui fait comprendre par un sourire et Judith est fière de son comportement.

‘«’ ‘ Je me place dans la voie du milieu pour aller tout droit. On doit couper la route prioritaire qui continue à droite. Je m’arrête pour laisser passer toute la file de véhicules qui arrivent à droite et qui tournent devant moi. Je me suis arrêtée assez tôt, assez loin car ils coupent un peu, même les camions, il leur faut beaucoup de place. Après celle-là, je pourrai y aller, la suivante est assez loin, à gauche, la voiture est arrêtée au stop, elle ne bouge pas, je démarre et je dégage l’intersection ’ ‘»’ .

L’expérience des situations vécues pendant la période de conduite accompagnée et les conseils de son accompagnateur ont permis à la conductrice de reconnaître une situation où il convient de s’arrêter suffisamment tôt pour faciliter la tâche des autres conducteurs. Si elle s’était arrêtée au milieu de la chaussée, elle auraitrespecté la signalisation et les règles de passage mais les autres auraient éprouvé beaucoup de difficultés pour aller faire le tour du véhicule par la droite. Son comportement vise une circulation plus fluide et plus sûre.

‘«’ ‘ Lorsque le feu sera vert, je m’avancerai et je céderai le passage à tous les véhicules qui viennent en face. Les voitures s’arrêtent, le feu doit être au rouge. Le notre passe au vert, je m’avance. Les deux voitures devant passent, celui qui est dans la voie de droite n’a pas l’air de vouloir démarrer, il a pourtant le feu vert, je passe devant lui en surveillant quand même qu’il ne démarre pas à ce moment-là. J’accélère, je dégage rapidement l’intersection ’ ‘»’ ‘.’

Alexis prend en compte la signalisation et voudrait respecter les ordres de passage. Le conducteur en face qui tourne à droite ne démarre pas, bien que ce soit son tour. Alexis, sans trop d’hésitation, prend la décision rapidement de passer devant en se méfiant que l’usager ne démarre pas soudainement. Pour ne gêner personne, il dégage rapidement l’intersection. Nous ne sommes en présence d’une application littérale des règles du Code de la route, mais nous constatons néanmoins un comportement de sécurité, conforme à l’usage des conducteurs expérimentés.