3. La formation des accompagnateurs.

Nous proposons, pour améliorer le fonctionnement global du cursus de formation « Apprentissage Anticipé de la Conduite », une formation des accompagnateurs sur une durée d’une journée.

Les contenus découlent des diverses demandes exprimées par les acteurs qui se disaient désarmés dans leur rôle d’accompagnateur. Ils déclaraient ne pas savoir comment faire et avouaient souvent «improviser ». Nos propres réflexions et les théories de référence nous conduisent à aborder dans cette formation les différentes composantes des opérations mentales et la conduite commentée. L’accompagnateur circulant aux côtés du jeune en phase d’acquisition d’expérience n’est pas un usager qui se rend quelque part et qui emprunte le réseau routier uniquement par obligation. C’est pour nous un usager citoyen, c’est-à-dire que prime pour lui le sentiment d’appartenance à ce système global de circulation automobile. Il circule avec l’idée de respecter les règles, les autres, conscient que le risque d’accident est toujours présent et volontaire de tout faire pour faciliter la circulation, la sienne et celle de tous les autres usagers.

Nous avons mis l’accent sur l’importance de l’état d’esprit dans lequel le conducteur aborde le système routier pour élaborer les différentes phases de l’action de conduite. Il nous semble indispensable que chaque conducteur, donc chaque accompagnateur ait un minimum de connaissances sur ce qu’est la circulation automobile, les enjeux, et que tous les acteurs du système de circulation possèdent une culture commune de sécurité routière.

Déroulement d’une journée consacrée à douze participants maximum

8H / 9H : Accueil des stagiaires, présentation des participants, des objectifs du stage, remise d’un questionnaire d’évaluation.

9H / 10H : Acquérir une culture de sécurité routière commune.

Objectifs :

Données indispensables : Les chiffres sécurité routière, l’enjeu social, les facteurs d’accident, la complexité expliquée du système, les raisons de la réglementation, de la politique de sécurité routière, les grands chiffres, tués selon le réseau, catégories d’usagers tués, accidents corporels aux 100 millions/km parcourus (fréquence), accidents mortels... (gravité), risque relatif/âge et sexe, et réponse aux questions des stagiaires.

10H30 / 12H : Comprendre l’accidentologie.

Objectifs :

Démarche :

13H30 / 15H : Observation de phases de conduite personnelle, avec grille pré- construite, avec formateur, et entre stagiaires. Première approche de la conduite commentée : initiation à cet outil métacognitif pour aider, par la verbalisation, à la prise de conscience de son propre fonctionnement, de son comportement au volant. En résumé, comment je me conduis et pourquoi j’agis ainsi.

Quatre équipes sont constituées pour l’observation des phases de conduite. Le formateur est présent dans un véhicule. La technique de la conduite commentée sera pratiquée, les stagiaires étant chargés d’observer la conduite du collègue au volant, munis de la fiche d’évaluation. Le moniteur fera s’exprimer chaque conducteur en tentant de le faire s’auto-évaluer.

De retour en salle, la mise en commun des séances pratiques fera ressortir de façon constructive les habitudes de conduite individuelle. L’animation qui s’en suivra aura pour but la prise de conscience par chaque participant des risques liés à l’automatisation inconsciente de l’action de conduite, du lien avec les deux premiers modules de la veille, et de l’idée que chaque conducteur est personnellement concerné par la survenue d’un éventuel accident. Les débats tourneront autour d’une possible et nécessaire amorce de changement.

15H / 17H30 : L’accompagnement.Réflexion de groupe sur la notion de conducteur citoyen, la dimension de l’accompagnement étant une des voies possibles pour concilier citoyenneté et conduite routière. Comment l’accompagnement procède d’une implication personnelle visant à un système de circulation sûr. Echanges à l’intérieur du groupe sur les pratiques. Conseils sur les façons de procéder les plus efficientes, recherche de l’autonomie maximale du jeune, avantages que l’on peut tirer de l’utilisation de la conduite commentée. Comment appréhender la notion de risque, comment faire prendre conscience au futur conducteur de la nécessité d’une attention permanente à la tâche de conduite.

17H30 : Conclusion. Questionnaire d’auto-évaluation : réponses aux 20 questions remises le premier jour. Fiche d’évaluation du stage et engagement des accompagnateurs : chaque participant est invité à signer une charte dans laquelle il s’engage sur deux points.

Comme l’avait déjà noté Aristote 114 , la connaissance ne saurait suffire à entraîner l’action : l’on peut être très informé d’un principe et de la considération qu’il mérite sans éprouver ni le désir ni la force de l’appliquer, sans y croire et, a fortiori, sans entendre y sacrifier son intérêt, son égoïsme, son plaisir ou sa vie. Chacun sait aussi que les leçons de morale ou d’instruction civique, entendues sous l’angle de leur contenu intellectuel, n’entraînent automatiquement ni moralité, ni civisme.

Seul au volant, accompagné de passagers, ou en position d’accompagnateur avec le jeune, chacun s’engage à adopter une véritable conduite citoyenne au sens où nous l’avons explicité tout au long de cette recherche et où nous l’avons expliqué pendant cette formation. Le second volet de leur engagement porte sur l’accompagnement. Chaque parent affirme vouloir emmener son enfant vers l’autonomie, vers la prise de responsabilités. Il essaiera, dans la mesure du possible, de faire passer cet état d’esprit de conduite citoyenne en faisant vivre au jeune un maximum de situations au cours desquelles la discussion pourra s’ouvrir et pendant lesquelles la conduite commentée pourra être utilisée. Bref, chaque stagiaire tendra à devenir un conducteur citoyen et un accompagnateur citoyen.

Profil du formateur : animateur spécialisé en sécurité routière, qualifié en sciences humaines, compétent dans la gestion des groupes, professionnel de la formation et des comportements sur la route.

Début de mise en oeuvre

Ayant eu connaissance de notre recherche sur la conduite accompagnée, Monsieur Jean BONHEUR, Délégué à la Formation du Conducteur, circonscription AIN-SAVOIE, nous a contacté en vue de notre participation à la mise en place d’une action pilote concernant la formation des accompagnateurs dans le cadre de l’A.A.C.

Le comité de pilotage est composé du Coordinateur Sécurité Routière de la Préfecture, du Délégué à la Formation du Conducteur et de la Chargée de Mission de la Sécurité Routière. Son rôle est d’observer, budgétiser, évaluer, coordonner, fixer les objectifs du groupe de travail et une échéance de réalisation.

Participent au groupe de travail : un formateur de formateur, titulaire du BAFM, prestataire de service labellisé Préfecture de SAVOIE, un membre au moins du comité de pilotage, et nous sommes présent comme formateur, BAFM conseil. Le rôle de ce groupe est de proposer un programme de travail et d’élaborer les outils pédagogiques, notamment les grilles d’évaluation stagiaire et enseignant (annexe 11, page 159).

Le partenaire financier du projet est le Conseil Général de SAVOIE. Le dispositif retenu est le suivant : dans les établissements d’enseignement de la conduite automobile seront proposées deux formules de conduite accompagnée : la formule traditionnelle, et celle comportant un volet formation, dite « A.A.C. plus ». Cette dernière filière présente les avantages suivants : un contrat est passé entre l’accompagnateur, le jeune, l’établissement d’enseignement, l’assureur et le Conseil Général.

A chaque étape de la formation initiale, une heure supplémentaire est offerte, sous réserve de la présence systématique de l’accompagnateur, à l’occasion de la validation de l’objectif général de l’étape. Pour les parents accompagnateurs, la formule est intéressante : ils bénéficient de quatre heures de formation pratique gratuites pour le jeune, sous réserve de se libérer une journée pour participer à une formation.

Trois sessions de formation ont à ce jour été réalisées. Les participants se sont tous déclarés satisfaits, et se sont engagés à pratiquer un accompagnement qui soit le plus bénéfique au jeune. Il convient néanmoins de nuancer la portée de la formation, car les stagiaires étaient déjà sensibilisés avant l’action. Mais il en est ainsi de toute nouveauté : les personnes motivées sont à l’affût d’informations et sont les premières à en profiter. Il s’agit à présent d’étendre la formation et d’en suivre les effets.

Notes
114.

MOUGNIOTTE (A.), op. cit., p. 36.