ANNEXES

ANNEXE 1 : Entretiens avec des accompagnateurs.

Grille d’entretiens acteurs A.A.C.

QUESTION 1. Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce cursus de formation « conduite accompagnée » ? Qui en a pris l’initiative ?

Cette question nous permettra de savoir si c’est le jeune qui souhaite conduire à seize ans, et pourquoi, ou si ce sont les parents qui prennent l’initiative, il vivra plus ou moins bien la conduite accompagnée et les effets s’en ressentiront.

QUESTION 2. Quels avantages voyez-vous dans cette formation ? Quels inconvénients?

Les parents ont-ils le souci de sécurité pour leur enfant, pour se rassurer, ou comptent-ils bénéficier des réductions de primes d’assurance. Selon le cas, la motivation du jeune est différente. Lui-même, est-ce par plaisir, pour faire comme les copains, ou pour apprendre à bien conduire.

QUESTION 3.Comment s’est dérouléla formation initiale ?

Il est intéressant de connaître la perception qu’ont les jeunes et les accompagnateurs de la formation en auto école, du déroulement des leçons, en salle et en voiture. Comment voient-ils les moniteurs, l’accompagnateur s’est-il rendu aux cours, fait-il un lien avec sa mission ?

QUESTION 4. La formation initiale est-elle suffisante ? Un minimum de vingt heures vous semble-t-il nécessaire ?

Nous avons posé cette question car les parents qui ont déjà fait conduire leur enfant trouvent peut-être que vingt heures de conduite, c’est trop ; les autres ont-ils peur au début de la conduite accompagnée, et seraient-ils prêts à dépenser plus pour la formation initiale.

QUESTION 5. Combien de kilomètres avez-vous parcourus ? Quelle est la nature des parcours?

Cette question nous donnera des indications sur la nature des routes empruntées : route, autoroute, ville, campagne, longs parcours ou seulement petits trajets, diversifiés ou pas. Les trois mille kilomètres ont-ils été effectués.

QUESTION 6. Comment s’est déroulée la conduite accompagnée, comment avez-vous vécu cette période, quels en sont les temps forts ?

Il est intéressant de savoir si les parents sortent « exprès » pour faire conduire leur enfant ou s’ils profitent de parcours habituels ; s’ils ont vécu des situations difficiles ; s’ils sont des accompagnateurs dirigistes ou s’ils rendent le jeune autonome ; s’ils acceptent que leur enfant conduise comme lui a appris le moniteur d’auto école, ou veulent-ils qu’il se comporte comme eux.

QUESTION 7. Pendant les deux années de conduite accompagnée, comment s’est passé la relation jeune / accompagnateur, y a-t-il des phases de rapprochement ou de conflits qui viennent « polluer » l’accompagnement. L’accompagnateur conducteur modèle : se comporte-t-il de manière différente lorsqu’il est en charge de l’éducation routière du jeune ?

Nous supposons que parcourir des milliers de kilomètres ensemble ne se passe pas sans heurts. Les conflits de l’adolescent avec ses parents se reproduisent-ils en voiture, sont-ils amplifiés, ou bien la conduite fait-elle l’objet d’un consensus. L’accompagnateur peut rouler comme un conducteur expérimenté, ou jouer le rôle d’éducateur et servir de modèle, d’exemple.

QUESTION 8. Comment se déroulent les rendez-vous pédagogiques, y assistez-vous ?

Ces regroupements sont une innovation. Cette question doit nous permettre de mesurer l’implication des différents acteurs, en observant si les parents se rendent à l’auto école et comment ils se comportent, de façon passive ou ont-ils l’occasion de s’exprimer ? Le moniteur joue-t-il son rôle de coordinateur ?

QUESTION 9. Ces rendez-vous sont-ils utiles ? Dans quelle mesure suscitent-ils l’éveil de l’intérêt à la Sécurité Routière chez le jeune ? Avez-vous été sensibilisé?

Cette question nous permettra de savoir si ces rendez-vous pédagogiques sont l’occasion d’échanger sur les vrais problèmes d’insécurité routière et de sensibiliser jeune et accompagnateur, ou s’ils sont perçus comme une formalité administrative ?

QUESTION 10. Quels enseignements, quelle philosophie peut-on tirer après avoir vécu cette expérience ?

Le bilan que font les acteurs après une telle action vaut à notre sens toutes les évaluations pédagogiques, scientifiques que l’on pourrait mener. Ce sont eux qui en ont vécu tous les moments, qu’en retiennent-ils ?

QUESTION 11. Avec le recul, quelles propositionsferiez-vous pour améliorer l’ensemble du dispositif ?

Après avoir dressé le bilan, les acteurs ont certainement des choses à proposer pour améliorer le fonctionnement de l’Apprentissage Anticipé se la Conduite.

Grille d’analyse.

Pour procéder à une analyse thématique, nous avons élaboré une grille d’analyse qui comporte quatre points. Nous serons plus particulièrement attentif aux thèmes suivants :

1. Motivations, avantages, inconvénients.

2. Formation initiale, RVP.

3. L’accompagnement : nature des parcours, distance parcourue, parcours occasionnels ou sorties exprès, la relation.

4. Points forts, bilan, propositions.

Agnès, 40 ans, documentaliste.

Je pense qu’au départ, j’en avais entendu parler par une amie qui avait fait faire la conduite accompagnée à ses deux fils et qui m’avait donné son avis sur les avantages. Elle disait que ça coûterait moins cher d’assurance. Ensuite, les gamins, ça les débrouillait bien. Ils conduisaient mieux quand ils avaient le permis. C’était un peu contraignant de les faire conduire avec eux pendant deux ans, mais que, finalement, ce n’est pas désagréable. Elle m’en avait parlé, mais comme à l’époque François devait avoir 15 ans, on a mis ça de côté. Et puis un jour, c’est mon gamin qui m’a dit « on devrait faire la conduite accompagnée ». Comme j’étais au courant, je savais à peu près ce que c’était, on a embrayé là-dessus!

L’avantage n’est pas du tout financier parce que ça revient aussi cher. Mais surtout je pense que ça me mettra en confiance de voir comment il conduit quand je suis avec lui, quand mon mari est avec lui. Après, on appréhendera moins de le lâcher, à 18 ans, tout seul avec une voiture ; ça a un côté sécurisant.

Il s’est rendu à l’auto école et a suivi une formation au code de la route. Il a passé son examen, mais il l’a raté. Il est retourné une fois et il a réussi, mais j’ai dû payer une inscription. Il a ensuite pris les heures de conduite.

Vingt heures de conduite, oui, je pense que c’est suffisant. Bien sûr, au début, ils n’ont pas beaucoup d’assurance. Il faut être vigilant. C’est impressionnant d’être à côté, mais ça vient petit à petit. On ne pourrait pas prendre des heures jusqu’à ce qu’il soit à l’aise, il en faudrait au moins soixante, ça serait hors de prix !

On a deux véhicules : une BX Image et un cabriolet BMW ; mais on fait la conduite accompagnée sur la BX. Je ne vois pas le gamin conduire sur le cabriolet. Mon fils a 17 ans et demi ; il conduit depuis neuf mois. Je le fais conduire le matin, le soir, sur des trajets habituels, et on a l’occasion de sortir assez souvent, ça ne pose pas de problème. Lui, il est content, l’idée de conduire avec nous, je crois qu’il est content de se dire « je vais leur montrer... que je conduis bien, que je sais conduire !  ». La façon dont il est impatient de conduire avec nous, il nous dit : « Samedi, c’est moi qui vous conduis ! ». Il veut nous montrer qu’il sait conduire, qu’il est capable de mener une voiture, quoi !

Pour nous, la voiture c’est un outil pour se déplacer mais pour lui, vous pensez ! C’est un plaisir... Ma conduite? Oui, oui... De toute façon, pour ma part, moi je sais que je ne vais pas vite, au volant. Je n’ai pas de problème, moi, d’excès de vitesse, mais c’est vrai qu’on a tendance à ne pas respecter les règles de conduite, la signalisation, les choses comme ça...

Globalement, on avait de bonnes relations avec lui, avant de le faire conduire. Je ne le connaissais pas sous l’angle conducteur, mais je me suis rendu compte qu’il est très raisonnable, comme dans la vie. Nous sommes, mon mari et moi, des calmes... oui, très calmes, très respectueux des autres et mon fils fait pareil. Je pense que quand je suis avec mon gamin, je suis plus attentive, parce que je me sens plus dans le rôle du « prof », je lui dis « attention, là, tu as un stop » ; ça change la façon d’être en voiture.

Les rendez-vous pédagogiques, oui, on a été au premier. On fait le point avec le moniteur. Ca permet de s’apercevoir qu’il y a des choses, certaines choses qu’on ne lui a pas dites, comme le contrôle sur le côté pour déboîter, par ignorance, car on peut être aussi de « mauvais » accompagnateurs, commettre aussi des erreurs !

Ces rendez-vous sont surtout utiles pour les accompagnateurs, le moniteur nous dit ce qu’il ne faut pas faire. Pour le jeune, non, lui, il s’ennuie un peu, il lui tardait de partir ! C’est vrai, c’est surtout moi qui parlais avec le moniteur! Avec ce système, les jeunes ont plus de pratique, plus d’expérience, ils maîtrisent mieux, et puis je pense que le fait de conduire avec les parents, c’est vrai qu’on a tendance à les calmer un peu, au volant. Ils veulent aller un peu vite, ils veulent avoir une conduite un peu sportive ; à force de leur dire de lever le pied, au bout d’un moment ça leur passe, quoi, hein ! Deux ans, c’est long hein ! Je pense qu’un jeune qui a eu pendant deux ans une conduite raisonnable et responsable, je ne pense pas qu’un jour, il va prendre sa voiture seul, et qu’il va se mettre à avoir une conduite différente... Je souhaite que ça se passe comme ça pour mon fils ! Pour améliorer le système ? Non, je ne vois pas, je trouve que c’est une excellente formule, que ça fonctionne très bien.

Jean-Louis, 45 ans, Directeur d’agence bancaire.

L’initiative de faire la conduite accompagnée, c’est les deux ; ma fille était au courant, désirait apprendre à conduire, elle aime conduire et puis... moi, j’étais pour cette formation « conduite accompagnée » pour donner plus d’assurance par la suite. La décision a été prise à deux.

L’intérêt de cette formule, justement, c’est de donner plus d’expérience pour la conduite future. Ma fille s’est rendue à l’auto école et a fait sa formation au code et à la conduite, comme pour passer le permis de conduire. Oui, je pense que c’est suffisant,elle savait bien manier la voiture.

Nous avons parcouru plus de vingt mille kilomètres. Il n’a pas été nécessaire de sortir exprès pour la faire conduire ; nous avons l’occasion de faire de nombreux parcours. On va souvent chez mes parents, de ce fait elle conduisait fréquemment. Quand on allait, même ailleurs, on avait pris l’habitude de la faire conduire systématiquement, donc elle a beaucoup conduit.

Je l ’ai vécue, cette période avec une certaine inquiétude au départ, il faut le reconnaître, car on a l’impression qu’ils ne vont pas s’arrêter, qu’ ils n’ont pas acquis les réflexes voulus pour la conduite, mais c’est vite une fausse impression parce qu’on se rend compte... Il faut tenir compte qu’ils ont déjà eu des heures de conduite, une formation de code également. Les premiers... mois sont un petit peu une appréhension, et après... après ça va. Pour moi, une voiture, c’est un moyen de locomotion, c’est un outil de travail... ce n’est pas la voiture de luxe... C’est un outil de travail. Pour ma fille, elle a son permis depuis deux ans, c’est aussi un outil de travail, maintenant. Avant, au début, c’était le moyen d’avoir une certaine indépendance... ou quelque chose comme ça ! Nous étions deux accompagnateurs, ma femme et moi, mais elle a conduit plus souvent avec moi, ma femme, elle... elle craignait un petit peu.

Pendant que ma fille conduisait, j’intervenais très peu. Par contre quand c’était nécessaire, je le faisais systématiquement. Par la parole, évidemment, je ne sais pas si c’est la meilleure solution, mais je faisais toujours comme ça... je prévenais, si vous voulez. Il y a eu trois ou quatre situations délicates dont une, notamment, je m’en souviens bien... oui, oui... j’ai eu très peur... elle n’ avait pas acquis cette notion de priorité à droite... pour elle, c’était plutôt les ronds points actuels... elle maîtrisait très bien ça, mais les priorités... On a failli avoir un bel accident, j’ai eu juste le temps de donner un coup de volant. Bon, ça faisait partie du risque. Elle a compris et après on faisait exprès de passer à des carrefours pour bien faire appliquer cette notion de priorité à droite... elle avait eu peur.

L’enfant, le jeune, avec le moniteur, j’ai été surpris, quand ils arrivent à un stop, quand ils arrivent à un feu rouge, bon ben... qu’est ce qu’on fait, on rétrograde et puis on laisse aller, on arrive doucement quand même, mais là, tu es dans la voiture, tu te dis : « jamais il va s’arrêter ! ». Je me suis fait surprendre par rapport à ce que l’auto école apprend. C’est un moniteur... âgé, expérimenté, il les forme pour passer le permis de conduire, il ne devrait pas. C’est vrai, il perd de vue la sécurité, sans doute !

Je trouve qu’avec les parents, on leur apprend plus la sécurité... et peut- être moins les bonnes manières. On essaye de leur inculquer la sécurité, je trouve. Non, mais c’est bien fait, le moniteur leur dit « passe ta cinquième, ne pousse pas tant ta quatrième... » Pour des trucs comme ça, si vous voulez ça va, mais pour la sécurité, ils apprennent plus avec les parents.

On a d’excellentes relations avec mes deux filles... Mais malgré tout, ça a peut- être renforcé, parce qu’arrivés à la maison, il y a une discussion, une prolongation de la journée ; surtout lorsqu’il y a eu une petite faute, une remontrance qu’elle n’acceptait pas...  «Voilà, tu m’as dit ça, mais je ne suis pas d’accord avec toi ». Au début, on ne parlait que de la conduite, mais après, au cours des voyages, on a eu l’occasion de parler de tout, ça a certainement renforcé des choses, des sujets qu’on aurait certainement pas abordés sans ça.

Il se passe une chose : c’est qu’on se remet en cause au moment de cette conduite accompagnée, on se corrige de ses défauts, pour qu’elle ne prenne pas les mêmes...et pour ne pas avoir la réflexion; ça ferait bizarre si nous on est là pour lui donner des conseils et puis c’est elle qui... quand même, on est là en guise de modèle. On fait plus attention à sa conduite, à mettre la ceinture, aux limitations de vitesse, aux rétroviseurs... surtout aux rétros. On essaye de conduire le mieux possible.

Les rendez vous pédagogiques : très bien. Le moniteur, sympathique, a posé des questions, m’a dit ce qu’il fallait que je fasse. On était tous les trois... par contre, ça, j’ai regretté... qu’il n’ y ait pas eu une animation, des échanges, mais non, rien d’approfondi, si vous voulez. Il aurait été intéressant de retrouver plusieurs parents... pour remettre en cause notre conduite, mais alors là, pas du tout... pas du tout !  

J’ai l’impression que pour eux, ce qui compte c’est le permis. La notion de sécurité, je ne sais pas si c’est vraiment présent... c’est ce que j’ai vécu moi, hein ! Le jeune, non, pour lui, ça ne sert pas à grand chose.

En fait, la conduite accompagnée, ça sert à lui donner de l’assurance, à adopter des méthodes de conduite qui sont... sur la sécurité... surtout pour qu’elle puisse affronter la route avec le maximum de chance... et le maximum de responsabilité. Cette expérience de deux années doit permettre d’avoir moins d’accidents que les autres. Moi, je pense que les parents ont une expérience certainement plus forte que le moniteur... parce que nous, c’est notre gosse donc on tient à sa vie, déjà, donc on est très draconien sur la sécurité. Le pire, ce serait l’accident de voiture pour nos gamins, donc on les motive là dessus. Les jeunes qui sortent de la conduite accompagnée sont très sensibilisés là dessus, et devraient faire de bons chauffeurs.

Pour un jeune, pour ma fille c’est normal qu’elle ait passé sa conduite accompagnée... comme beaucoup... c’est normal... tout est normal... Il y a moins la notion de ce que ça coûte... qu’avant. Néanmoins, on sentait qu’elle appréciait beaucoup la confiance qu’ on lui témoignait.

L’inconvénient du système, justement c’est l’absence de concertation avec d’autres parents et on voit que certaines règles ne sont pas respectées... on s’aperçoit bien là que c’est un commerce. Pour améliorer le système... une petite formation de parents ; on en revient toujours à ça, pour nos mauvaises habitudes, et pour nous donner des trucs comme accompagnateurs.

Jean-Philippe, 47 ans, directeur de société.

L’initiative de la conduite accompagnée c’est un peu les deux, moi j’en ai parlé à ma fille, ça l’intéressait, elle était d’accord...pas du tout forcée, hein ! Elle n’aurait pas voulu le faire, je ne la forçais pas. Dans son entourage, à l’école, elle a des amis qui le font, d’autres qui ne le font pas, donc ils sont informés.

La motivation de base, c’est la sécurité, hein ! Il y a ses choses qui ne peuvent pas s’apprendre à l’auto école. Il y a des choses qui ne peuvent s’apprendre que par l’expérience, par exemple, je ne sais pas... l’anticipation, dans certaines circonstances : un véhicule arrive dans un carrefour, essayer d’anticiper...est-ce qu’il va griller, est-ce qu’il ne va pas griller le stop ; il faut toujours avoir un petit peu à l’esprit, il l’a peut être vu, il ne l’a peut être pas vu.

Après cette période, ce sera de la sécurité pour elle, d’abord... et c’est vrai on aura l’esprit plus tranquille, je serai plus rassuré quand elle va prendre la route.

Je l’ai inscrite à l’auto école et elle a fait sa formation initiale. Elle a passé son code, pris les vingt heures prévues et a obtenu l’attestation.

Suffisant ? Oui, je trouve que ça allait. Le seul inconvénient c’est un petit peu au début, quoi... seize ans c’est jeune, on a une petite inquiétude, on les voit encore tout petit ; mais ça se dissipe vite, ils apprennent vite, quand même, hein !

Ma fille a dix-sept ans et demi, nous conduisons depuis un an et demi ; elle a déjà parcouru cinq mille kilomètres. A chaque fois que nous sortons c’est elle qui prend le volant.

Ca se passe bien, pas de grosse frayeur... je pense que les filles s’y prêtent mieux que les garçons, elles sont plus dociles. Il risque moins d’y avoir accrochage, divergence... Si avec l’auto école ils ont appris comme ça, on ne peut pas le faire changer. « Le moniteur a dit ! » Non, il ne faut pas entrer dans cette querelle. Pour moi, conduire, c’est une obligation, pour mon métier ; je m’en passe volontiers. Pour elle, pour le moment, c’est une nécessité. Ce n’est pas encore un plaisir.

Même s’ils ne nous écoutent pas beaucoup au niveau de l’exemple, ils nous écoutent plus au niveau de la prévention, de l’anticipation... « serre toi bien à droite, vérifie bien avant de tourner... que tu peux le faire sans danger », ce genre de conseils qui ne sont pas... techniques qui sont plus... des précautions. On voit un cycliste... « reste plutôt derrière si tu n’ es pas sûre ! »... des choses comme ça, quoi !

Quand elle est là, je fais très attention à ma conduite, c’est normal pour... c’est vrai, les enfants, ils imitent beaucoup ! On a été au rendez-vous pédagogique ; on a fait un circuit avec le moniteur, ma fille était au volant... ça s’est bien passé. En salle, c’était un cours, on était trois, le moniteur, ma fille et moi. Non, personne d’autre... c’est dommage, car comparer des expériences c’est toujours intéressant.

On peut dire que c’est utile pour le jeune, car il acquiert des connaissances sur l’alcool, la pluie... Moi j’ai appris à remplir un constat amiable ! L’avantage de cette formule, ils ont de l’expérience, enfin... une certaine expérience, qu’ils ont acquis eux mêmes... c’est important ; des circonstances, ils se sont trouvés dans des situations dans lesquelles ils ne se sont pas trouvés à l’auto école.

Je pense qu’on devrait suivre une formation pour être accompagnateur, on a été déformé par son expérience personnelle, on conduit... pas... académique, donc c’est vrai qu’il y a une petite différence entre ce qu’ils ont appris et ce qu’on leur dit... ils ne comprennent pas tout le temps... c’est pour ça qu’il faut lâcher tout de suite quand elle me dit : « mon moniteur m’a appris comme ça ! », je dis: «OK, fais comme le moniteur a dit ! », même si parfois je me pose des questions. Non, non, il ne faut surtout pas rentrer dans une polémique... inutile. Parce qu’on les déstabilise, autrement ils ne savent plus, hein !

Christian, 45 ans, chef d’entreprise.

Alors, le contexte : un jeune qui arrive à dix-sept ans, plus de maman, un papa qui devait donc assurer les deux fonctions. Un contexte dans lequel il y avait deux voitures qui roulaient à très grande vitesse, pas sur route, certes, mais donc un milieu de pilotage, aussi bien mon frère que moi-même, vous voyez le problème ! Ensuite des grands parents qui s’imaginent que l’argent paye tout, et que céder à tout c’était compenser ce qu’ il manquait. Autre particularité, le désir fou d’avoir une moto... et un neveu de mon épouse qui s’est tué en moto. Donc la condition de ce jour là a été de dire: « tu n’auras jamais de moto et je ne céderai jamais... ». A tort ou à raison, j’avais dit ça, et je ne voulais pas revenir sur ce que j’avais dit.

Donc, la solution, c’était quoi ? Conduite accompagnée : seize ans, il a démarré un peu en retard, seize ans et trois mois. A partir de là, j’avais été voir l’auto école : la monitrice, une dame fort charmante qui m’a expliqué le cadre général...vingt-deux heures de conduite, je crois, ça coûte tant... etc. Donc, j’avais à manager quoi ? Le papi qui voulait acheter une moto, parce qu’il contourne très facilement ses enfants en allant aux petits enfants ; donc pour régler ce problème, c’était de lui dire : « tu lui payes la conduite accompagnée ». J’avais réglé le problème avec mes parents... je vous passe les détails parce que... avec des parents comme ceux que j’ai... c’est quand même pas facile !

Il a fait sa formation à l’auto école, tout au minimum, code et conduite car il avait déjà conduit avant, il savait manier une voiture. La formation a été largement suffisante, pour lui sept ou huit leçons de conduite auraient suffi, mais bon, la règle dit vingt !

Il fallait ensuite régler le problème avec mon fils: conduite accompagnée, oui, mais il conduisait quoi ? Alors, c’est de dire : tous les déplacements que nous ferons à partir du moment où le volant te sera accessible, je ne touche plus le volant, je m’engage à ce que tu conduises... et à partir de là, j’ai changé de voiture... j’ai acheté une voiture diesel... grosse et diesel ; vous allez me dire c’est parce que vous pouviez... oui, si je n’avais pas pu, j’aurais fait autrement. Grosse et diesel, parce que je me suis dit : ça évitera des accélérations importantes... etc.

A partir de là, il a fait sa conduite accompagnée et il devait y avoir un parcours d'environ trois mille kilomètres environ. Nous en avons fait sept mille deux cent cinquante en deux ans, vous voyez, c’est quand même pas mal.

Et l’on a décidé donc cette formule, d’un commun accord, avec une deuxième contrainte : c’est que, pendant qu’il conduisait je ne disais rien, je notais ce que j’avais à dire et quand on s’arrêtait, soit pour boire un coup, soit pour déjeuner parce qu’on était allé au restaurant ou autre chose, je lui expliquais les problèmes, de façon qu’il n’y ait pas un énervement ou un agacement au volant, parce que moi je me connais, vous l’avez remarqué, je parle pas mal... donc c’était la contrainte... je notais... je ne disais rien. Donc, on discutait de ces problèmes et je peux vous dire que l’amélioration que j’ai constatée par rapport à ce que je connaissais, moi, de la conduite et de ce que l’on pouvait faire au volant, en trois mois, le problème était réglé, il n’y avait plus rien à dire... ou plus grand chose.

Alors il y a eu une progression, je vais être très honnête avec vous, au bout d’un certain temps, et en particulier quand on a fait la descente en Espagne, là il y avait un bon moment qu’il conduisait, on a transgressé la limitation de vitesse sur autoroute. J’ai téléphoné au papi et je lui ai dit : « écoute, on transgresse sur autoroute, et tu t’engages à payer si on se fait ramasser... puisque tu veux toujours payer, tu as l’occasion, là... ».« D’accord avec vous ». Voilà, c’était ça... et on ne s’est pas fait ramasser, parce que... ça a été ainsi, je voulais m’assurer aussi qu’il était capable de conduire dans un flot de voitures à vitesse... euh... parce que je savais bien que le jour où j’y serais plus, dès qu’il aurait l’autorisation de rouler...

On a fait donc une distance relativement importante, sur des distances très importantes ; nous sommes allés au sud de l’Espagne, où l’on s’est relayé, où l’on avait déterminé les arrêts, un coup c’était lui, un coup c’était moi. Donc à lui de s’arranger pour avoir récupéré entre temps ; donc je voulais voir ce qu’il était capable de faire, s’il se mettait derrière, s’il dormait... etc. Donc là ça a très bien marché, et je crois surtout que ce qui a très bien marché c’est que je lui accordais une totale confiance. Je dois être honnête, maintenant, il peut prendre mon véhicule, pour sortir, il n’a jamais eu le moindre accrochage et j’ai confiance en lui. Dimanche on a été chez mes parents, il y avait sa copine devant. Moi je suis derrière, pour tout vous dire... je suis à l’arrière... du véhicule, et ça ne me pose plus de problème.

Il a son permis de conduire depuis deux ans. Il n’a jamais eu aucun problème. La conduite accompagnée, pour moi, c’est un facteur... sécurisant pour les parents... parce que l’on sait comment son enfant conduit. Maintenant, je ne sais pas si c’est sécurisant pour tous les parents... parce que ça dépend comment conduisent les parents... etc. Maintenant, par rapport aux deux bolides : je spécifie qu’ils ne vont pas sur route publique... uniquement rallye, etc... Il les conduit tous les deux depuis la conduite accompagnée... et entre mon frère et moi, le seul qui n’a pas touché, c’est lui, mais bon parce que dans ces cas là... il n’a jamais touché; il fait les mêmes rallyes que nous. Que pour s’amuser, uniquement, parce qu’on ne l’inscrit pas dans les courses.

Il n’y a pas eu de moments de friction, parce qu’il était convenu qu’il fallait pas qu’il y en ait... dès le départ. Donc au moment de la discussion, c’était de la discussion...si vous voulez... au début c’étaient des problèmes techniques, de débrayage, façon de passer les vitesses... etc... Il n’a jamais fait de la mécanique, finalement, dans les vingt heures. Comment fonctionne une boite à vitesse, ça il connaissait un petit peu, mais vaguement... A partir de ce moment là, ça a été plus pédagogique, c’était de la pédagogie par rapport à ce qu’il avait reçu.

La conduite accompagnée a duré de seize ans et quelques mois à l’âge de dix-huit ans, à l’âge de passer le permis, je crois que l’on avait trois mois de retard, quelque chose comme ça.

Cette période a permis de beaucoup discuter. C’est un sujet de conversation important. Il y a un sujet relationnel qui nous permettait de discuter de choses qui intéressaient les deux personnes, avec évidemment des façons de voir qui étaient tout à fait différentes, car moi, je voyais mon fils qui allait conduire... avec tout ce que cela implique... les risques... et lui, il avait son coté d’adolescent qui allait prendre la voiture de papa, qui allait pouvoir frimer, sortir avec les copains, sachant qu’en demandant la voiture, il l’aurait eue ; donc, on a allié tout ça et on a essayé de concilier tout ça.

Ma conduite, oui, tout à fait... D’abord, j’ai repris mon code de la route, entièrement, j’ai fait des découvertes. Mais vous ne pouvez pas enseigner quelqu’un à conduire si au départ, vous, vous ne maîtrisez pas, hein ! Il y a plein de choses que j’ai revues, en fait. Jamais, devant lui, je n’ai fait de faute de conduite, hein ! jamais, jamais, jamais... Le problème, c’est que si vous montrez le mauvais exemple, derrière, vous ne pouvez plus dire : « il ne faut pas faire ça », si vous le faites... c’est le rôle des parents. Je suis désolé, un père qui rentre « bourré » tous les soirs, il ne peut pas dire à son fils de ne pas boire... bon, c’est la même chose pour la conduite. Je suis parti sur ces bases là... je ne lui ai jamais

montré un excès de vitesse, un franchissement de ligne jaune, un feu orange, tout ce que vous voulez...je ne le fais pas... pas quand il est là !

On a eu deux rendez-vous pédagogiques avec la monitrice ; ça s’est très bien passé, la personne était à mon avis très compétente. On n’était que tous les trois. C’était un débat, comme ça, autour d’une table : elle posait des questions, tout un tas de questions, ce qu’il en pensait... etc... donc elle savait exactement comment ça avait été mis en place, entre lui et moi... et à partir de là, ce qui allait, ce qui n’allait pas !

D’abord, il y a une distance kilométrique obligatoire... plus ou moins conseillée, qui permet d’avoir déjà une certaine habitude de la conduite. Ensuite ce sont des jeunes qui conduisent sur une voiture qui, les trois quarts du temps, ils utilisent après; donc ils ont pris l’habitude de cette voiture et non pas de celle de l’auto école. Ce n’est pas vrai dans tous les cas, mais souvent, je pense. Il y a un problème relationnel, un problème de confiance avec les parents ensuite; et puis personnellement, ce que j’ai remarqué, moi, c’est que je pensais que ce serait un gamin qui roulerait très vite en voiture. En fait, c’est faux : il roule moins vite que moi. Et encore dimanche, où nous sommes allés à Grenoble déjeuner chez mes parents, j’étais derrière... en biais, vous voyez le compteur... il ne roule pas vite ; et là, je n’étais pas à lui dire : « roule doucement ». Ils se responsabilisent. J’ai l’impression qu’ils se responsabilisent par rapport aux parents, ou par rapport au véhicule des parents... Je ne sais pas bien, car je connais un cas qui est... un petit peu à l’opposé, alors... C’est un neveu, mais le relationnel avec les parents n’est peut être pas tout à fait le même que celui que mon fils a eu avec moi, alors...

Pour lui, comme pour moi, la voiture est un moyen de transport... utilitaire... dans le contexte routier. Dans un autre contexte, le plaisir...les conditions sont totalement différentes. Malgré tout cela, il n’y en a qu’un, plus de maman, lorsqu’il sort avec des copains... ce sont des craintes de papa poule... tout le monde me le dit ; c’est une anxiété, quoi... je me raccroche à ce qu’il me reste, quoi ! Ce qui me rassure, c’est que si cela arrive, la copine prendra la voiture, elle a l’autorisation. Dernièrement je lui ai prêté la voiture douze jours, il est parti... Je n’ai pas téléphoné, c’était dur. Certains me disent que je suis fou... La voiture est revenue entière... C’est tout ! Améliorer le système ? Non, je crois que ça dépend essentiellement des parents. Certains devraient se former en code et en conduite, car il faut voir ce qui se passe sur la route ! Pour moi, non, ça a bien marché.

Chantal, 41 ans, assistante de direction.

L’idée de faire la conduite accompagnée, c’était un petit peu un ensemble : elle avait des copains qui le faisaient, elle voulait apprendre à conduire à dix-huit ans, donc on lui a proposé de commencer un petit peu avant. Nous, ça nous sécurisait un petit peu. On se disait : ‘«’ ‘ pendant deux ans, on va l’avoir sous la main et on verra comment elle va réagir... ’ ‘»’. Donc, c’est un peu pour ça... Elle avait envie aussi. Nous, on habite la campagne et sans véhicule c’est difficile. Donc, elle avait envie d’apprendre le plus tôt possible. Elle a donc commencé à seize ans et demi.

Les avantages, je dirais que moi, ça me sécurise. Elle vient d’avoir son permis. Je l’ai vue conduire pendant un an et demi. Les trois quarts des voyages, c’est moi qui les ai faits avec elle. C’est vrai que le jour où elle va prendre le volant, je sais à peu près comment elle va réagir, je me ferai peut-être moins de souci. Ce n’est pas dit, mais j’aurai moins de souci.

Les inconvénients c’est... c’est pénible de se dire je ne conduis pas, c’est elle qui conduit... être toujours assis à côté... Je vais faire les courses :  «c’est moi qui conduit » oui, oui !

Elle a été à l’auto école. Elle a appris le code et la conduite en même temps. Elle a passé le code deux fois et elle a terminé les vingt heures de conduite. Ensuite, on a pu commencer.

Oui, je pense que c’est suffisant. Si la règle dit vingt heures, c’est que les spécialistes ont dû calculer qu’il fallait ça.

Nous avons de nombreuses occasions de nous déplacer : elle fait de la natation, donc tous les soirs c’est l’entraînement, l’été : de jour, l’hiver : la nuit. On va faire les courses, c’est elle qui conduit ; lors des compétitions, elle conduit à l’aller, pas au retour car elle est fatiguée... Je n’aime pas trop. Nous sommes partis en vacances : c’est elle qui a conduit jusqu’à la frontière Suisse, car après elle n’avait pas le droit. Elle a donné le volant devant les douaniers.

C’est vrai qu’au début on a tendance à dire : «lève le pied, regarde à droite, attention au stop » mais ça n’a pas eu d’incidence. On a tendance à faire ça, les cinq cents premiers kilomètres, au moins. On a acheté une Mercedes pour le plaisir de mon mari : la semaine, il ne la conduit pas, le week-end, il ne veut pas laisser le volant ; donc c’est moi qui la fais conduire.

J’aime bien conduire, la vitesse aussi... quoique je me suis bien assagie. C’est vrai j’aime bien conduire vite, mais je n’irais pas prendre la voiture exprès

pour ça. Ce sont des trajets utilitaires, mais j’y prends plaisir quand même. Ma fille, je trouve qu’elle va un peu trop vite, mais, c’est vrai que cette voiture part toute seule. Je lui dis souvent de lever le pied. Elle me dit : « non, je ne vais pas vite ». Je lui dis : «  mais si, regarde le compteur ! ». Pour elle, c’est plutôt un moyen de liberté, une autonomie, par exemple pour aller au cinéma. Des fois on dit « non, Samedi on ne sort pas ». Alors elle prendra la voiture et elle ira seule. Maintenant on lui laissera la voiture plus facilement... Je ne dis pas que ça va être facile les premiers jours.

Moi, j’ai une fille qui est assez facile, assez ouverte. Quand elle a un problème elle le dit, donc... On discute de tout et de n’importe quoi... Ca n’a pas eu d’incidence. Quand je conduis avec elle, c’est vrai que je lève plus le pied, je m’aperçois que je fais plus attention aux panneaux. Quand je conduis et qu’elle est à côté, j’ai l’impression qu’elle me surveille... et je fais plus attention. Etre éducateur, on se dit qu’après c’est comme ça qu’elle devrait faire, donc on lui montre bien. 

Les rendez-vous pédagogiques, nous y avons été : moi j’ai fait la pratique et mon mari a fait la partie théorique. Question d’emploi du temps : on ne pouvait pas faire autrement. La conduite, le moniteur l’a fait conduire et moi je suis derrière. A la fin de l’heure, il lui explique ce qu’elle a fait et pas fait comme il faut, et il me demande mon avis, comment ça se passe d’habitude... ça s’est passé comme ça. En salle, il leur a dit, en gros tous les défauts qu’ils avaient... Ils étaient sept ou huit et après, elle m’a dit : ‘«’ ‘ On nous a parlé de l’alcool au volant, de la vitesse, enfin, des réglementations... C’était plutôt un cours que des échanges ’ ‘»’.

Je ne sais pas si c’est vraiment utile, des retours comme ça à l’auto école. J’ai vraiment ressenti ça, comme une perte de temps : deux fois trois heures, ça fait l’après- midi complet, je n’ai pas du tout apprécié. Nous, on a pris des mauvaises habitudes. Je crois que le moniteur le voit quand il reprend le jeune, il ne faut pas se leurrer. Moi, il m’a dit : « ça va  ». Mais certains jeunes, il m’a dit : « ils ne prennent aucune initiative avant que les parents le disent, ils n’ont aucune autonomie ».

Les jeunes vivent des tas de situations et on est là pour les guider. Après on les connaît, on est rassuré. Mon fils va suivre, il a pris sa première leçon de code l’autre jour, il va commencer la conduite... On est reparti pour deux ans ! Moi je trouve que ce système marche très bien comme ça ! Une heure ou deux de conduite, pour nous, oui... Mais c’est surtout le code...

Maurice, 60 ans, ouvrier.

C’est moi qui ai pris l’initiative de faire la conduite accompagnée, car j’ai un ami qui est moniteur d’auto école et je connaissais le système. J’en ai parlé à mes enfants qui ont tout de suite marché dedans... avec enthousiasme, d’ailleurs ! L’avantage de cette façon d’apprendre, c’est l’expérience : quand ils obtiennent leur permis de conduire à dix-huit ans, les jeunes ont déjà vécu tout un tas de situations et ils ont pris l’habitude de réagir comme on leur a dit de faire. Pour nous, c’est rassurant, on peut leur faire confiance, on les a vus faire pendant deux ans, on se dit qu’ils peuvent mieux s’en sortir...

Si on parle de ma première fille, elle a été à l’auto école, elle a pris vingt heures, ça s’est bien passé... le moniteur a bien travaillé, hein ! Oui, je pense que c’est suffisant.

Ensuite, on a roulé, on a fait près de quatre mille kilomètres. Au début j’avais une 405 et après une 205 : la transition s’est bien passée, il n’y a pas eu de problème. C’est pratiquement toujours moi qui allais, car ma femme avait trop peur. A seize ans, ils sont disponibles, ils viennent avec nous ; à dix-huit ans, je ne dis pas qu’il n’y a pas moyen, mais ils ne veulent plus... dans les derniers mois, ça ne fonctionne pas bien ! Justement, en ce moment, la dernière, j’ai du mal à la faire conduire...des petits circuits, comme ça, mais c’est tout ! Très souvent, on sortait exprès pour conduire, pour s’entraîner.

Les erreurs, je le disais tout de suite... j’anticipais même, car je voyais que le frein, c’était un peu tard. Le temps de réaction était un peu long, je prévenais assez tôt, je disais comment la situation pouvait évoluer, car eux, ils ne se rendent pas compte. Je sais, je ne laissais peut-être pas assez d’autonomie, mais vous savez, c’est drôlement impressionnant, quand ils arrivent vite et qu’ils freinent au dernier moment ! Parfois, oui on a eu des frayeurs. Surtout lors des déboîtements, des changements de file, c’est extrêmement difficile, je trouve que c’est dangereux : des gens qui arrivent derrière vous, qui forcent, le jeune qui hésite... oui, parfois c’est délicat !

C’est vrai qu’on conduit à notre façon... Mais enfin, ce n’est pas toujours possible, parfois les autres nous poussent... On ne peut pas respecter les limitations, il faut rouler dans le flot... Si on ne réagit pas en même temps que les autres, on se fait klaxonner, on se fait insulter, on se fait pousser... Les rendez-vous pédagogiques, oui, j’y suis allé avec elles. Deux remarques : ils prennent les défauts des parents, comme le volant, les mains à l’intérieur, les pédales, le pied sur l’embrayage, et puis mauvaise position sur la chaussée, comme nous, quoi ! Ils roulent toujours à gauche et puis ça c’est un problème. Le moniteur a du mal à remettre de l’ordre dans tout ça ! Après, en salle, ça s’est bien passé, mais je trouve que les jeunes participent moins, ils posent peu de questions, le moniteur est obligé de les amener « et puis ça, qu’en pensez-vous? ». En principe, mes filles sont bavardes, les deux, hein ! mais là, non. Les autres parents, ils disaient « il se débrouille bien », c’est tout ce qu’ils disent, rien de concret. C’était des cours sur l’alcool, la vitesse... peu de questions des jeunes ou des parents.

Oui, ces rendez-vous sont utiles, surtout la conduite, ça permet de remédier aux défauts qu’on a laissé passer. La grande, elle a eu son permis du premier coup, il y a quatre ans maintenant, elle n’a jamais eu d’accident, je trouve qu’elle conduit bien...je ne suis pas toujours derrière, hein ! Pour améliorer le système, on devrait être plus impliqué, par exemple les parents devraient prendre des cours de code et de conduite, pour conduire un peu comme les auto écoles.

Guy, 45 ans, responsable informatique.

L’initiative de faire la conduite accompagnée c’est moi qui l’ai prise suite à des publicités parues dans les journaux, faites par une auto école. Je m’y suis rendu pour avoir des renseignements, pour savoir un peu le fonctionnement, les avantages et éventuellement les inconvénients qu’il pouvait y avoir sur une conduite accompagnée. On m’a bien exposé le dispositif. J’en ai parlé à mes deux garçons et ils ont été tout à fait d’accord, enchantés ; ça s’est très très bien passé, il y en a un qui a fini, il a vingt ans, l’autre est en cours de conduite accompagnée...

Le principal avantage pour moi, c’est que les jeunes à seize ans sont plus malléables qu’à dix-huit ans donc sont beaucoup plus conscients, du moins prennent conscience, du moins, plus facilement. On peut plus facilement les maîtriser, plus facilement discuter avec eux, qu’à dix-huit ans. Car à dix-huit ans, on veut jouer un petit peu le « crack », alors qu’à seize ans, ce n’est pas encore le cas. Enfin, je pense que ça dépend du milieu familial dans lequel vit l’enfant... Un autre avantage important de la conduite accompagnée, pour moi, c’est que, lorsqu’on passe le permis à dix-huit ans, on ressort avec le papier rose, on ne sait pas conduire, car on s’est formé sur un laps de temps qui est de trois mois. Si vous le passez en été, les routes sont sèches, on n’a pas tout ce qui est phénomène extérieur, on n’a pas la nuit, la neige, la pluie... Le comportement de l’automobiliste n’est pas le même en fonction de tout cet environnement !

En auto école, ils ont fait leur formation, ils ont passé le code et pris vingt leçons de conduite ; moi, j’ai assisté aux dernières leçons de conduite. Ils ont tout eu du premier coup, tous les deux. Oui, je pense que c’est suffisant, de toute façon, en roulant, après, il faut faire très attention.

En ville, nous sortions exprès pour conduire, pour lui faire faire des manœuvres en ville, pour rouler là où il y a du monde, en fait. Sinon, c’étaient des trajets sur route ou autoroute pour aller dans la famille, ou en partant en vacances. Le premier a dû faire quatre mille cinq cents kilomètres, par tous les temps : la nuit, le vent, la pluie, le brouillard, le verglas. Il n’y a que la neige, il n’a pas eu l’occasion de rouler sur la neige...

C’est vrai, le temps qu’ils prennent de l’assurance, il faut les aider... Des défauts peuvent apparaître et je ne sais pas si les parents les voient toujours. Je pense qu’il faudrait pratiquement remettre des leçons... car il y a pratiquement deux ans entre la fin du code et l’examen du permis de conduire. Deux ans, où il va revoir deux fois, uniquement, le moniteur d’auto école. Il serait peut-être bon de mettre trois ou quatre leçons sur cette durée là, pour contrôler doucement : une fois par trimestre, par exemple... Quand ils faisaient des erreurs, je corrigeais sur place. Les plus fréquentes étaient : la position des mains sur le volant, les clignotants, oubliés ou mis au dernier moment, surveillance des rétroviseurs. Et puis au fur et à mesure qu’ils prennent de l’assurance, c’est les excès de vitesse, car bon, quatre-vingt-dix kilomètres à l’heure, on roulait facilement à cent-dix !

J’essaye d’attirer leur attention par un moyen... pas en leur disant directement, pendant un certain temps, pendant un ou deux kilomètres, je leur dis: «voilà, nous sommes sur une route départementale, ou nationale », pour essayer de voir s’il va réagir. S’il ne réagit pas, je lui dis un petit temps après : « tu as vu la vitesse ? ». J’essaye de leur faire mémoriser en disant : « attention, tu es où, là ? ». Je pense que ça, c’est de l’inattention et ça peut devenir dangereux ! Leur grand défaut, en sortant de l’auto école, c’est vrai, ils n’anticipent pas assez. Ils arrivent trop vite, je leur dis : « Attention, s’il arrive une voiture, s’il y a quelqu’un qui débouche, comment tu fais ? », Ils répondent : « Mais, je freine au dernier moment ! ». Là, c’est notre rôle de les sensibiliser à ça, car par rapport à moi, si vous voulez, on arrive assez fort sur un feu, et on va piler !

Une autre situation : j’ai appris, quand on quitte une autoroute, par exemple, le moniteur leur dit d’arriver vite et de freiner seulement sur la voie de décélération. Moi, je suis un peu contre, car la voie de décélération n’est pas très longue, je trouve ça un peu dangereux ! Sur autoroute, je suis désolé, quand je vois le panneau de sortie, je mets le clignotant et je commence à ralentir un peu... Nous sommes accompagnateurs tous les deux, mon épouse et moi. Pour le premier, ca allait très bien ; le second c’est un peu plus complexe. Il est beaucoup moins sûr. Il conduit surtout avec moi. Il a été un peu plus long à se mettre à la conduite, mais je n’ai pas peur, je pense qu’il est assez réfléchi, assez posé quand même pour prendre de bonnes décisions.

Ma conduite, oui je l’ai changée, car on me fait la remarque, on me rappelle à l’ordre. Les enfants eux ne laissent rien passer. De plus, on ne peut pas corriger

quelqu’un et puis reprendre le volant et faire n’importe quoi ! Donc, là, il faut faire très attention, se corriger d’abord.

Ma femme a fait un rendez-vous pédagogique, moi j’ai fait l’autre. Ca s’est très bien passé. Mais je me demande s ’il ne faudrait pas faire une réunion

avant, les parents seuls, avant même de commencer, pour les sensibiliser, pour leur dire ce que l’on attend d’eux. Finalement, à l’heure actuelle, les parents font beaucoup reposer les choses sur le moniteur d’auto école. En conduite, le moniteur l’a corrigé pour les mains sur le volant, donc une main sur le levier de vitesse, sur les rétroviseurs et les contrôles aux intersections.

En salle, l’après-midi, il y avait trois autres parents. Je ne sais pas si les gens sont timides, réservés, mais il n’y avait pas d’échanges. Vous me direz, moi non plus, je n’ai pas posé de questions ! C’était plutôt le moniteur qui parlait, qui faisait un cours.

L’utilité, oui, oui je pense que c’est utile. Mais je me demande s’il ne faudrait pas dispenser une formation aux parents avant de commencer, pour qu’ils sachent leur rôle, ce qu’on attend d’eux. Tout ça, pour les amener à discuter, c’est vrai, quand on se retrouve dans une salle où on ne connaît pas les gens. On n’ose pas, les gens sont très réservés, ce n’est pas facile !

Le plus grand, depuis qu’il a son permis, je suis déjà monté avec lui, ça va bien. Je lui prête la voiture volontiers, les deux : la Renault 25 comme l’AX ! Si vous voulez, le fait d’avoir conduit pendant deux ans en étant surveillé, a brisé le fait de vouloir se montrer par rapport aux copains, de vouloir jouer un petit peu les Fangio, des choses comme ça. On prend la voiture, bon, si vous voulez, c’est un outil, c’est un moyen pour se déplacer, c’est banal, ce n’est plus pour jouer les durs. Je me souviens, moi, quand j’ai eu le permis, c’était plutôt la frime ! Maintenant, en l’ayant vu conduire, je suis plus confiant, plus serein quand il roule seul.

Pour améliorer le système, moi je verrais bien une formation avant de commencer, des échanges plus réguliers, tous les trimestres, par exemple, à trois personnes : l’enfant, le moniteur, et les parents. Là, c’est plus facile de s’exprimer, d’échanger, il y aurait moins de retenue de la part des gens et je pense que ce serait profitable. En conduite personnelle, donner une ou deux leçons aux parents, simplement pour se remettre dans le bain. En code aussi, car j’ai vu beaucoup de nouveaux panneaux... Moi, j’aurais accepté volontiers, j’ai appris certaines choses avec le moniteur ! J’en ai appris d’autres avec les enfants, parfois ils me disaient : « non, le moniteur a dit ça ! ». Très souvent, c’était juste.

Peut-être aussi sensibiliser les parents à la sécurité routière, car on fait des choses... Moi, j’ai arrêté de fumer avec un plan de cinq jours, je fumais un paquet et demi par jour, du jour au lendemain, je suis passé à zéro... ça fait huit ans ; là c’est pareil, nos actes peuvent avoir des conséquences incroyables, il faut peut-être mettre en place des moyens plus importants. Profiter de ce que les gens s’engagent dans la conduite accompagnée pour les sensibiliser me paraît assez pertinent. Peut-être aussi une formation pédagogique, car moi, j’y ai été souvent au feeling, mais là, c’est une autre histoire, je ne vois pas comment on pourrait faire...

Francis, 60 ans, fonctionnaire.

C’est moi qui ai décidé de faire la conduite accompagnée avec mon fils. Il était très intéressé pour conduire une voiture, rapidement, même accompagné. J’y vois deux avantages. Le premier, c’est qu’à la suite de ça, on peut dire qu’il sait à peu près tenir un volant. Mais surtout il a déjà eu une expérience de situations dans lesquelles on ne le met jamais en auto école. Moi, je l’ai fait conduire la nuit, sur la neige, et toutes les conditions difficiles. On peut les mettre dans des situations qu’ils ne connaîtraient pas autrement ; donc ils les auront déjà vécues un peu ! Une fois qu’il aura son permis de conduire, il saura mieux conduire, à peu près convenablement, en tout cas. Il aura plus l’habitude de conduire une fois qu’il pourra être lâché tout seul. Le second avantage : l’attrait financier qui n’est pas nul, c’est la réduction de la surprime jeune conducteur. On peut dire qu’on récupère la totalité du coût de la formation, lors des deux premières années de conduite !

La formation initiale : il a suivi la formation au code de la route, il a réussi l’examen. Ensuite, il a pris quatre heures de conduite et il a obtenu l’attestation de fin de formation initiale. On a pu commencer à rouler. Il avait fait un petit peu de kart avant, donc ça allait, au point de vue mécanique. Suffisant, peut-être pas tout à fait, mais ça revient moins cher.

On a toujours un petit peu d’inquiétude, mais on ne peut pas dire que j’ai eu vraiment peur, pratiquement pas. Je l’ai fait conduire sur une Citroen BX essence. Il a toujours conduit avec moi, car mon épouse ne conduit pas, ça ne la tente pas du tout. Nous avons parcouru quatre mille cinq cents kilomètres en un an et demi. On va souvent à la campagne, je le laissais conduire. Je l’ai fait conduire aussi en descendant dans le midi. Ca lui a appris un petit peu ce qu’ était une autoroute chargée. Il a donc fait aussi de longs parcours. Il n’a pas fait tout le trajet, je le relayais, car un débutant fatigue vite. Il a eu l’occasion de rouler la nuit, sous la pluie, j’ai essayé de le mettre dans toutes les situations possibles.

En général, lorsqu’il faisait une erreur, je lui disais ‘«’ ‘ attention, là tu as fait quelque chose, on expliquera après. ’ ‘»’ Le point sur lequel je devais intervenir souvent, c’est le manque de prévision. C’est tout à fait clair, c’est l’anticipation des choses. C’est la première chose que je lui ai apprise : regarder loin devant et les rétroviseurs, tout le temps.

La nécessité de bien prévoir, bien savoir à l’avance, à cent mètres devant soi, ce n’est pas évident pour eux ! Ce sont des choses qu’on ne peut apprendre qu’avec de la pratique, en faisant des kilomètres. En auto école ce n’est pas possible. Une situation concrète difficile pour eux, c’est le tourne à gauche. Ils ont du mal à suivre la procédure complète, soit ils oublient un élément, le rétroviseur ou la voiture qui vient à droite, soit ils apprécient mal les vitesses et ils prennent des risques. Ces tournants, on les a travaillés longtemps, je le remettais dans des situations semblables pour qu’il y arrive mieux, à force de s’entraîner.

Vous savez, ça m’a, moi aussi, pas mal formé. Ca m’a rappelé un certain nombre de choses que j’avais oubliées depuis que j’ai obtenu mon permis de conduire. On ne peut pas dire que ça a remis en cause ma conduite, ce n’est pas vraiment le cas, mais ça rappelle des choses. Je ne vais quand même pas lui donner de mauvaises habitudes qu’il sera ensuite obligé de faire corriger par les moniteurs d’auto école avant de passer son permis. Au sujet de l’allure, je ne lui ai jamais rien dit, sauf quand il dépassait les bornes. Je le laissais rouler dans le flot de véhicules. Essayez de rouler à quatre-vingts kilomètres à l’heure, comme il devrait, sur le boulevard de ceinture à Lyon, vous m’en direz des nouvelles !

Les rendez-vous pédagogiques, nous avons été aux deux, l’un six mois après avoir commencé la conduite et l’autre juste avant de passer le permis de conduire, la conduite. C’était une leçon de conduite avec la voiture de l’auto école. Avec le changement de véhicule, mon fils était un peu déconcerté, l’embrayage, ça change et la voiture toussait ! A part ça, le moniteur ne lui a reproché que le clignotant. Effectivement, soit il oubliait de le mettre, soit il le mettait trop tard. Ces deux retours à l’auto école sont utiles pour passer l’examen dans de bonnes conditions.

La conduite accompagnée implique de la part de l’accompagnateur un investissement en temps, en attention et en remise en cause, croyez-moi ! Mais à partir du moment où la conduite accompagnée est bien faite, c’est une façon de sensibiliser les gens qui vont sur la route... à la route, justement ! Maintenant, je ne peux pas avoir une confiance à cent pour cent, mais je me dis que maintenant, il sait raisonnablement bien conduire. Pour améliorer le système, non, je ne vois pas, je trouve que ça fonctionne très bien ! Former les accompagnateurs, non, ce n’est pas nécessaire, car l’idée repose essentiellement sur le partage d’expérience, de situations vécues.

Madame Geneviève JURGENSEN, Présidente de la Ligue Contre la Violence Routière.

La conduite accompagnée, je trouve que c’est très tributaire de l’état dans lequel je suis, moi. Si je me suis laissée forcer le volant par exemple, si j’avais envie de prendre le volant, ma fille me dit « Ah, maman...  », ça va se passer probablement assez mal. A l’inverse, si on s’est mises d’accord toutes les deux et qu’on se dit «ça va être chic, elle n’a que seize ans, je suis fière, elle est au volant », à ce moment-là je peux être parfaite. Autant quand je me suis laissée forcer le volant je suis là «gr...», autant quand c’est bien, elle est en confiance, moi je sais qu’on ne risque pas grand chose, à la vitesse où elle va. Ce que je me reproche, puisque maintenant elle a son permis, c’est de ne pas avoir préparé les trajets avec elle avant. Au fond ça m’a vite énervée de voir que Mademoiselle se met au volant et ensuite attend que je fasse tout le boulot barbant qui est de dire « il y a une bifurcation à tel endroit », pour aller à la campagne quand on ne sait pas exactement le chemin... C’est un peu facile ! C’est très agréable de conduire, le seul aspect un peu fastidieux c’est de préparer son trajet justement. Alors elle m’avait comme navigateur, et là je trouve que j’aurais dû... Je n’ai pas été très pédagogique sur ce plan-là. Tu veux conduire, alors prépare ton parcours.

Et puis, il y a des moments un peu décourageants, quand, par exemple, il y avait quelque chose qu’elle n’arrivait pas à faire, quand elle a raté un embranchement, il y a un moment où il faut trouver un endroit pour faire demi-tour. On ne pouvait pas partir à l’aventure comme ça. Elle m’a fait faire des kilomètres, comment je fais pour faire demi-tour... je ne peux pas, je ne peux pas... et qu’on est quand même à soixante kilomètres à l’heure sur une route départementale, et qu’il y avait un endroit où on pouvait, Ah ben c’est raté. Il arrive un moment où je me dis, on y arrivera jamais, j’en ai marre. Je me suis rendue compte en la voyant conduire, ça demande beaucoup de maturité, de se dire, tiens j’ai loupé l’embranchement, il faut que je cherche tranquillement un endroit où je vais pouvoir reculer et tourner, où c’est autorisé, où c’est faisable, et qu’on ne peut pas... mais c’est peut-être elle qui était comme ça. Mais je me demandais jusqu’où elle allait m’emmener. Ca c’était des moments d’énervement, je lui disais : «mais, enfin arrête-toi, tu as bien vu ! ». Il y a un moment, on ne comprend pas ce qui se passe. On s’énerve soi-même.

Il y autre chose, je ne sais pas si d’autres parents vous en parlent, il y autre chose que moi je n’ai pas aimé du tout, qui est plus subtil, qui est que... nous on est une famille de quatre personnes, quand c’était mon mari qui faisait la conduite accompagnée avec notre fille, moi j’étais derrière avec le petit... Je les voyais trôner devant, bavarder et tout, et moi j’étais reléguée derrière avec le petit et je me disais ce n'est pas ma place, ma place elle est devant. Et donc il y avait un côté peut-être même de jalousie un peu, de rivalité, et mon mari était très content de bavarder devant avec sa fille, il est fier de sa fille et je le comprends. Je lui ai dit ‘«’ ‘Tu verras quand ce sera lui, le garçon, qui fera la conduite accompagnée, que tu seras derrière pendant que tu seras devant à faire avec mon fils, et tout... ’ ‘»’ Tu verras, tu n’aimeras pas ça ! ». Je trouvais que tant qu’on était deux, mon fils et moi, ou mon mari avec sa fille, très bien, mais quand on est en famille, et que l’un des deux parents doit s’emm... derrière, il n’y a pas d’autre mot, il se demande un peu ce qu’il fait là. On se traîne, on n’aime pas le trajet qu’ils prennent. On est jaloux, tout simplement. Une fois, j’ai dit à Elvire parce-qu’elle voulait prendre le volant, parce qu’elle insiste, avec la complicité de son père, mais sur un long trajet comme ça, en rentrant du Mans... En sortant de là, j’étais d’une humeur de chien, et je lui ai dit « écoute, moi, jusqu’à tant que je quitte mes parents, j’étais à l’arrière. Et maintenant, je ne veux plus y être, c’est tout ! Donc, quand on était quatre, je le prenais assez mal... Et même maintenant qu’elle a son permis, quand elle dit « allez, c’est moi qui conduit », elle n’a plus besoin de conduite accompagnée, et je dis à mon mari « c’est très bien, tu la laisses faire, c’est toi qui monte derrière ». Je ne sais pas si les autres parents le ressentent comme ça. Mais moi je l’ai ressenti parfois assez fortement. Comme si elle prenait ma place auprès de mon mari. Ma place d’adulte, d’une part devant, mais aussi ma place d’épouse.

En plus, si on le fait bien, je trouve que c’est un moment de réconciliation. C’est un moment où on honore son enfant en lui confiant la voiture, qui est quand même précieuse, on a du temps, on peut rétablir un dialogue rompu... Par exemple mon fils, qui vient juste d’avoir seize ans, il vient de s’inscrire, il n’a pas encore commencé la première leçon, j’ai appris qu’il fallait qu’il se fasse recenser avant... Première dispute, non, je n’ai pas le temps de me faire recenser... Je lui dis : ‘«’ ‘ Ecoute, tu permets, on a eu le temps d’aller faire le chèque, tu vas trouver le temps d’aller te faire recenser ’ ‘»’. Première source de conflit. Il a de vrais problèmes scolaires, je me réjouis de penser qu’il va pourra être mis en valeur car il conduira très bien, ça peut être quelque chose d’un peu réconciliateur , et un peu guérisseur dans une famille, de penser qu’un enfant qui échoue dans certains domaines va pouvoir réussir là... En tous cas, c’est bon pour nous.

Sur la mécanique, je trouve que c’est l’unique vraie lacune de la formation. Qu’on ne leur dise pas où est l’huile, comment on change une roue... Elle n’a jamais soulevé un capot, ma fille. Elle tombe en panne sur le bord de la route, ce n’est pas la peine, elle fait SOS... qui vous voulez, mais elle ne sait rien faire. Je trouve que c’est très très dommage, car même moi, en tant que femme, je n’en sais pas assez. En plus, les femmes, ce sont elles qui ont les gosses dans la voiture, qui les ramènent de vacances, etc... Elles sont vraiment exposées à être dans des situations délicates dont elles pourraient se tirer très bien si elles avaient deux ou trois connaissances de base. C’est au programme, mais si ça a été fait ça a du être fait en vidéo, pas de travaux pratiques. En tous cas elle ne l’a pas fait elle-même, elle n’a pas mis les mains dedans. Je trouve dommage parce qu’en plus c’est très angoissant d’être sur le bord de la route avec une voiture qui ne marche plus. Là aussi, c’est un moment où on peut faire des bêtises, s’aventurer sur une route à pied, ou... Si on ne se dit pas « je peux m’en sortir » c’est moche.

Ca n’a pas de rapport avec notre sujet, mais au tour de France il y a régulièrement des photographes qui se mettent au milieu et qui font tomber tout le peloton. Les gens disent «mais quelle andouille, etc... ». D’une part, ils vont très vite, et on ne s’en rend pas compte, d’autre part, dans un objectif on ne voit pas les distances, ils ne voient pas que les gens sont sur eux. Je pense que dans toutes ces histoires de voitures, on est habitué à une vitesse de ville car on la vie comme piéton fréquemment, et entre cinquante à l’heure et cent trente, on ne se rend absolument pas compte.

Patrick CHEVILLOT, DSCR.

Il y a certainement des tas de raisons qui font que tu choisis telle ou telle formation... Après il y a tous les cas : des parents divorcés... finalement, faute d’avoir une autre évaluation, faute d’avoir eu dans la vie une autre évaluation que celle du permis de conduire, qui est une évaluation en général douloureuse, et que tu n’as pas envie de revivre... Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas confiance en eux en tant que conducteurs, paradoxalement. Donc, n’ayant pas confiance en eux en tant que conducteurs, ils n’ont pas plus confiance en tant que parents accompagnateurs, ils ne se sentent donc pas autorisés à être des modèles. C’est paradoxal. Je pense qu’il y aurait là une voie à explorer, c’est comment les gens se voient en tant que conducteur, questions : ‘«’ ‘ Ce n’est pas votre enfant, vous êtes accompagnateur ?, C’est votre enfant, vous êtes accompagnateur ? ’ ‘»’ Gertrude NIDEBERG qui était une amie de Pierre MAYET à l’époque, avait fait une étude, sur notre commande, sur les raisons pour lesquelles les familles choisissaient ou pas l’A.A.C. C’était une des premières études psychosociologiques sur la conduite accompagnée. Il y avait notamment toute une analyse sur les deux ou trois mille premières conduites accompagnées. Il y avait ceux qui choisissent de faire l’A.A.C. et ceux qui ne choisissent pas. Il y avait une analyse très poussée sur ceux qui choisissaient de ne pas faire l’A.A.C., les jeunes, les parents.

Je crois qu’il y a beaucoup gens qui se donnent de bonnes raisons pour ne pas le faire, très profondément parce qu’ils n’ont pas confiance en eux en tant que conducteurs. Il y a des tas d’autres raisons, certainement, mais il y a ça. Il y a certainement une part non négligeable de gens qui se contraignent à conduire.

Pour bon nombre de jeunes, conduire n’est pas une motivation première. C’était mon cas, j’étais dans une génération... Conduire, ça fait peur, objectivement ça fait peur ! Il faut avoir une bonne dose de... Il faut être un bon rhinocéros... Maintenant, je suis un gros rhinocéros, je vois que je continue à prendre des risques de manière importante, je joue toujours au basket, je prends toujours des coups, quand je fais un peu d’introspection, je regarde mes mains, j’ai quatre doigts cassés... Avec les copains : ‘«’ ‘ c’est la vingt-septième entorses que tu te fais ’ ‘»’.

Ma femme, elle conduit dans Paris, pas question de lui faire prendre le périphérique, elle le ferait, elle pourrait le faire, mais elle a peur. Pourtant elle a vingt-cinq ans de volant derrière les mains. Elle, ce n’est pas la conduite, c’est d’être dans une boîte bien fermée qui protège de l’univers, qui protège des autres. Idem pour la perception des dangers. Il y a très probablement un choix inconscient dans les dangers qu’on choisit d’affronter, et ceux qu’on n’affrontent pas, qui fait que...

Yvette, 40 ans, Institutrice.

Moi, je n’ai pas voulu faire la conduite accompagnée à ma fille. Lorsqu’elle a eu seize ans, la question s’est posée. Nous avons des amis qui l’ont fait faire à leurs enfants. D’après eux, ça s’est bien passé. Je pense que moi je ne me sentirais pas assez à l’aise pour être à côté d’elle, lui donner des conseils, je ne suis pas assez qualifiée de toutes façons. Pour rouler à côté de quelqu’un qui ne sait pas très bien conduire, qui débute, je pense qu’il faut être très sûr de soi. Moi, déjà en ce qui concerne ma façon de conduire, je roule, mais je fais un peu comme je sens, je suis sûr que ça n’est pas très académique, tout ce que je fais. La mécanique ne m’a jamais beaucoup intéressée, la voiture c’est pour moi un moyen de transport, tout simplement. Jusqu’à aujourd’hui, ça a fonctionné, tant bien que mal. Donc, je ne serai pas tranquille, j’aurai peur qu’elle accroche, qu’elle ne s’arrête pas, qu’on ait un accident. Je ne veux pas vivre ces situations-là. Quant à donner des conseils, des recommandations, je m’en sens totalement incapable. Au nom de quoi je le ferais ? Il y a des professionnels pour ça. Les moniteurs d’auto-école savent conduire et savent apprendre aux autres. En plus ils ont des voitures équipées pour avoir plus de sécurité. Ils savent donner les bons conseils au bon moment. Moi, que voulez-vous que je dise ? J’aurais trop peur de transmettre mes mauvaises habitudes, de conseiller des comportements dangereux. De plus, ma fille, avec son caractère, ce n’est pas sûr qu’elle accepterait mes remarques et mes conseils qu’elle ne trouverait pas judicieux. J’imagine d’ici les conflits. Déjà, quand nous voyageons, je conduis la voiture, elle trouve toujours des tas de choses à dire alors qu’elle ne sait pas faire. Tu vas trop vite, trop doucement, on avait le temps. Donc, elle pense que je ne suis pas une bonne conductrice. Elle ne m’accepterait pas comme accompagnatrice.

Non, vraiment, je ne me sens pas qualifiée pour cette mission-là. Elle passera son permis comme tout le monde, elle ira à l’auto-école et elle prendra des leçons.

AS : Si votre fille peut conduire plus en sécurité après avoir fait la conduite accompagnée, vous serez plus rassurée lorsqu’elle partira seule, n’êtes-vous pas prête à faire un effort pour vous lancer dans ce cursus d’apprentissage ?

Non, c’est vraiment au dessus de mes forces. Je pense que le système est bien, mes amis le disent, l’auto-école aussi. J’aimerais pouvoir le faire, mais je me connais bien, franchement... non. Ma fille apprendra de façon traditionnelle, mais vous savez, il y a beaucoup de gens qui ne font pas la conduite accompagnée et qui conduisent très bien. J’espère que ce sera le cas pour elle.

Pierre, 38 ans, V.R.P.

Moi, je suis contre ce système de conduite accompagnée. Il suffit de les regarder conduire, on voit bien que c’est très dangereux. Combien de fois j’ai vu des jeunes avec le sigle derrière me dépasser sur des lignes continues ou même dans les virages. La vitesse, n’en parlons pas, sur l’autoroute, en plus, avec des petites voitures, on peut s’imaginer dans quel état elles sont, ils nous dépassent alors qu’on est déjà largement au-dessus des limitations de vitesse. Et on voit sur la lunette arrière soit un A, des jeunes permis, soit le sigle de la conduite accompagnée. Evidemment, ils n’ont aucune formation, conduire comme ça, directement, je veux dire, même avec les parents à côté, ce n’est pas possible. Ca m’étonne même qu’on ait autorisé une pratique aussi dangereuse.

AS : Si, ils ont une formation, la même que s’ils allaient passer l’examen du permis de conduire. Tout cela, avant même de partir en conduite accompagnée.

Ah bon ! Je ne savais pas, mais n’empêche ! Ce que je vois tous les jours sur la route fait que je suis contre ce système. Moi, je ne pourrais pas être accompagnateur, d’abord quand je roule en voiture, c’est toujours moi qui conduis. Je ne peux pas me faire conduire par quelqu’un, je ne peux pas être passager. Quand je vois toutes les bêtises qu’ils font, à côté ça me fait bouillir. Donc, j’évite, c’est toujours moi qui conduis. Si j’accompagnais un jeune, je crois que je taperais dessus. De toutes façons, avec mon fils on ne s’entend pas assez bien, ça ne marcherait pas.

Jean, 50 ans, exploitant forestier.

Circuler avec mon fils en conduite accompagnée, ça m’a apporté beaucoup de choses. Tout d’abord, je dois être un exemple, donc je fais très attention à ma conduite, j’essaie de ne pas commettre d’infractions. Quand c’est lui qui est au volant, je m’aperçois que ce n’est pas aussi simple. Moi, je conduisais comme ça, naturellement, automatiquement, sans faire attention... En discutant avec le moniteur et en circulant à côté de mon fils, j’ai pris conscience de la difficulté de la complexité de la tâche de conduite. A partir de là, on s’explique très facilement les accidents de jeunes... C’est beaucoup trop difficile pour eux. Le code, la conduite, oui... Mais il y a tellement d’autres choses. Si on fait la conduite commentée, comme dit le moniteur, des fois, ça me semble une tâche insurmontable. Il n’y qu’avec l’expérience qu’on peut s’en sortir. En attendant, il faut bien que les jeunes roulent, et alors... Moi, je fais ce que je peux pour lui, au début, c’était pas évident, car en plus j’avais peur. J’ai fait un effort pour passer par-dessus ça, ça n’a pas été facile. Maintenant, c’est la tâche qui me semble beaucoup trop difficile. On voudrait tout lui donner, tout lui dire d’un coup, mais en réfléchissant, moi, j’ai mis trente ans... Alors, tout doucement, je lui donne quelques trucs, mais quand on a pris conscience de tout ça, on est encore plus inquiet pour eux.

Dans ma conduite, la remise en cause a été difficile, mais on se rend vite compte des risques qu’on prenait. Je n’ai pas une conduite irréprochable, mais je fais des efforts.

Pour le jeune, c’est différent. Il n’a pas assez de repères. Il y a ce que lui a dit le moniteur, il y a ce qu’on a pu vivre ensemble à travers différentes situations de conduite, mais il reste tant de choses à voir ! Je pense que si l’accompagnateur est responsable, l’AAC permet quand même d’inculquer un état d’esprit.

Marcel , 47 ans, Cadre France-Télécom.

Il faut que je sois à côté de lui, je lui dis ou je ne lui dis pas, j’en sais rien, je lui explique, le grand il a été reçu au permis, du premier coup, il avait parcouru 17000 Kms, maintenant je lui prête ma voiture en toute confiance parce-que il a de l’expérience, il ne risque rien. Dès qu’ils ont leur permis ils sont considérés comme expérimentés, ils paient moins cher d’assurance. Il y a donc un accompagnement financier, à 18 ans il a passé un permis normal devant un inspecteur des permis de conduire, il l’a ou il l’a pas. En cas d’accident l’accompagnateur est responsable, le jeune aussi. Ils ont des limitations de vitesse supérieures aux nôtres, ils n’ont pas le droit de conduire à l’étranger. Ca nous aide aussi car si on leur dit une bêtise, ils nous le disent aussi.

Il y a donc des rendez-vous pédagogiques, on va à l’auto-école, le moniteur nous montre, travaille un thème particulier à chaque rendez-vous, par exemple la réalisation d’un constat amiable d’accident, il leur fait refaire un petit peu d’auto-école en conduite et il discute avec les jeunes, c’est intéressant. On corrige les mauvaises habitudes. J’ai appris des choses, par exemple : ici il y a un boulevard, les gens roulent toujours à gauche car c’est en sens unique, mon fils m’a dit : non, non, il faut rouler à droite, je ne le savais pas.

Maintenant il conduit très bien, pas vite, très calme, son frère qui lui est à l’auto-école roule plus vite, le moniteur lui dit qu’il faut rouler quand même à une certaine vitesse. En accompagnement j’ai l’impression qu’il faut leur dire qu’ils maîtrisent bien leur véhicule même en roulant vite, qu’ils apprennent à acquérir certaines notions, un peu de pilotage si on veut. Je sais que c’est pas bien. Justement le grand est là pour tempérer mes ardeurs.

Moi j’ai fait confiance à l’auto-école, je l’ai fait conduire aussitôt, énormément, en ville, partout. On varie un peu, je ne leur fais pas faire que de l’autoroute. On est allé à Paris dimanche dernier, il a conduit à l’aller et au retour, il a conduit dans Paris. Même sur autoroute, je lui fais les limitations de vitesse des jeunes, 110 Kms/heure. On est plus motivé, on leur fait faire des choses variées, on est mobilisé.

C’est moi qui ai décidé de faire faire la conduite accompagnée aux deux. Avant d’être seuls sur la route, ils vont acquérir une certaine expérience et vont pouvoir bénéficier d’un accompagnateur pour leur donner des conseils. Ils n’étaient pas demandeurs, c’est moi qui leur ai proposé.

En auto-école, il a fait une formation au Code, il a passé l’examen, il a fait ses 20 heures de conduite et il a été lâché par le moniteur, et ensuite il a conduit 17000 Kms en 2 ans. Il a conduit sur une Saxo, sur une ZX, nous étions deux accompagnateurs, ma femme et moi. Il a conduit dans toutes les situations, on a essayé de le faire travailler le plus souvent possible, donc je ne conduisais plus, j’étais uniquement son accompagnateur, et on le faisait travailler soit dans des conditions météorologiques, soit de nuit de jour pour qu’il puisse bien apprécier les difficultés différentes de la conduite.

Quand il faisait des erreurs, je lui disais sur le champ, et à la fin, après avoir terminé la conduite, je revenais sur les erreurs. Je suis intervenu quelques fois, en particulier je trouvais qu’il roulait trop à droite, je trouvais que c’était un défaut pour lui. C’est l’auto-école, c’est ce que lui avait dit le moniteur. Je lui ai fait un petit peu de temps en temps corriger la vitesse, parce-que au bout d’un certain temps on a tendance à se laisser aller quand même, il roulait relativement vite de temps en temps. Je lui ai fait respecter les limitations de vitesse imposées par la conduite accompagnée, ça c’était une obligation, même sur l’autoroute. Ca ne me gêne pas d’être l’accompagnateur, au contraire, je préfère qu’il conduise, même si ça ne va pas vite, ça ne me dérange pas du tout.

C’est une question de citoyenneté, de sécurité même, car ça lui permettra de conduire avec de l’expérience, donc à mon avis pas uniquement avec une conduite plutôt théorique.

Il y a eu la fameuse réunion pédagogique. On a fait une heure de conduite au préalable avec le moniteur qui a relevé peut-être un certain nombre de défauts à corriger. Ses défauts c’était ce que j’avais relevé moi, la conduite trop à droite, c’était un petit peu d’inattention, je me souviens, il ne regardait pas souvent dans son rétroviseur, c’était du à son expérience, j’en sais rien. Ca je ne l’avais pas particulièrement observé.

Il y a eu une réunion collective avec tous les gens qui pratiquaient ce système de conduite accompagnée. Il y a eu un thème qui a été choisi, on leur a expliqué avec des transparents, et il est reparti sur la route avec moi. C’était pas un cours, c’était des échanges, c’était très interactif. Très bien. On se rend compte de la façon dont fonctionne les autres accompagnateurs, et les problèmes qu’ils rencontrent. Je me souviens d’un père qui expliquait les dangers de la vitesse et qui affirmait ne jamais rouler vite, toujours respecter les limitations. Sur le moment, j’ai réagi un peu sèchement, j’étais persuadé que ça n’était pas possible. Pour moi, tout le monde est speed, tout le monde roule très très vite.

J’ai pris conscience que sur la route, on peut être tout à fait différents les uns des autres, qu’en fait, une vitesse élevée peut être dangereuse. En définitive ce n’est pas le moniteur mais bien les autres parents qui m’ont fait comprendre ça. J’essaie d’en tenir compte sur la route maintenant, mais bon, j’oublie vite... Ma nature reprend le dessus.

Maintenant, je pense que si le moniteur avait repris tout ça avec des exemples concrets, ou pourquoi pas avec des exercices en voiture, sur une piste, ça aurait peut-être porté un peu plus. J’aurais peut-être été vraiment sensibilisé.

Le seul défaut, le seul axe d’amélioration que je vois, c’est que dès le départ l’accompagnateur n’a pas les connaissances actualisées pour donner quelque chose de plus efficace, de plus actuel aux jeunes conducteurs. Je serais partisan de suivre une formation d’une demi-journée par exemple car c’est vraiment un système qui est idéal pour les jeunes.

Maintenant il conduit très raisonnablement, il a le permis depuis février 1997, et il est surtout conscient des éventuels problèmes qu’il peut trouver sur la route, donc il fait très attention.

En conclusion, je trouve que c’est extrêmement positif, car mon fils conduit régulièrement ma voiture, donc je lui prête ma voiture sans aucune arrière-pensée. Je le sens en sécurité sur la route du fait de cette expérience. Ce que j’en attendais, c’est quand même qu’il soit capable de bien conduire dans toutes les situations et je pense que c’est le cas, l’objectif est atteint.

Pour améliorer le système, une formation pour l’accompagnateur, c’est important, car je trouve qu’on conduit tous par habitude, et inconsciemment on fait des erreurs que l’on ne corrige pas. Ca permet de faire des correctifs même pour soi, c’est enrichissant pour moi-même aussi.

Je lui conseillais de conduire d’une façon plus relaxée que moi, à peu près le contraire, on va dire. Moi je conduis relativement vite, je suis souvent pressé de par le métier, donc je lui disais bien de ne pas faire ce que je faisais, alors qu’il le sait. L’accompagnement a fait qu’il a intégré ces choses là. Je vous donne un exemple concret, à un carrefour, je lui disais de ralentir, moi je ne ralentis pas tout simplement. Ca a changé ma conduite un petit peu quand même car j’ai une conduite « Parisienne », assez rapide, énergique surtout, donc à certains endroits, au feu vert, par exemple, je fais très attention, que avant j’aurais eu plutôt tendance à accélérer. Là il m’a bien expliqué, je fais très attention. Ca m’a servi, ça a été très utile pour moi. Le mélange entre la conduite d’un débutant et d’un conducteur expérimenté, c’est un amalgame qui est très positif pour les deux, il n’y a pas de problème.

Michel, 18 ans, étudiant et son papa André.

Je viens d’obtenir mon permis de conduire du premier coup, ça s’est bien passé. Maintenant, il va falloir faire attention parce que je serai tout seul au volant. Deux ans à conduire avec mon père, à la fin, ça m’a paru très très long. Si on parle de l’accompagnement, oui, on a commencé il y a deux ans, j’avais été à l’auto-école et en un mois j’ai obtenu l’attestation. Au début, je n’étais pas très rassuré et mon père encore moins. Il me reprenait tout le temps, il ne me laissait jamais faire parce qu’il avait peur qu’on ait un accident, alors je n’avais jamais l’occasion de faire ce que j’avais envie. En plus, il ne fallait pas mener la voiture comme m’avait montré le moniteur parce que lui, il ne faut pas pousser le moteur. Alors des fois je démarrais, mais les voitures arrivaient tout de suite parce que je n’accélérais pas.

Ça a duré, je ne sais pas, peut-être deux mois, et puis après il a commencé à se cramponner un peu moins et j’ai pu faire comme je voulais. C’est vrai que lui, il roule très vite, c’est normal, il a beaucoup d’expérience. Moi, je respecte tout le Code, comme disait le moniteur. Des fois ça énervait un peu mon père parce qu’on était pressé, mais non, non, il ne m’a jamais obligé à rouler plus vite que les panneaux.

Donc, comment on s’y est pris ? Quand il a commencé à me faire confiance, on partait pour des parcours de cent cinquante kilomètres pour aller en week-end, en général, il n’intervenait pas. Au début, on disait on va partir à telle heure, on va passer par là et par là pour que ça roule mieux, qu’il y ait moins de monde, et on devrait arriver vers telle heure. Le principal, c’était de respecter le Code, d’être prudent et de ne pas trop pousser la voiture.

Des fois, il aurait bien voulu que je passe, mais moi, j’attends plus longtemps. Je préfère leur laisser la priorité, même si j’ai le temps. Sinon, ils freinent, et puis ça ne va pas.

Alors, les stops, les feux, les rond-points, non, ça, ça allait. Le plus difficile pour moi c’était les voies d’accélération et les dépassements. C’est pas facile de voir à quelle distance ils sont et d’estimer à quelle vitesse ils arrivent, même en regardant directement. Alors, il n’y a qu’avec l’habitude, à force, on voit bien... C’est ça, le principal avantage de la conduite accompagnée, après, on n’hésite pas. C’est comme ça que j’ai eu mon permis, j’ai pas hésité.

Les dépassements ? Non, je crois que j’en ai jamais fait. Non, ou alors sur l’autoroute, mais là c’est pas pareil, quand on voit un camion, on va à gauche et ça se passe bien. Sur la route, avec les voitures en face, j’aurais peut-être pu en faire des fois, mais non, ça ne s’est jamais présenté. Au permis non plus, si, un vélo, mais là ça va.

La méthode d’accompagnement ? Rien de spécial, comme j’ai dit, il me laissait faire et me faisait confiance en général. C’est vrai qu’on faisait souvent le même parcours, donc on n’avait pas beaucoup de surprises. Même à la fin, on ne discutait pas trop de ce qui s’était passé. Deux ou trois fois, il m’a félicité parce que j’avais bien conduit. Mais bon, c’était pour sa voiture. Il aimait bien que je la mène exactement comme lui. Pas trop forcer, tout en douceur.

Ma mère, non, elle n’a jamais rien dit, pourtant on voyait bien qu’elle était fière que son fils conduise à seize ans. Elle ne s’occupait pas de la conduite. Elle, elle conduit toute seule quand elle va faire les courses.

Non, je ne vois pas ce que je pourrais dire d’autre sur l’accompagnement. En gros, j’ai eu une grande liberté pour la conduite et, globalement, ça m’a bien servi pour mon expérience. On a fait environ neuf mille kilomètres en deux ans, j’ai trouvé un peu long à la fin, j’en avais marre de conduire avec mes parents. Un an ça serait bien, ça serait suffisant pour apprendre, deux ans c’est trop long. Donc, il faudrait commencer à seize ans et demi ou dix-sept ans.

Une formation ? Oui, pour que le moniteur et les parents disent la même chose, qu’ils s’accordent. Sinon, pour l’accompagnement, non, ça s’est bien passé. Mais franchement, je ne vois pas mon père aller suivre une formation pour ça.

André, 43 ans, Contremaître, papa de Michel.

La conduite accompagnée, c’est moi qui en ai eu l’idée, car j’avais plusieurs collègues qui l’ont pratiquée avec leurs enfants, et en discutant, j’ai trouvé ça bien. Principalement, parce qu’on les voit conduire et on sait à peu près comment ils vont se comporter une fois seuls au volant, quand ils auront eu leur permis de conduire. Donc là, on sera plus en confiance, sinon, on se demande toujours ce qu’ils font et on est un peu inquiet.

Lui bien sûr ça lui a plu de conduire à seize ans, bien que je trouve maintenant que ça fait un peu jeune seize ans, c’est des gamins. Après ça allait mieux, il a mûri, mais là, il ne se laissait plus faire, à la fin il ne voulait même plus conduire avec moi, il avait hâte de partir tout seul.

Au début, c’est sûr, c’est très très impressionnant, on a l’impression qu’il n’y a pas de chauffeur dans la voiture, on voudrait tout faire à sa place parce qu’on pense qu’il ne va pas le faire, qu’il n’aura pas le temps de réagir, mais on n’a vraiment aucun moyen d’action. On voudrait bien avoir les pédales comme le moniteur. Mais après, on s’habitue, on commence à lui faire confiance, mais c’est pas évident.

La technique, pour moi, c’était... rien, en fait, je ne savais pas trop comment faire... Le moniteur avait dit de le laisser faire, qu’il était au niveau du permis et qu’il était capable de conduire tout seul. Après une période de mise en confiance, pour moi, je l’ai laissé faire. Des fois, j’avais bien envie de dire des trucs, mais après, je m’apercevais à chaque fois que ça s’était bien passé, sans rien dire. C’est vrai que moi je n’aurais pas fait pareil, moi, je ralentis beaucoup plus tôt que ça, je vois arriver les choses. Je ne vois pas quelle technique on pourrait utiliser, l’expérience, c’est de conduire, de faire des kilomètres. Après, ça va mieux, maintenant qu’il a son permis, ça ira de mieux en mieux ; moi, j’ai du souci de le voir tout seul, mais je sais en gros comment il conduit, ça va !

Une formation, peut-être, mais je ne vois pas qu’est-ce qu’on pourrait nous apprendre. Moi je conduis, à ma façon, mais chacun fait comme ça, le principal, c’est de ne pas avoir d’accident. On n’est pas tous obligés de conduire pareil. L’accompagnement, on n’est pas des moniteurs, on ne va pas faire une formation professionnelle pour ça, on a chacun nos métiers, ça suffit bien. La conduite commentée ? Oui, j’en ai entendu parler, Michel en a fait avec son moniteur au début, mais ça me parait bien compliqué, et je ne sais pas si c’est vraiment utile, ça va tellement vite en conduite, il faut réagir immédiatement à chaque situation, donc on n’a pas le temps de parler. Avec l’expérience, on réagit de mieux en mieux et de plus en plus vite. C’est vrai que des fois on a chaud, ça ne passe pas loin, mais après, on se méfie.

Qui va payer ? Ça augmenterait pas mal le prix de la conduite accompagnée. Et c’est pas évident de se libérer une journée, comme ça. C’est surtout les jeunes qui ont besoin d’être formés. Nous, on pratique tous les jours, ça va !

Globalement, oui, je suis content de cette conduite accompagnée et de la façon dont ça s’est déroulé. C’est mieux que nous quand on est passé, moi, j’avais pris trois heures. C’est vrai, j’avais conduit avant, à la campagne, mais c’était pas pareil, il y avait beaucoup moins de monde, on était tranquille sur la route. Après, j’ai fait des bêtises, comme tous les jeunes, mais je n’ai pas eu d’accident. Avec la conduite accompagnée, j’espère que mon fils ne fera pas ça. Mais, j’ai confiance, un peu d’appréhension parce qu’il est jeune, une fois tout seul, ou avec les copains, on ne sait jamais, mais non, le connaissant et l’ayant vu conduire, il a son caractère, ça se passera bien.

Raymond, 50 ans, viticulteur.

J’ai fait faire la conduite accompagnée à mon fils Vincent, parce que moi, j’avais conduit bien avant le permis, depuis tout petit, et je pense que c’est mieux que d’apprendre à l’auto-école. Quand on arrive aux leçons, on sait déjà pas mal de choses, on sait rouler. Il suffit que le moniteur nous cadre un peu, et on a le permis plus facilement.

L’accompagnement ? A chaque fois que Vincent était là et qu’il fallait rouler, c’est lui qui conduisait. Je ne lui ai absolument jamais rien dit. Je lui faisais une confiance totale, et il me semble que je ne l’ai jamais vu faire d’erreur, il s’est toujours bien débrouillé. On faisait des parcours de dix à quinze kilomètres, dans les vignes. Le week-end aussi, il conduisait cent ou cent cinquante kilomètres, pour aller à Dijon ou dans les environs. En tout, il a fait six mille kilomètres. A chaque fois il notait sur son livret. Maintenant, oui, je peux dire qu’il conduit bien, je suis rassuré, il est aussi prudent que moi, je lui confie mes véhicules sans problème.

Jocelyne, 40 ans, secrétaire.

Au début, c’est mon mari qui a décidé de faire la conduite accompagnée avec Aude. Moi, je ne connaissais pas trop le système, je ne m’y étais jamais intéressée. Ma fille non plus, n’était pas intéressée par la conduite. Je crois qu’elle a accepté pour faire plaisir à son père. Elle a obtenu son code du premier coup, on a pu partir ensuite en conduite. Au début, on faisait à tour de rôle, mon mari et moi, mais très vite j’ai fait seule, le papa étant trop pris par ses occupations professionnelles.

En fait, ça s’est très très bien passé. Aude et moi avons toujours été très complices. J’ai toujours veillé à beaucoup dialoguer avec elle. Je lui confie beaucoup de choses, celles qu’on peut confier à sa fille, en retour je trouve que naturellement, elle me dit des tas de choses que ses amies ne confieraient pas à leurs parents. Toute cette intimité, nous l’avons retrouvée en voiture. Très vite, ma fille s’est sentie à l’aise au volant, elle conduisait bien, et tout en roulant, nous parlions de choses et d’autres. J’aimais bien rouler avec elle, c’est un peu comme si cette situation là, de rouler ensemble, avait renforcé notre complicité.

En général, je la laissais faire, je ne disais rien sur la conduite, même si au début j’avais toujours l’impression qu’elle roulait trop vite et qu’elle n’arriverait pas à faire face, ça s’est toujours bien passé. Ce qu’on faisait, c’est qu’à la fin du parcours, on discutait de la conduite. J’aimais bien qu’elle me dise, elle, comment elle avait vu les choses, comment elle avait ressenti les diverses situations et éventuellement ce qui lui avait posé problème. C’est vrai qu’au fur et à mesure, on évolue nous-mêmes à côtoyer les jeunes au volant. On s’aperçoit que nous dans la même situation on n’aurait pas fait pareil. Mais en fait, même en faisant autrement, ça se passe finalement bien. Oui, c’est ça, il y a plusieurs conduites, plusieurs réactions possibles dans une même situation. Et, en discutant, à la fin, je m’apercevais que son analyse d’une situation donnée était tout aussi valable que celle que j’aurais pu avoir.

Après avoir pris conscience de tout ça, je lui ai fait encore plus confiance, ça, elle l’a ressenti, et à partir de là, je l’ai vue mûrir, et j’ai eu ensuite l’impression de voir conduire une vraie petite femme, une adulte. Donc, la conduite accompagnée a été pour nous très bénéfique. D’une part, elle a renforcé les liens que je pouvais avoir avec ma fille, dans la vie de tous les jours comme en circulation routière, nous pouvions parler de tout sans problème ; d’autre part, je trouve que je suis devenue beaucoup plus tolérante lorsque je conduis moi-même, surtout après avoir vu que les autres peuvent conduire autrement que moi, ceci tout aussi valablement.

Une formation ? Oui, ça serait bien, surtout pour nous indiquer notre rôle dans cette façon d’apprendre à conduire. Même s’il faut payer, moi, je n’y vois pas d’inconvénient. Toutefois, j’y vois des... limites. Je crois qu’on ne maîtrise pas du tout les inter-actions possibles entre les personnes. Personne n’aurait pu dire au début comment ça allait se passer avec ma fille Aude. Personne n’aurait pu me conseiller non plus sur la façon de faire, car ça dépend des gens, des caractères... et des situations, aussi.

Oui, en définitive, on parle souvent d’outils, de technique, moi, je suis d’accord mais il faut aussi laisser, je trouve, une grande place au feeling. En l’occurrence, dans cette situation... de conduite accompagnée, je pense qu’on y a bien trouvé notre compte toutes les deux, et que c’est justement ce petit plus qui fait que ça a été très bénéfique pour elle, et secondairement pour moi. Avant, pour moi, conduire c’était aller au travail, aller en week-end, en vacances, ou aller faire les courses. Maintenant... que c’est compliqué à dire : la voiture, les autres, la route, la sécurité... Mais tellement intéressant !