ANNEXE 3 : Entretiens sur la notion de conducteur citoyen.

Nous cherchons à savoir ce que certains acteurs de la sécurité routière entendent par conduite citoyenne. Nous avons pour cela interviewé deux responsables nationaux d’associations de victimes de la route, trois enseignants de la conduite automobile et de la sécurité routière, deux candidats venant d’obtenir le permis de conduire et leur enseignant, un Délégué au Permis de Conduire et à la Sécurité Routière, un responsable du Ministère des Transports. Nous avons sélectionné, en vue de leur analyse : un article intéressant d’un directeur de recherches de l’INRETS, un débat télévisé entre une Responsable d’association de victimes de la route et un pilote automobile, deux émissions de télévision au sujet de la violence au volant et une émission de radio commentant les débats d’un tribunal qui traite un accident de la route aux conséquences particulièrement graves.

Grille d’analyse.

Nous avons sélectionné quatre thèmes pour analyser les discours des acteurs sur la notion de citoyenneté.

Le respect des règles

La conduite citoyenne, la tolérance.

L’éducation, la formation.

Propositions pour parvenir à un comportement citoyen.

Liste des personnes interviewées.

  • Christiane CELLIER, Présidente de la fondation Anne CELLIER, le 16 mars 2000.
  • Faut-il brider le moteur des voitures ? Débat entre Geneviève JURGENSEN de la Ligue Contre la Violence Routière et Jean-Pierre BELTOISE, ancien pilote automobile.
  • Madame Geneviève JURGENSEN, Présidente de la Ligue Contre la Violence Routière, le 15 mars 2000.
  • Monsieur Patrick CHEVILLOT, Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, Direction de la Sécurité et de la Circulation Routières, Sous-Direction de la Formation du Conducteur, Chef du Bureau de la Pédagogie de la Conduite Automobile, le 14 mars 2000.
  • Trois enseignants de la conduite automobile et de la sécurité routière, le 29 mars 2000.
  • Deux candidats venant d’obtenir le permis de conduire et leur moniteur, le 30 mars 2000.
  • Monsieur Frédéric DAVRAINVILLE, Délégué au Permis de Conduire et à la Sécurité Routière, chargé de la circonscription Vosges-Meuse.
  • Tribunal de Bernay, dans l’Eure. 13 juin 2000.
  • Gilles MALATERRE, Directeur du Laboratoire de psychologie de la conduite, Institut National de REcherche sur les Transports et leur Sécurité.
  • Emission Turbo, M6, 7 mai 2000, la violence au volant.
  • Esther LENERMAN, Londres, 10 Mai 2000.

Christiane CELLIER, présidente de la fondation Anne CELLIER, le 16 Mars 2000.

Toute personne, je me souviens, il y a eu une commission sur la vitesse avec Robert NAMIAS, de TF1... NAMIAS, il a le physique, grand gars, beau, et qu’on voit très bien conduire comme tant d’autres... Je ne sais pas comment il conduisait avant mais, à la fin, c’est cela qu’il était intéressant de l’avoir pris d’ailleurs, il était convaincu, vu qu’il y a telle et telle chose, c’est prouvé... Bon, ça ne se discute pas. Basta, basta la vitesse !

Les gens, c’est ça qui est très perturbant, c’est là où les constructeurs ont un rôle, et comme je suis fille d’ingénieur, je crois toujours aux ingénieurs. A l’heure actuelle, on nous demande des prodiges. On doit rouler à cent trente, moi j’ai une voiture, j’ai toujours aimé les voitures. Justement, on voit que je ne suis pas un ayatollah. En fait, à mon compteur j’ai deux cent cinquante kilomètres à l’heure. Il est certain qu’on doit donner cette sensation de reprise avec moins de puissance de champignon. C’est vrai que c’est agréable, moi j’aime bien ma voiture. Les gens disent ‘«’ ‘ on a de la reprise, c’est moins dangereux pour doubler ’ ‘»’. Je dis non, ce n’est pas pour ça que j’aime ma voiture. Quand vous avez de la reprise, vous n’hésitez pas à ralentir, en sachant que vous pouvez repartir, tandis que, moi je me suis fait attaquer par un type qui était derrière moi depuis un moment, là, je me dis il y a plein de gens, des enfants, je ralentis, je voyais le type... Je me disais : au fond, maintenant qu’on a aménagé les routes, que j’ai sa voiture où la mienne, finalement on ne va pas plus vite. Après, on arrive dans une grande montée, et au milieu de la montée il y a une grande intersection avec des plots et tout ça. Moi, je ralentis, je ralentis même beaucoup. Alors lui, il avait sa vitesse, furax il m’a doublée, puis il a été obligé quand même de se rabattre, nos rétroviseurs se sont touchés. En fait, lui il voulait garder sa vitesse. Il a fait des gestes, il m’a traité de tous les noms d’oiseaux dont on peut traiter une femme. Il s’est déchaîné, moi je suis restée très calme, c’est un peu mon problème, je reste trop calme. Je m’aperçois du danger de rester calme face à de la violence qui se déchaîne. Parce que si j’avais poussé des petits cris de femme, ou si j’avais été un homme, je serais descendue et on se serait battu. En fait, il est parti furieux !

Ce que vous faites, c’est bien, l’éducation, la sensibilisation... C’est pour ça que moi, bien que je ne sois pas pour la répression, je crois terriblement au contrôle, à la dissuasion.

Aux Etats Unis, moi j‘arrive, je n’ai pas le choix. Marcher ou pas marcher. Vous n’avez pas avantage à essayer de marcher quand il y a écrit « Don’t walk » sinon, à ce moment-là, toutes les voitures s’agglutinent dans tous les sens. Avec tous les indiens, les noirs, les taxis, vous allez dans n’importe quelle ville, pas New-York, par exemple San-Francisco, vous voyez une voiture devant vous, qu’est-ce que je fais, je m’arrête, et la voiture s’arrête me fait signe de passer. Si vous êtes en voiture et qu’il y a une intersection, en fait les deux voitures s’arrêtent, et ça c’est parce qu’ils sont très très contrôlés. Aux Etats Unis, j’ai conduit, la première heure, ça m’avait déjà coûté cinquante dollars, à l’époque. Vingt cinq dollars deux fois. Une fois parce que n’avais pas bien fait le calcul... en miles, c’était la vitesse, en petite française, je me suis fait arrêter, et une autre fois je n’avais pas vu qu’il était interdit de tourner. Comme il n’y avait strictement personne, j’ai fait mon demi-tour sur la route.

Ca, ça rentre dans la tête comme une impression d’injustice. Si vous ne faites pas assez de contrôle, pourquoi moi je me tape ça, alors qu’un tel se tape ça ! Mais, personnellement je crois au contrôle... En ce qui concerne les gros accidents, je ne crois pas à des mois ou des années de prison, je crois à un tout petit temps. Ce que les Anglais et les Américains appellent le « short », après il y a le « sharp ». « Short and sharp ». Le conducteur qui a envoyé Anne au trou définitivement, il aurait eu un « short, sharp, choc », où on lui aurait fait retirer sa cravate, déposé ses petites affaires, voilà, huit jours de réflexion... Je ne vois pas du tout, personnellement, dans le cadre de l’association des juridictions qui prononcent des sanctions, par exemple, deux ans de prison. J’ai le cas d’un père qui a tiré sur celui qui avait tué sa fille au volant d’une voiture alors qu’il avait bu. Lui a fait deux ans de prison alors que l’auteur de l’accident n’a strictement rien eu. Et ne me dites pas qu’il y a une justice. Parce que le type qui a causé l’accident, si ce n’était pas un notable, il aurait été fortement sanctionné, si ç’avait été un type sans job, sans argent, alors lui, il aurait fait des mois et des mois de prison. Parce qu’un type a de la dignité, sociale si je puis dire, on pense que c’est vraiment exceptionnel qu’il fasse ça, et on ne va pas le sanctionner.

Un type qui avait occasionné un accident l’été dernier, le juge a dit : ‘«’ ‘ c’est bien, il a appelé les secours avec son portable ’ ‘»’. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que la norme c’est le délit de fuite. Puis alors, il a avoué qu’il allait trop vite... Ils ont trouvé ça très chrétien, faute avouée, faute à moitié pardonnée. Et puis enfin on a dit que ses freins n’avaient pas bien fonctionné, donc c’est la voiture ce n’est plus lui... C’est assez extraordinaire !

Les juges trouvent aux gens beaucoup de circonstances atténuantes, d’explications... Tout simplement parce qu’ils peuvent s’imaginer, eux, délinquants à leur place.

Autrefois, l’absorption d’alcool était considéré comme une circonstance atténuante lors d’un accident. ‘«’ ‘ ce n’est pas de sa faute, il avait bu ! ’ ‘»’ Pourquoi ? Tout simplement parce que les juges pensaient que ça pouvait très bien leur arriver un jour. On a toujours un peu cette tendance aujourd’hui. Par contre c’est tout-à-fait d’actualité pour la vitesse ! Ce n’est pas de sa faute, il était pressé, c’est un cadre dynamique, il travaille ! C’est plus flagrant, en effet, pour la vitesse car l’alcool passe moins bien, et ça depuis Anne...

Je me demande si je vais continuer, si je vais m’user à travailler à la grande cause. Ca vaudrait la peine de continuer à le faire comme un esclandre, vous voyez ce que je veux dire.

En même temps, je ne veux pas attaquer un type comme GAYSSOT, c’est le seul qui a eu le courage de faire la loi contre la vitesse. Avant il n’y en avait pas.

Concernant la conduite accompagnée, à seize ans, je pense que la découverte de la voiture et de la circulation a été faite dans une période peut être plus favorable, par chez tous, mais enfin, c’est connu ça. L’explosion, à dix-huit ans, c’est la majorité, j’ai ma voiture, je sors le soir et je me découvre. La brutalité du passage, tandis que l’autre, il a conduit, pas tout le temps, mais pendant le week-end, ça j’y crois, et c’est une découverte... plus longue, plus lente, progressive. Je crois en effet, comme il n’y en a pas encore des masses, c’est un peu une chance d’avoir des parents qui nous conduisent. Je pense qu’il y a un côté très bon aussi, ça fait un petit recyclage des parents. Ça pour moi c’est extrêmement important. Parce que même si le père conduit sec, il n’a pas envie que son fils, quand il va conduire, se tue. On n’imagine même pas forcément se tue, moi vous voyez, on n’imagine jamais le malheur complet, moi, mon obsession c’était que mes enfants ne créent pas d’accident.

Ca, je crois que le père, ou la mère, quand elle travaille, dans Paris, c’est toujours du trapèze volant. Femme ou pas femme, dans Paris, on voit bien les gens... Je crois que ça a une action bénéfique sur les parents. Moi, j’ai un ami qui fait la conduite accompagnée avec son fils, il me le dit : ‘«’ ‘ Yann m’a fait changer de conduite ’ ‘»’. Moi, j’aurais tendance à souhaiter qu’on ne revienne pas là-dessus, parce que je crois que c’est une forme de sagesse dans l’accession au volant. Moi je connais des jeunes qui ont fait ça, ce sont des enfants admirables, ils donnent l’impression d’être posés et ils reconnaissent avoir eu un traitement privilégié, je les ai trouvés fiers, peut-être fiers parce que un peu plus conscients. Ce qui serait intéressant de savoir, c’est, est-ce que ça fait moins d’accident dans les quatre premières années, entre dix-huit et vingt-deux ans.

Je fais partie de l’Observatoire Interministériel de Sécurité Routière. On ne peut pas dire que nous soyons une puissance importante ou quelque chose comme ça, mais il y avait une étude sur les jeunes, et il y avait dix-sept pour cent déjà de jeunes dans les accidents. Et dans tous les milieux, pas forcément les défavorisés...

Moi, j’ai conduit très jeune, j’ai passé mon permis à dix-huit ans, on en vient à la formation du conducteur, c’est un moule... Voilà ! Le risque, jamais, on n’en parle jamais ! Je n’aime pas Monsieur BELTOISE, mais c’est vrai que faire des cours avec le risque, c’est quand même souhaitable.

Ce dont je me suis aperçu, c’est qu’il y a des tas de connaissances. On sait énormément de choses. L’INRETS a des montagnes de documents, mais ne communiquent pas. Que l’INRETS communique dans la presse... sous une forme... quel est le média qui va donner des choses qui sont pourtant parfaitement intéressantes. On ne raconte jamais un accident comme il faut, presque jamais. Je vous passerai tout-à-l’heure le bouquin que j’ai écrit. On m’avait demandé, parce qu’un journaliste était venu m’interviewer sur la capacité ou non des cadres à rebondir. Il m’avait conseillé d’écrire, mais moi je n’étais pas prête. A l’époque, j’étais shootée, après un accident les gens sont shootés, ils sont KO. Pour moi, il y a l’avant Anne, et l’après Anne.

La société d’une manière générale préfère la voiture. On accepte de sacrifier à la voiture un certain nombre de personnes. L’individualisme ça conduit à l’égoïsme. Vous n’avez qu’à voir, un Français a un lopin de terre, qu’est-ce qu’il fait ? Il met un mur pour commencer, ou des thuyas... Pour qu’on ne le voie pas. Donc la voiture représente pour lui un endroit, royaume personnel où les lois ne l’atteignent pas.

Je travaille quelquefois avec Monsieur PINAULT, je le connais bien. Une fois, je l’ai rencontré dans sa voiture, j’ai fait comme ça ! sur sa voiture, une pichenette, tout doucement. Il est sorti comme un fou. Ah ! c’est vous ? Lui qui a des milliards, enfin, des milliards de dettes, voilà ! Il ne faut pas toucher à sa voiture. Je veux dire, il faut être calme ! J’ai osé toucher à sa voiture !

Donc c’est un domaine où s’exprime l’individualisme français de façon sauvage. Et le français, pour lui, l’expression de sa liberté, c’est sa voiture... et la vitesse, alors qu’aux Etats-Unis l’expression de la liberté c’est d’avoir une grosse voiture.

Vous savez qu’aux Etats-Unis, vous roulez sur l’autoroute, vous êtes pépère quoi ! De temps en temps vous êtes doublé par une voiture brinquebalante, mais...

Le conducteur français est dans un espace où il pense que les lois ne le touchent pas.

Moi je pense que l’éducation peut faire quelque chose, et dans ce cadre je pense que le permis à points est une bonne mesure. J’ai un ami, il conduit comme un sauvage, avec un discours très agressif, il avait perdu presque tous ses points. Il avait décidé d’aller faire un stage, mais à contre cœur. Il disait, le cancre, je vais me mettre près du radiateur, et ils peuvent dire ce qu’ils veulent. Et lui quand il est revenu, il m’a dit : « c’est pas tout bête ». Chez lui ça a fonctionné. Est-ce que ça fonctionne encore ? Je n’en sais rien, mais il m’avait dit ça. Je pense qu’il ne faut pas l’abandonner ce permis à points.

Vous savez, moi, quand j’écrivais mon bouquin, j’étais en train de chercher un éditeur, je me disais : si un seul type lit mon livre et que ça agit sur son comportement, j’aurai gagné. En fait, je sais qu’il y en a... Les hommes le lisent bien... Les femmes, elles restent sur l’émotion.

Le premier qui m’a remercié d’avoir écrit le livre c’est le gardien kabyle de l’immeuble qui a perdu un enfant sur la route, il ne sait même pas qui l’a tué puisque le conducteur s’est sauvé.

Les autres, dans le livre, se sont ceux qui ont des certitudes. Ils vous disent : ‘«’ ‘ non, la vitesse, vous ne trouvez pas qu’ils exagèrent un petit peu ? Un type comme moi ! ’ ‘»’

Pour en revenir au problème, je crois qu’il ne faut pas lâcher l’éducation, la formation, mais je suis intimement persuadée que ça ne suffit pas. Je suis persuadée de la nécessité du contrôle et de la sanction. Pas une répression excessive, mais une présence, un contrôle... En plus de ça il n’y a pas de police de la route en France. Aux Etats Unis, si vous voulez, la police de la route elle n’est pas perçue de la même façon qu’ici parce que ce n’est pas la même police qui s’occupe des malfaiteurs. La police, je vais vous donner un exemple, elle a des voitures toutes allumées, donc ce n’est pas : « je me fais piéger », toutes allumées, et il y a écrit « Patrol », patrouille de l’état. On peut la doubler, moi j’ai doublé des voitures, elle imprime un rythme. Donc vous voyez, elle est préventive par sa présence, elle n’est pas que sanctionnante, et bien entendu c’est la même police qui, le jour où voiture ne va pas bien ou que vous avez un enfant qui n’est pas bien dans la voiture, va vous aider. C’est une perception de la police totalement différente. Il est clair que la police, vous comme moi, ça dépend comment elle me parle aussi la police. On monte très vite, moi je suis terriblement française. Une fois, j’ai eu honte d’être française, je crois que j’ai encore honte d’être française. A ce sujet, vous verrez, je crois qu’on est tout le temps en train d’esquiver la responsabilité. On dit tout le temps, ce sont les jeunes qui se tuent. C’est pas ça, ils sont tués par des quadragénaires ou des quinquagénaires, on le sait très bien. Les jeunes, ils aiment la nuit, ils se font tuer parce qu’ils n’ont pas forcément de voiture, ils sont sur des petites mobylettes, et les voitures, à fond la caisse, ils ne les voient même pas arriver. On dit aussi les vieux, on ne va quand même pas empêcher les gens de se déplacer. Néanmoins, la non-homogénéité des conducteurs est redoutable. Vous avez énormément de camions, des professionnels, ils sont là, avec leur masse, vous avez le type qui connaît cette autoroute et qui va à fond la caisse, et vous avez madame de soixante-cinq ans qui va faire ses courses à Paris II, et qui est terrifiée. On le sent qu’elle est terrifiée.

Ca, ce n’est pas la sensation qu’on a aux Etats-Unis. Le flot est homogène, c’est très agréable.

En France, ce n’est pas ça du tout. On ne va pas dire qu’il n’y aura sur les routes que les types qui ont entre vingt-deux et... On ne peut pas ! Moi, je n’aime pas, par exemple, dans le collectif, ils ont mis des gens pour les dix ans. Les gens disent : ah, mais pour mes petits. Je dis : « vos petits, on les prépare à être conscients des risques sur la route, même pour eux en traversant, c’est pas eux, ils ne vont pas conduire avant huit ans ». Nous, on est dans aujourd’hui ! On ne va pas se défausser en disant : « l’éducation c’est essentiel ». Et, après avoir dit ça, il va prendre sa voiture et il va aller à fond la caisse.

En attendant, sanctionnons, je ne dis pas envoyer en prison, mais sanctionner. Ceci dit, la prison c’est quand même, sur les gros accidents, ou même si le type est pris à deux cents à l’heure deux fois, qu’il fasse deux jours en prison, c’est très bien. Il n’en mourra pas, il aura la trouille...

Le type qui a tué Anne, il aurait fait de la prison, lui, il l’a mise dans la prison des brûlés, il l’a violée, puisqu’elle était belle comme un cœur, et qu’elle était totalement... Alors, quand on regarde les droits de l’homme... On parle des droits de l’homme, mais quand on regarde la route, je veux dire, l’intégrité... C’est effrayant.

Ils devraient faire attention, parce-qu’il y a plein de gens qui ne votent plus. Ils ne votent plus, ou bien il vote FN. Quand on a été victime d’une injustice, comme pour ainsi dire toutes les victimes de la route, quand on a été mal traité...

Personnellement, je pense qu’il faut maintenir les choses en place, il ne faut pas faire marche arrière, je ne pense pas forcément que ce soit suffisant.

Vous, dans votre domaine, continuez... Dans ces corps là, je pense qu’il y a le sens de la responsabilité, il ne faut pas lâcher. Il faut stopper les dérapages.

Moi, j’ai été contrôlée deux fois en une semaine. Enfin, contrôlée, non, j’ai vu les gendarmes deux fois, mais je veux dire : samedi après le déjeuner, à trois heures. Le gendarme m’a dit : ‘«’ ‘ non, non, vous êtes Madame CELLIER, je ne vais pas vous contrôler ! ’ ‘»’ Le samedi suivant, je me suis fait arrêter à six heures et quart, là, je n’avais pas bu, moi, je bois de la vodka le soir. Uniquement le soir, mais là, je ne conduis pas. Donc là, je n’avais pas bu de vodka, le gendarme n’a pas voulu me faire souffler non plus, il m’a dit :   « non, pas vous ».

Mon mari, l’autre jour, il s’est fait arrêter, il était avec des Américains. Il venait de déjeuner, il avait bu du rosé, mais ça n’a pas viré. Et il a... Ce qu’il a fait, c'est qu’il leur a dit : « Ecoutez, c’est bien gentil... mais pourquoi vous n’êtes pas sur la route, où les gens brûlent les feux... Bon, ben Monsieur... Test !

Bon, qu’on contrôle l’alcool, c’est bien, mais qu’on contrôle aussi la vitesse. Nous on prend souvent l’A14. Tous ces gens qui viennent vers la capitale, c’est effrayant.

Bon, je vais voir au plan national, je ne veux pas attaquer le Gouvernement, je veux attaquer l’ensemble. Je ne veux pas attaquer GAYSSOT... Il faudrait que CHEVÈNEMENT mette le paquet. On avait interviewé à « Argent Public » Martine AUBRY sur les trente-cinq heures. Soixante-cinq milliards ça va coûter cette histoire. Elle a dit qu’elle prendrait sur les taxes du tabac. Vous voyez qu’il faut fumer, et elle a pris l’argent de l’alcool, alors qu’il y a besoin d’équiper la gendarmerie en véritables éthylotests électroniques, pas souffler dans le ballon... C’est Mathusalem. C’est Mathusalem, et je dirai que ce n’est pas républicain, ça n’est pas très démocratique, parce que, passer ces ballons de l’un à l’autre.

Moi, quand on m’annonce que je suis contrôlée, ça ne me gêne jamais ! Moi, j’ai confiance en moi. J’ai peur du régulateur qui m’empêcherait d’accélérer pour me sortir d’une situation difficile. Vous avez des gens qui vous arrivent dessus, je veux dire, il faut partir ! Si à ce moment là on ne peut pas...

Faut-il brider le moteur des voitures ? Débat entre Geneviève JURGENSEN de la ligue contre la violence routière et Jean-Pierre BELTOISE ancien pilote automobile. 27 février 2000

Paul Amar. Le point de départ de ce débat c’est cet accident de jeune qui a fait quatre victimes et en a blessé dix-sept autres sur une route départementale, il roulait à plus de cent kilomètres à l’heure. Ce drame oblige à poser de nouveau la question sur la vitesse parfois meurtrière.

Bonjour Madame JURGENSEN, vous êtes porte-parole de la ligue contre la violence routière, vous êtes aussi co-fondatrice, c’est ça ? Jean-Pierre BELTOISE on vous connaît tous vous êtes ancien pilote automobile, et vous avez créé une école qui s’appelle « conduire juste ».

JPB. En fait c’est apprendre à bien conduire d’une façon responsable dans le but justement de diminuer les accidents.

PA. J’ai évoqué ce terrible accident d’hier, on a tout vu les images dans le journal de vingt heures d’hier, et on les reverra sans doute à treize heures et ce soir. Si le garçon roulait à plus de cent kilomètres à l’heure, peut-être même cent-vingt... les images nous les voyons maintenant... Vous militez depuis longtemps pour le bridage des voitures Madame JURGENSEN, si votre projet avait abouti par exemple, est-ce que cet accident terrible aurait pu être évité ?

GJ. Oui et non ! Non car cent à l’heure ce n’est évidemment pas la vitesse à laquelle nous souhaitons que les moteurs soient limités puisque on peut sur une autoroute rouler jusqu’à cent trente. Oui peut-être parce que ce que nous attendons de cette mesure qui est quand même une révolution industrielle c’est qu’elle change l’atmosphère générale sur tout le territoire français et européen.

PA. Alors, un mot d’explication. Bridage des voitures, vous demandez quoi précisément ?

GJ. Nous souhaitons que cesse ce paradoxe extraordinaire qui est que nous n’avons pas le droit où que ce soit de rouler plus de cent trente, or sur ma propre voiture qui est une voiture familiale très quelconque, j’ai vu en venant que le compteur indiquait deux cent quarante. Donc je voudrais savoir où on veut que j’aille avec une vitesse pareille, donc nous voulons, pour répondre à la question brièvement que l’industrie automobile soit conforme à la réglementation pour l’usage qui est fait de la voiture.

PA. Autrement dit, vous voudriez voir sur votre voiture : cent trente.

GJ. Il a été demandé une première fois officiellement en 1988, ça ne date pas d’hier, au premier ministre qui était à ce moment là Monsieur ROCARD (le livre blanc de la sécurité routière qu’il avait lui-même commandé), que les voitures soient limitées à cent soixante, donc je ne vois pas de raison de revenir sur ce qui a été demandé officiellement à ce moment-là.

PA. Alors je dois dire, et je vais vous donner la parole, Jean-Pierre BELTOISE, que vous avez perdu vos deux enfants dans un accident de la route, et donc on ne reviendra pas sur cet accident et sur cette douleur qu’est la votre, mais je dois dire aussi Jean-Pierre BELTOISE, vous qui êtes opposé au bridage des voitures, et vous direz pourquoi, que vous avez perdu votre première femme et un frère dans un accident de voiture. Voilà, pour ne pas alimenter justement ce débat avec des sujets aussi douloureux que ça, je tenais à le préciser d’entrée. Alors, vous êtes opposé au bridage, pourquoi ?

JPB. Déjà, point de départ, on a déjà un point commun tous les deux, c’est qu'on trouve que les accidents de la route pourraient être diminués fortement, doivent être diminué fortement, et donc, il faut faire le maximum de façon à réduire les accidents de la route dans l’avenir. Alors, personnellement et depuis très très longtemps, et justement à cause de ces accidents qui m’ont touché, étant donné que j’étais dans le métier, mon métier c’est de conduire... Si je pensais un seul moment.... que même la limitation de vitesse telle qu’elle est faite aujourd’hui... Le bridage des moteurs pouvaient apporter un bien sensible, c’est à dire réduire, on va dire trente à quarante pour cent ou cinquante pour cent, je voterais tout de suite. Malheureusement, je suis un spécialiste de la conduite, j’ai fait ça toute ma vie, donc j’ai eu le temps de réfléchir, on a ouvert une école qui rien que par l’information, la formation, les bonnes habitudes qu’on donne aux gens, et qui ne sont pas seulement, qui sont loin d’être de la technique de conduite, qui sont notamment le sens de la cohabitation dont on parlait tout-à-l’heure. Et je crois que tout-à-l’heure avec Agnès JAOUI, qui a fait un film qui est basé sur la tolérance, et la tolérance c’est peut-être le plus grand mot d’une bonne sécurité routière, il faut apprendre à être tolérant. Cet accident, c’est à un moment donné, un manque d’anticipation de cette voiture qu’on n’a peut-être pas retrouvée, du jeune qui n’a pas levé le pied suffisamment tôt. Donc bien sûr c’est la vitesse, mais c’est avant tout dans la tête ! Ce jeune qui s’est dit, qui ne pense même pas qu’il allait vers l’accident. Donc ce qu’il faut, c’est surtout déjà essayer de comprendre le sens du danger, et rouler d’une façon méfiante. Ca n’a presque plus rien à voir avec la vitesse.

GJ. Je n’ai pas d’animosité particulière contre Jean-Pierre BELTOISE, et il le sait, simplement, je voudrais qu’on cesse de penser le conducteur tel qu’il devrait être, et qu’on le pense tel qu’il est. Vous le savez comme moi, on délivre à peu près autant de permis de conduire chaque année qu’il y a de naissances. C’est-à-dire que tout le monde conduit, tout le monde a une machine à laver, tout le monde a un moulin à café. La voiture est un instrument d’usage quotidien, elle est loin de ne servir qu’à des gens qui sont en pleine forme, et donc il faut tout faire pour qu’elle ne puisse jamais être utilisée aux dépends des conséquences de l’utilisation. D’autre part, sur la vitesse, quoi que vous en disiez, je crois qu’il y a tout de même un consensus général. Si vous imaginez que vous allez confier vos enfants, n’importe lequel de nous trois, soit à quelqu’un qui va les emmener tranquillement à cent vingt-cent trente entre Paris et Nice, soit à un jeune homme qui vient d’acheter une magnifique voiture de deux cents chevaux, vous n’hésitez pas une seconde ! Les gens sont d’accord avec ça, et, pour ce qui est de les former, comment voulez-vous... Six ou sept cent mille permis de conduire par an ! Vous allez faire ça comment ? Ca va coûter combien ? Et pourquoi... Je vous pose une question : Puisque vous pensez que les voitures ne doivent pas être limitées à la construction, malgré la réglementation qui interdit de rouler au-delà de cent trente, pourquoi est-ce que vous êtes d’accord avec le fait qu’on bride le moteur des camions, des tracteurs, des tondeuses à gazon... Moi je voudrais bien une tondeuse à gazon qui irait à deux cent quarante à l’heure comme ma voiture !

JPB. Vous avez dit beaucoup de choses. Bien sûr on aurait toujours tendance à vouloir dire : je vais répondre à chaque fois. Déjà il faut dire qu’aujourd’hui la formation d’un conducteur automobile passe par l’auto-école et que c’est une formation beaucoup trop limitée. Puisqu’en fait, au bout de quelques heures de conduite, un jeune qui va passer son permis de conduire, il a surtout appris le Code de la Route, par coeur. Comme je dis toujours, on apprenait les dates de l’Histoire de France... Je veux dire, ça ne l’intéresse pas forcément, il ne comprend pas le sens, souvent des panneaux. En plus de ça, quand il sort de l’auto-école, bien sûr il ne sait pas conduire. Donc ce qu’il faut faire, c’est faire un petit peu comme ça existe en Angleterre depuis longtemps, c’est-à-dire qu’au bout d’un certain temps, on repasse déjà un contrôle de bonne conduite, quand on veut se libérer du signe distinctif qui est à l’arrière. Ce qui n’est pas le cas de la législation, je ne veux pas rentrer dans ce détail, mais là il y a une lacune qui est grave. Donc il s’agit de reprendre les gens... Qui va payer ? Eh bien, je vais vous dire, dans une formation comme celle que je fais dans mon centre «conduire juste», alors que la vie d’un conducteur va être de quarante ans, s’il y a deux fois moins d’accident, le prix de la formation est déjà payé après deux ou trois ans. C’est-à-dire qu’après il y a trente-cinq ans gratuits sur lesquels on gagne de l’argent, les assurances vont gagner de l’argent, tout le monde va gagner de l’argent.

PA. Geneviève JURGENSEN, vous demandez le bridage des voitures, est-ce que c’est un voeu pieux ? Où est-ce que vous avez une chance d’aboutir ?

GJ. Pas du tout ! Ce n’est pas du tout un voeu pieux.

PA. Le législateur est libre. Mais les constructeurs ont une certaine importance.

GJ. Je ne crois pas que les constructeurs y soient opposés. Ce n’est pas mon sentiment.

PA. Vous êtes sûre ? Quand on voit dans les journaux, aujourd’hui par exemple, de superbes photos de superbes bagnoles, au salon de Genève, qui roulent à trois cents à l’heure.

GJ. Ca veut dire quoi ? Si on vole le client avec ? Attendez, on vend des équipements dont ils n’ont pas le droit de se servir, donc on les vole. Tout simplement... Ca les constructeurs commencent à en être conscients, en tout cas en France. Par ailleurs, les politiques ne nous répondent pas, nous mettons donc à la Ligue Contre la Violence Routière à l’étude la possibilité de les poursuivre devant la Cour de Justice. Ce sont les ministres qui ont, année après année, malgré le Livre Blanc de la Sécurité Routière en 1988, continuer à homologuer des voitures dont ils connaissaient le danger, je crois qu’ils en connaissaient le danger.

PA. Sur quoi vous vous fondez. Par exemple, vous allez prendre un cas concret ?

GJ. Par exemple, ce mois-ci a été jugé à GAP un procès dans lequel était mis en cause un conducteur de PORSHE qui voulait montrer sa voiture à ses amis et qui a provoqué un accident très grave à deux cents à l’heure. Selon les occupants eux-mêmes du véhicule, sur une nationale, à un endroit où c’était limité à soixante-dix. C’est ce genre d’accident sur lequel bien sûr nous allons fonder notre plainte.

D’autre part, je voulais juste demander à Jean-Pierre BELTOISE, puisque vous ne souhaitez pas que les voitures soient limitées au-delà de cent soixante, prenons cette vitesse si vous voulez, où voulez-vous que les gens aillent, qui ont payé ces voitures fort cher, au-delà de cent trente. Pour faire quoi ? C’est juste une question.

JPB. Je suis d’accord sur un point, c’est que, effectivement, c’est tout-à-fait anormal que la limitation de vitesse soit maximum à cent trente à l’heure dans beaucoup de pays du monde, pas dans l’ensemble. Dans ce sens là je le regrette un petit peu d’ailleurs, je vais vous expliquer pourquoi. Il est anormal que ce soit limité à cent trente et que l’on vende des voitures qui vont jusqu’à deux cent cinquante à l’heure. Mais, il faut dire une chose, c’est que n’importe laquelle des petites voitures aujourd’hui fait cent cinquante kilomètres à l’heure. Les voitures les plus populaires font cent cinquante kilomètres à l’heure. Donc le gros problème c’est d’abord le débat : «Est-ce que vraiment la très grande vitesse est dangereuse?». Vous citez un cas avec la PORSCHE, d’accord, mais moi, quand je lis la presse tout-à-fait honnêtement, depuis dix ans, vingt ans, la presse à scandale, qui va titrer sur les accidents, ça va être comme ce qui s’est passé cette nuit, ce jeune qui part, par insouciance, par manque de... Je crois qu’il avait sa voiture depuis deux jours... Ou bien il l’essayait... Vous savez comment sont les jeunes, bon, il n’avait pas bu hein ! Il avait l’esprit ailleurs.

Il y a eu un autre accident cette nuit. C’est un autocar qui s’est renversé avec quelqu’un, j’en sais quelque chose, qui a eu une syncope au volant. Et quand on regarde tous les accidents, franchement, ce sont toujours des camions avec d’autres voitures, et la vitesse, je peux dire, la très grande vitesse est rarement en cause.

C’est pour ça que je dis que ce débat en fait n’est pas bon, et regardez par exemple, dans le dernier numéro d’Auto-Plus il y a eu un sondage sur le permis à points. On sait que ce sont les jeunes jusqu’à vingt-cinq ans qui font le plus d’accidents. On sait qu’après cinquante ans, c’est là qu’il y a une recrudescence des accidents. Entre les deux, c’est-à-dire vingt-cinq/cinquante ans, il y a le moins d’accidents, chez les hommes, d’ailleurs les femmes ont autant d’accidents que les hommes, et pourtant dans le cadre du permis à points ce sont les hommes qui sont extrêmement pénalisés par la perte du permis. Il y en a eu dix mille retirés cette année, alors qu’ils sont moins dangereux que les autres catégories qui ne sont pas soumises justement au retrait de points.

GJ. Moi, je suis perdue dans toutes ces informations. Je voudrais juste dire une information : ce sont les assureurs eux-mêmes, plus une voiture est puissante, plus elle est neuve, plus elle provoque de dommages corporels aux tierces personnes. C’est sur ce point de morale que je m’arrêterai.

PA. Et sur les délais, vous vous fixez des délais ?

GJ. Le plus vite possible, ça fait onze ans qu’on attend, on a demandé souvent, et maintenant vraiment on en a marre.

PA. Merci beaucoup Madame JURGENSEN et Jean-Pierre BELTOISE, vous vous êtes déplacés sur le plateau de BMA.

Dernière séquence de cette émission, séquence signée avec Agnès JAOUI.

AJ. La tolérance, d’accord, admettons oui. Et que du coup il fallait être tolérant vis-à-vis de la conduite à deux cents à l’heure par exemple, eh bien moi ce n’est pas du tout ce que je pense! Etre tolérant ça ne veut pas dire accepter n’importe quoi, et je trouve que c’est très bien qu’il y ait des lois. Donc ça c’est une chose importante que je voulais dire.

Madame Geneviève JURGENSEN, Présidente de la Ligue Contre la Violence Routière. Le 15 mars 2000.

Je ne crois pas qu’il y ait de règles différentes sur la route de celles qu’on a dans la vie. A cette différence près qu’un écart de conduite sur la route n’a pas les mêmes conséquences que l’écart de conduite dans la vie. Mais c’est vrai que sur la route, comme partout ailleurs, la règle c’est de ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse à nous-mêmes.

Sur la conduite accompagnée, je l’ai fait faire à ma fille, et mon fils qui vient d’avoir seize ans va s’y mettre aussi... J’ai pu constater avec ma fille, c’est vrai, ça en demande beaucoup aux parents, ça demande beaucoup de disponibilité, beaucoup de patience. Généralement quand on prend la voiture c’est parce-qu’on est un peu pressé.. On est là, passer le volant à son enfant... Donc on ira un peu plus lentement, nettement même, il ne connaît pas le trajet, il faut lui dire ceci, cela tout le temps, et on n’a pas le plaisir d’être passager, parce-qu’être passager, on se détend, on pense à autre chose... Donc on fait moniteur avec son propre enfant, et il faut en plus faire très attention à ne pas ramener à l’avant de la voiture les irritations qu’on a couramment dans la maison. Ce n’est pas le moment de critiquer tout le temps, si on lui apprend à conduire ce n’est pas pour le traiter de crétin tous les deux kilomètres. Donc ça demande un effort de pédagogie, des disponibilités, une volonté au fond que je pense que relativement peu de parents ont...

Donc au fond, la conduite accompagnée profite aux milieux les plus structurés et à des enfants qui étaient d’avance les moins à risques. C’est quand même très bien ! Je trouve ça formidable de penser qu’on lache son enfant sur la route alors qu’il a déjà trois mille kilomètres dans les jambes... Pour moi, c’est un repos de l’esprit, ça veut dire qu’à dix-huit ans, c’est ma fille qui emmène les autres, ce que je préfère mille fois, à savoir qu’elle est emmenée. Il y a des choses dont je suis archi-sûre, je sais qu’elle ne sera pas en excès de vitesse, qu’elle ne boira pas. Je le sais absolument ce que je ne peux savoir d’aucun de ses camarades. Donc la récompense est énorme, mais l’effort est très grand.

Maintenant, je dirais que le seul point de vue un peu original que je peux avoir sur la question de la citoyenneté, c’est que je trouve que l’on attend du conducteur seul qu’il soit citoyen, c’est-à-dire qu’on ne le contrôle pas, donc on lui demande, en l’absence de tout contrôle quasiment, d’être citoyen pour le plaisir de l’être. Ce qui n’est quand même pas donné à tout le monde. On lui demande, alors qu’il est souvent, non seulement pas contrôlé, mais anonyme dans la foule. L’autre jour je me suis fait vraiment menacer, alors que le feu était au rouge depuis longtemps... La voiture qui m’a menacée, en accélérant, j’étais piéton sur le passage clouté... C’était déjà la troisième qui passait au feu rouge, rouge de chez rouge comme disent les enfants, quand j’ai vu que c’était une femme, ce qu’elle osait faire, et aussi les risques qu’elle osait me faire courir, j’ai compris une chose que je n’avais jamais comprise avant, c’est que dans la voiture je ne pouvais pas voir son visage. C’est-à-dire qu’elle est dans l’ombre, j’ai pu distinguer des cheveux qui montraient que c’était une femme... Je me suis dis au fond les motards sous leur casque, les conducteurs dans leur voiture sont exactement comme quelqu’un qui rentre dans un ascenseur, où il est seul, il a envie de faire un graffiti obscène, qu’est-ce qui le retient ? Rien. Et il y a cette dimension en voiture ou à moto qu’il n’y a pas à vélo ou à pieds, et qu’il n’y a pas au bureau ni au restaurant, qui est que si on se met à se tenir comme un cochon, les gens ne savent pas qui vous êtes. Donc il y a à la fois l’anonymat et l’impunité. Donc l’anonymat on n’y peut rien... Mais je me disais en pensant à cette femme, il y aurait écrit en gros : Mme DURAND, elle ne pouvait pas le faire, elle ne pouvait pas se comporter comme ça.

Je me souviens un jour, c’était beaucoup moins dramatique, j’emmenais mes enfants à l’école à pieds, dans la cohue des voitures il y avait une grosse Volvo, avec cette espèce de beauf qui klaxonnait parce que ça n’avançait pas. J’ai regardé, et j’ai reconnu le père d’une amie de mes enfants, ce n’est pas contre moi qu’il klaxonnait, mais il se comportait comme un vrai plouc ! Ca ne servait à rien, ça faisait du bruit, il y avait des encombrements, on n’y peut rien. Quand nos regards se sont croisés, il a été pétrifié, parce qu’il ne se montrait pas sous le jour où je le connaissais.

Donc je pense que cette question de l’anonymat est centrale dans la citoyenneté, il y a donc anonymat, impunité. Il y autre chose qui n’a vraiment rien à voir mais que je trouve moi considérable, c’est que dans toute l’Europe, dans tout le monde industrialisé, on impose des limites de vitesse, et on met entre les mains des gens des instruments qui peuvent rouler deux fois plus vite que la limite supérieure. Alors, quelle est la tentation à laquelle on soumet le conducteur, pourquoi le fait-on ? Je ne crois pas qu’il y ait d’autre domaine industriel où la politique soit aussi incohérente, et je trouve que on est en Europe dans la situation où sont les Etats-Unis avec les armes à feu. Bien sûr, aucun Président des Etats-Unis ne veut qu’on s’entretue dans les collèges avec des armes de guerre, mais ils laissent l’accès à ça. Chez nous, personne ne veut qu’il y ait huit mille deux cents morts par an, mais on laisse l’accès libre et le libre arbitre, alors que tout le monde conduit. C’est-à-dire que si la conduite était réservée à une élite particulièrement éduquée, contrôlée par des psychologues de la conduite, bon, on verrait !

Mais, on délivre autant de permis de conduire chaque année qu’il y a de naissances, c’est-à-dire que tout le monde conduit. Je pense que si on attend que le citoyen moyen, y compris les pires, y compris les meilleurs, se comporte parfaitement, on rêve complètement.

En faisant référence au débat avec Paul AMAR, c’est vrai que Jean-Pierre BELTOISE pense que huit cent mille personnes chaque année peuvent être au sommet de leur forme, ça n’a pas de sens ! Un jour, ils seront fatigués, distraits, ils auront eu un conflit avec leur petit ami, et puis etc... Je ne vois pas quel est l’argument rationnel ! J’entends, l’argument émotionnel, affectif, on les a tous entendus, mais l’argument rationnel qui dise on ne peut nulle part conduire à plus de cent trente, mais il est normal que toutes les voitures aillent à deux cents, deux cent quarante, si ce n’est plus... Je ne vois pas !

AS. Comment définiriez-vous un conducteur ouvert aux autres, comment doit-il se comporter au volant ? Si on avait quelques indicateurs ?

Tout moins que ce qu’il voudrait. Moins vite que ce qu’il voudrait, moins bien nourri que ce qu’il voudrait, moins endormi, mieux attaché et mieux casqué. On voudrait tous... Qui a envie de s’attacher, qui a envie de mettre un casque ? Personne. Tout va dans le sens de la contrainte, car derrière cette contrainte, il y a une liberté plus grande. Ils sont sûrs qu’ils s’embêtent à s’attacher, à rouler lentement, et à ne pas boire, alors qu’ils ne sont pas sûrs qu’ils auront un accident s’ils ne font pas tout cela. Il y a dans l’appréciation du risque quelque chose d’extrêmement irrationnel. Le risque absolument mineur mais certain, ils y croient, forcément, ils s’ennuient à s’attacher, ils s’ennuient à rouler lentement, mais le risque lointain mais terrible... Pour rouler comme moi je roule, il faut avoir une motivation en béton. Et donc elle est double cette motivation, la première c’est évidemment ne pas revivre ce que j’ai vécu il y a vingt ans, ça c’est sûr, mais il y a aussi ne pas avoir l’humiliation, en tant que fondatrice d’une association, de me faire pincer en tort. Des motivations différentes, mais elles sont très très fortes l’une et l’autre.

Je vous assure, quand je me gare, l’arrière de la voiture sur les passages piétons, dans le quartier où tout le monde me connaît, où tout le monde sait la cause que je défends, je ne suis pas fière !

AS. L’éducation, la formation, la sensibilisation, les limites...

Il faut bien reconnaître que tous les pays qui font mieux que nous ont une répression bien plus grande. Il faut savoir ce qu’on veut, pour le moment, en l’absence de vraies pressions du public, je doute que les autorités aient un vrai désir d’améliorer la sécurité routière autre qu’incantatoire. Je pense qu’autrement ils y mettraient les moyens qui ne sont quand même pas... Si les moyens sont à la portée des Anglais, ils sont à notre portée. Les Anglais ne sont pas ruinés par la police qu’ils mettent sur la route.

Au contraire, je pense qu’ils font des économies globalement énormes. J’étais intéressée à écouter récemment, il y a un atlas de la santé qui est sorti. La personne qui avait effectué les travaux disait sur Europe 1 que, jusqu’à soixante-cinq ans, il n’y a pas de problème de santé spécifique chez les gens, mais que si on supprimait le tabac, l’alcool, les accidents de la route, il n’y aurait aucun problème de lits dans les hôpitaux.

Donc, je veux dire ça c’est quand même un défi intéressant ! On est là, on pleurniche parce qu'effectivement les hôpitaux sont au complet, etc... Il y a un effort de prévention, on n’a qu’à y gagner. On y gagne individuellement, on y gagne en santé, en avenir, en activités, en absence de souffrance, en absence de douleur de deuil, en pognon, et ça n’excite pas les gens. Ce qui les excite c’est d’avoir plus de tout, plus de médecin, plus de plus... pour être malade, blessé, cancéreux et... ruiné ! C’est les raisons de ce dur combat !

Moi, je ne baisse pas les bras, Claude GOT, qui est quand même essentiel, non plus.

Dire que la formation, pour ce que j’en ai vu à travers ma fille, en tous cas, la formation à la conduite, je la trouve très bonne. Je trouve qu’on lui a demandé beaucoup. Que l’exigence pour le code est énorme, et elle a eu un moniteur qui était extrêmement attentif. Evidemment qu’elle était débutante quand on l’a lâchée, mais si on supprimait les débutants, il n’y aura jamais de confirmés non plus. Je trouve que c’est une tarte à la crème d’aller dire que la formation n’est pas bonne du tout. Je la trouve, pour ce que j’en ai vu, vraiment bien meilleure que celle qu’il y avait à mon époque en tout cas. Je n’ai pas l’impression que là-dessus on baisse les bras, alors qu’il y ait des problèmes chez les auto-écoles, qu’il y ait de méchants, il y en a dans toutes les professions, simplement, ce n’est pas le sentiment que j’ai globalement.

Je pense qu’effectivement la gendarmerie a de quoi baisser les bras. Ils doivent en avoir archi marre de ramasser les malheureuses personnes détruites sur le bord de la route pour rien, de voir la mauvaise presse qu’ils ont à chaque fois qu’ils mettent un radar pour notre bien. Là je pense qu’on lasse les bonnes volontés, effectivement. De voir les PV qui sautent... A quoi bon arrêter quelqu’un pour ne se faire que des ennemis dans un secteur où ils ont besoin d’être bien intégrés les gendarmes parce qu’ils ont d’autres choses à faire. Ils mettent des PV, ensuite les PV sautent... Quand ça arrive au tribunal, il y a des jugements qui sont pires que symboliques... Je pense que les gendarmes en effet sont... usés.

Ma fille a fondé il y a trois ans une association pour les jeunes. Avec ses jeunes militants, qui ont entre douze et vingt-cinq ans, elle s’arrange avec des boîtes de nuit dans un département, elle cherche des fonds, toujours des fonds privés, elle n’a jamais reçu d’argent public encore. La nuit qu’ils ont décidée, le samedi soir, ils se postent à l’entrée de la boîte de nuit. L’accord c’est que l’entrée est gratuite pour les conducteurs qui confient leurs clés de voiture ; à la sortie, les conducteurs soufflent dans le ballon, et si le test est négatif ils reprennent leurs clés, mais si le test est positif, avec l’aide du patron de la boîte de nuit, ils sont priés d’attendre une heure ou deux ! La première fois qu’ils ont fait ça dans le Gard... Eux les jeunes leur bonheur c’est d’avoir plein de clés, évidemment... Ils comptent au pourcentage de clés. Et il y a toujours une compétition car ils font ça dans quatre boîtes en même temps, alors ils se téléphonent pour savoir combien, etc... La première fois qu’ils l’ont fait, ils ont été surpris du bon accueil. Ils pensaient que dans le Gard, les petits parisiens pour la plupart, ils se disaient on va se faire moucher parce qu’on n’est pas du cru. C’est sur qu’il parle du bon accueil mais ce qui leur a fait plaisir, c’est la troisième fois qu’ils descendent dans le Gard, maintenant ils sont connus, les jeunes arrivent et disent « tiens vous êtes là, c’est génial, etc... ». Il y a aussi, si on savait y faire, moyen de toucher ces jeunes-là, dans un département viticole, qui viennent généralement... Ceux qui ne confient pas leurs clés, c’est qu’ils arrivent déjà ivres-mort, puisqu’ils entrent en boîte à onze heures du soir, ils ont déjà fait la tournée des bars avant. On n’a pas l’impression d’une nation d’irréductibles. On a l’impression d’une nation laissée à elle-même, sur ce plan là.

C’est sympa, ils ont des petits tee-shirt, c’est marqué « une nuit pour la vie », puis derrière il y a marqué « la route des jeunes ». En tant que mère de famille ce n’est pas marrant, car ensuite, eux ils attendent jusque six heures du matin, les derniers clients qui s’en vont, et ils reprennent la route au pire moment. A six heures du matin, fatigués, avec tous les gens ivres qui rentrent chez eux aussi. Quand ils sont tous rentrés, on est soulagé. Surtout qu’ils font de la route, ils sont à trente kilomètres de Nîmes. Là, ils vont le faire à Angers, à Rennes, ils l’ont fait il y a deux ou trois ans en Haute-Savoie. Les premières fois qu’ils le font ils ont toute la presse locale qui se déchaîne avec eux, ce qui fait que ça a quand même une ampleur. C’est très très sympa, mais c’est un travail de fourmis. Pourquoi ce sont eux, qui sont étudiants, qui ont autre chose à faire, qui font ça ?

Le lien que je voulais faire, ce sont les gendarmes. Ce que la gendarmerie a pu les accueillir à bras ouverts, c’est inimaginable ! Ils ont été adorables avec eux. Ils leur ont trouvé des alcotests, en grand nombre, parce qu’ils n’avaient pas le fric pour s’en équiper. Ils leur ont livrés, ils leur ont dit « vous voulez qu’on vienne », alors les gosses ont dit « surtout pas, car... ». « Alors écoutez, on va patrouiller ailleurs, mais vous nous appelez s’il y a un problème ». On sentait qu’ils avaient besoin qu’on leur tende la main, ils ne pouvaient pas faire ça tout seuls dans la haine du public, avec tout le lobby de «Auto-Plus», et tout ces gros crétins, il faut bien le dire, qui n’arrêtent pas. L’époque de Bernard PONS, je ne dis pas ça sur le plan d’affinités politiques, mais c’est vrai que ça a été désastreux ! Ca a vraiment fait reculer les choses. Bernard PONS avait pris le parti... des conducteurs de BMW, en gros ! Non seulement on a perdu deux ans, mais c’est pire que ça ! D’abord, le nombre de morts a augmenté, ce qui est déjà le premier signe, mais... Il a cassé un élan. Malgré tout, ses prédécesseurs de droite ou de gauche depuis 1973, il y avait l’impression qu’il fallait y arriver, il y avait une continuité là-dedans avec plus ou moins d’efficacité, mais, un esprit ! Là, il a fait des choses dramatiques, par exemple il a mis à la Direction de la Sécurité Routière un fonctionnaire qui était de très petit niveau, en comparaison de ces prédécesseurs. Et donc les fonctionnaires de la Sécurité Routière se sont sentis humiliés d’avoir Monsieur BODON, un type qui n’avait pas brillé du tout en Nouvelle-Calédonie !

Ces fonctionnaires là, qui sont très militants eux-mêmes, se sont dit : ‘«’ ‘ maintenant on a ce préfet aux petits-pieds ’ ‘»’, et ensuite la conséquence de ça c’est que ça a laissé une trace cette idée que la DSCR pouvait être dirigée par un fonctionnaire de moyenne ampleur, car ils ont mis Madame MASSIN, qui elle-même, n’est pas méchante, mais franchement, elle n’est pas du tout à la hauteur, du tout !

Auparavant, il y avait toujours eu des gens qui avaient les épaules drôlement larges. Donc si vous voulez, ce sont des dommages durables qui sont faits, ce n’est pas seulement une mauvaise passe. Ca laisse des traces. Ca donne de mauvaises habitudes.

Je ne sais pas. Je trouve normal qu’à dix-huit ans on ne croit absolument pas qu’on va faire du mal à qui que ce soit, ni à soi-même. A partir du moment où vous avez cette réalité très très dure, et très naturelle en même temps, je ne vois pas d’autre moyen possible que de ne pas mettre entre leurs mains des instruments avec lesquels ils peuvent éventuellement d’une part, et d’autre part les encadrer avec une répression. Le prix est trop coûteux. Trouver un jeune motard de dix-neuf ans tétraplégique pour toujours, ça ne m’intéresse absolument pas. C’est intéressant quand on voit un reportage à la télé, sur ces jeunes-là, filmés à Garche ou ailleurs, ils ont des photos de leur moto partout dans leur chambre. Immobiles complètement, avec ces merveilleux souvenirs, et aucune rancune, aucun retour sur soi. Il n’y en a pas un qui dit :  ‘«’ ‘ Je dis à mes camarades : Arrêtez, ne faites pas ça, vous serez comme moi ’ ‘»’. Sans parler de ceux qui ont envoyé leurs copains...

Je pense que dans les pays où ça marche bien on observe que la chaîne est complète. C’est-à-dire qu’il y a une éducation correcte, il y a des contrôles, et il y a une répression. Dans l’éducation il y a ce que vous faites, et puis il y a la publicité, les contrôles on voit ce que c’est, la répression aussi. Si vous enlevez un des trois maillons, les deux autres ne servent à rien. Donc, je ne pense pas que les instructeurs doivent se mortifier sans arrêt en disant «qu’est-ce qu’on peut faire de plus ?». Je dirai ‘«’ ‘ qu’ils fassent leur boulot, et que les autres fassent le leur ’ ‘»’, simplement, moi je suis éditeur, je peux corriger un manuscrit, mais si personne ne me l’imprime, je suis fichue... L’imprimeur, s’il n’a rien à imprimer, il est fichu aussi. C’est là comme dans la vie, on ne peut pas tout faire. On ne tient pas toute la chaîne, elle est faite de maillons, et chez nous, à mon avis, l’éducation est faite... La publicité non, il y a très très peu de budget, un tout petit budget pour ça. Les contrôles n’y sont pas, et la répression n’y est pas, et c’est pire que ça, il n’y a non seulement pas de répression, mais il y a des passe-droits, partout...

Quand on est parent, et qu’on a toute la chaîne à soi-même, on sait bien qu’on n’aime pas réprimer, mais qu’il y a un moment où il faut arrêter de raconter des histoires, et dire « si tu ne fais pas ça... ». Si ça ne tombe jamais, il ne faut pas s’étonner non plus. Donc ce n’est pas un rôle agréable, je ne vois quel est le parent qui aime punir. Je ne crois pas que mes enfants m’en veuillent quand ils savent exactement pourquoi ils ont été punis, et que ça a été bien dit à l’avance.

Il n’y a que pour ces huit mille deux cents morts-là qu’on se pose tant de questions. Regardez la listériose, combien de temps ils nous ont emm... Avec ça, ils ont ruiné une entreprise, ils ont mis cinquante personnes à pied, parce que soi-disant il y avait de la listériose là, en fait elle n’y était pas, ça leur est égal.

On nous dit l’Europe, par exemple, quand il s’agit de la vache folle, on s’asseoit dessus, l’Europe. Donc, il n’y a que ces morts là... C’est vraiment très mystérieux !

Il faut croire que le plaisir de conduire est si grand, les habitudes si anciennes...

Le délit de très grand excès de vitesse a été tellement amendé qu’il ne sert à rien... Récidive dans l’année, ça ne sert absolument à rien ! Se faire pincer deux fois dans l’année, avec une telle vitesse en plus, il faut prévenir les gendarmes ‘«’ ‘ attention, je m’en vais à telle heure, et je vais rouler à deux cents à l’heure ’ ‘»’. Ca n’a aucun sens.

La conduite accompagnée, je trouve que c’est très tributaire de l’état dans lequel je suis, moi. Si je me suis laissée forcer le volant par exemple, si j’avais envie de prendre le volant, ma fille me dit « Ah, maman...  », ça va se passer probablement assez mal. A l’inverse, si on s’est mises d’accord toutes les deux et qu’on se dit «‘ça va être chic, elle n’a que seize ans, je suis fière, elle est au volant ’ ‘»’, à ce moment-là je peux être parfaite. Autant quand je me suis laissée forcer le volant je suis là «gr...», autant quand c’est bien, elle est en confiance, moi je sais qu’on ne risque pas grand chose, à la vitesse où elle va. Ce que je me reproche, puisque maintenant elle a son permis, c’est de ne pas avoir préparé les trajets avec elle avant. Au fond ça m’a vite énervée de voir que Mademoiselle se met au volant et ensuite attend que je fasse tout le boulot barbant qui est de dire « il y a une bifurcation à tel endroit », pour aller à la campagne quand on ne sait pas exactement le chemin... C’est un peu facile ! C’est très agréable de conduire, le seul aspect un peu fastidieux c’est de préparer son trajet justement. Alors elle m’avait comme navigateur, et là je trouve que j’aurais dû... Je n’ai pas été très pédagogique sur ce plan-là. Tu veux conduire, alors prépare ton parcours.

Et puis, il y a des moments un peu décourageants, quand, par exemple, il y avait quelque chose qu’elle n’arrivait pas à faire, quand elle a raté un embranchement, il y a un moment où il faut trouver un endroit pour faire demi-tour. On ne pouvait pas partir à l’aventure comme ça. Elle m’a fait faire des kilomètres, comment je fais pour faire demi-tour... je ne peux pas, je ne peux pas... et qu’on est quand même à soixante kilomètres à l’heure sur une route départementale, et qu’il y avait un endroit où on pouvait, Ah ben c’est raté. Il arrive un moment où je me dis, on y arrivera jamais, j’en ai marre. Je me suis rendue compte en la voyant conduire, ça demande beaucoup de maturité, de se dire, tiens j’ai loupé l’embranchement, il faut que je cherche tranquillement un endroit où je vais pouvoir reculer et tourner, où c’est autorisé, où c’est faisable, et qu’on ne peut pas... mais c’est peut-être elle qui était comme ça. Mais je me demandais jusqu’où elle allait m’emmener. Ca c’était des moments d’énervement, je lui disais : «‘mais, enfin arrête-toi, tu as bien vu ! ’». Il y a un moment, on ne comprend pas ce qui se passe. On s’énerve soi-même.

Il y autre chose, je ne sais pas si d’autres parents vous en parlent, il y autre chose que moi je n’ai pas aimé du tout, qui est plus subtil, qui est que... nous on est une famille de quatre personnes, quand c’était mon mari qui faisait la conduite accompagnée avec notre fille, moi j’étais derrière avec le petit... Je les voyais trôner devant, bavarder et tout, et moi j’étais reléguée derrière avec le petit et je me disais ce n'est pas ma place, ma place elle est devant. Et donc il y avait un côté peut-être même de jalousie un peu, de rivalité, et mon mari était très content de bavarder devant avec sa fille, il est fier de sa fille et je le comprends. Je lui ai dit ‘«’ ‘Tu verras quand ce sera lui, le garçon, qui fera la conduite accompagnée, que tu seras derrière pendant que tu seras devant à faire avec mon fils, et tout... ’ ‘»’ Tu verras, tu n’aimeras pas ça ! ». Je trouvais que tant qu’on était deux, mon fils et moi, ou mon mari avec sa fille, très bien, mais quand on est en famille, et que l’un des deux parents doit s’emm... derrière, il n’y a pas d’autre mot, il se demande un peu ce qu’il fait là. On se traîne, on n’aime pas le trajet qu’ils prennent. On est jaloux, tout simplement. Une fois, j’ai dit à Elvire parce-qu’elle voulait prendre le volant, parce qu’elle insiste, avec la complicité de son père, mais sur un long trajet comme ça, en rentrant du Mans... En sortant de là, j’étais d’une humeur de chien, et je lui ai dit « écoute, moi, jusqu’à tant que je quitte mes parents, j’étais à l’arrière. Et maintenant, je ne veux plus y être, c’est tout ! Donc, quand on était quatre, je le prenais assez mal... Et même maintenant qu’elle a son permis, quand elle dit « allez, c’est moi qui conduit », elle n’a plus besoin de conduite accompagnée, et je dis à mon mari ‘«’ ‘ c’est très bien, tu la laisses faire, c’est toi qui monte derrière ’ ‘»’. Je ne sais pas si les autres parents le ressentent comme ça. Mais moi je l’ai ressenti parfois assez fortement. Comme si elle prenait ma place auprès de mon mari. Ma place d’adulte, d’une part devant, mais aussi ma place d’épouse.

En plus, si on le fait bien, je trouve que c’est un moment de réconciliation. C’est un moment où on honore son enfant en lui confiant la voiture, qui est quand même précieuse, on a du temps, on peut rétablir un dialogue rompu... Par exemple mon fils, qui vient juste d’avoir seize ans, il vient de s’inscrire, il n’a pas encore commencé la première leçon, j’ai appris qu’il fallait qu’il se fasse recenser avant... Première dispute, non, je n’ai pas le temps de me faire recenser... Je lui dis : ‘«’ ‘ Ecoute, tu permets, on a eu le temps d’aller faire le chèque, tu vas trouver le temps d’aller te faire recenser ’ ‘»’ ‘.’ Première source de conflit. Il a de vrais problèmes scolaires, je me réjouis de penser qu’il va pourra être mis en valeur car il conduira très bien, ça peut être quelque chose d’un peu réconciliateur , et un peu guérisseur dans une famille, de penser qu’un enfant qui échoue dans certains domaines va pouvoir réussir là... En tous cas, c’est bon pour nous.

Sur la mécanique, je trouve que c’est l’unique vraie lacune de la formation. Qu’on ne leur dise pas où est l’huile, comment on change une roue... Elle n’a jamais soulevé un capot, ma fille. Elle tombe en panne sur le bord de la route, ce n’est pas la peine, elle fait SOS... qui vous voulez, mais elle ne sait rien faire. Je trouve que c’est très très dommage, car même moi, en tant que femme, je n’en sais pas assez. En plus, les femmes, ce sont elles qui ont les gosses dans la voiture, qui les ramènent de vacances, etc... Elles sont vraiment exposées à être dans des situations délicates dont elles pourraient se tirer très bien si elles avaient deux ou trois connaissances de base. C’est au programme, mais si ça a été fait ça a du être fait en vidéo, pas de travaux pratiques. En tous cas elle ne l’a pas fait elle-même, elle n’a pas mis les mains dedans. Je trouve dommage parce qu’en plus c’est très angoissant d’être sur le bord de la route avec une voiture qui ne marche plus. Là aussi, c’est un moment où on peut faire des bêtises, s’aventurer sur une route à pied, ou... Si on ne se dit pas « je peux m’en sortir » c’est moche.

Ca n’a pas de rapport avec notre sujet, mais au tour de France il y a régulièrement des photographes qui se mettent au milieu et qui font tomber tout le peloton. Les gens disent «mais quelle andouille, etc... ». D’une part, ils vont très vite, et on ne s’en rend pas compte, d’autre part, dans un objectif on ne voit pas les distances, ils ne voient pas que les gens sont sur eux. Je pense que dans toutes ces histoires de voitures, on est habitué à une vitesse de ville car on la vie comme piéton fréquemment, et entre cinquante à l’heure et cent trente, on ne se rend absolument pas compte.

C’est moi qui vous remercie de pousser la roue dans le même sens que nous.

Monsieur Patrick CHEVILLOT, Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, Direction de la Sécurité et de la Circulation Routières, Sous-Direction de la Formation du Conducteur, Chef du Bureau de la Pédagogie de la Conduite Automobile, le 14 mars 2000.

Ce dont on parle c’est des formations post-permis dites labellisées Sécurité Routière, c’est une volonté du Comité Interministériel de Sécurité Routière du 22 novembre 1997 réaffirmées ensuite le 1er avril 1999, et pour lesquelles le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre les décisions du CISR qui consistent à proposer partout où c’est possible deux choses : la mise en place de stages de sensibilisation destinés aux conducteurs novices (un an de permis) et l’expérimentation de stages destinés aux conducteurs de plus de dix ans de permis. Ca c’est la lettre du CISR de 1997. Mais, toute l’année 1998, le Bureau de la Pédagogie a travaillé pour mettre en place le cahier des charges de ces deux propositions.

Pour ce faire, le Bureau a auditionné la plupart des familles idéologiques de formateurs qui existent dans le pays. Alors on a auditionné des Associations de formateurs, type ANPER, une entreprise comme l’ECF, qui on le sait a des structures pour faire ce genre de choses, les CER -Centre d’Education Routière Association-, des enseignants de base, Jean-Pierre BELTOISE évolution (conduire juste), la FASA -Formation Active à la Sécurité Routière-, et CENTAURE. Donc on avait un panel a peu près complet des grandes familles de formateurs, soit formation de conducteurs classique, soit formation de conducteurs post-permis, plus, bien entendu, les gens qui fonctionnent dans la formation permis à points avec des psychologues et des formateurs. On a d’abord fait des audits, et ensuite un groupe de travail spécialisé avec des BAFM et des psychologues pour essayer de définir un cahier des charges vraisemblable à partir des différents éléments en notre possession.

Pour que ça rentre dans l’objectif, l’objectif c’est une journée, c’est un action de masse, une journée de sensibilisation à la sécurité routière. Le résultat des courses, on l’a soumis, une première fois, en juin 1998, à l’approbation cette fois-ci des mêmes familles, mais aussi des syndicats représentatifs, à quelques assureurs, notamment des mutuelles qui sont déjà engagées dans cette politique là, donc une politique favorable à la formation. On a eu un accord sur le pratique d’une journée de six heures de sensibilisation minimum, scindée d’une part en un audit de conduite, et d’autre part une séance en groupe de sensibilisation. La caractéristique de l’audit de conduite c’est qu’il est aussi en groupe, et qu’il est fondé sur le principe de l’auto-évaluation, puis de l’évaluation sous contrôle d’un formateur spécialement formé, et de l’ensemble des participants. C’est-à-dire que chacun... L’objet de l’audit est moins que la façon de conduire, c’est de la façon dont les gens perçoivent les dangers. C’est le noyau dur du cahier des charges.

Il n’y a pas de différence fondamentale dans la structure, entre le rendez-vous d’évaluation pour les jeunes conducteurs et un rendez-vous de perfectionnement pour les conducteurs plus expérimentés. Il n’y a pas de différences de structures, on n’en a pas trouvé, simplement il y a des différences de contenus et de ton. Certainement, on ne s’adresse pas de la même façon... C’est une formation modulaire, mais qui a la même structure. Du coup, l’idée de scinder en deux l’expérimentation... Dire partout où c’est possible on fera des stages pour les jeunes, et une expérience spécifique pour les expérimentés, ça ne tient pas !

La deuxième étape, à partir de juin 1998, on a mis en place une réflexion sur la formation des formateurs. On est arrivé à un consensus assez simple de l’ensemble des formateurs, de toutes ces organisations, ce qui n’est pas un mince exploit. Là on a fait un travail de négociation mais aussi, sans faire trop de concession, la concession qu’on a faite c’est sur la durée. On avait prévu une formation complémentaire de trois semaines, et la profession, dans son ensemble, s’y est refusée en expliquant qu’elle n’avait pas les moyens d’autofinancer ce type de stage, sauf à ce que l’Etat rende obligatoire dans la société le suivi d’un tel stage. Au cours de cette mise au point, il n’y a pas eu par contre de proposition différente de celle qu’on avait faite sur les contenus. On s’est centré essentiellement sur les techniques d’animation et sur la connaissance de l’insécurité routière. Ce sont les deux principales lacunes de la formation de base des moniteurs. La question était de savoir s’il y aurait un lieu unique de formation. L’ENSERR avait proposé que ce soit à NEVERS, ça n’a pas été accepte. En fait, en réalité, au bout d’un an d’expérimentation, on a l’impression qu’il y a trois ou quatre groupes qui se sont structurés pour répondre à la demande. L’ANPER a formé environ cinq cents formateurs à l’heure actuelle, l’ECF sans doute une centaine, l’EFCASER a formé quelques personnes, et quelques CFM déjà engagés, qui font aussi dans le permis à points. Quelqu’un comme BOURIETTE dans les Hautes-Pyrénées, en fait, là où s’est tissé un partenariat particulier, a formé une soixante de personne dans le secteur Sud-Ouest, grâce à un partenariat avec les AGF. Il a su se vendre aux AGF pour faire ça, et de très bonne qualité semble-t-il.

La troisième étape du processus qu’on a suivi est de trouver des préfectures d’accueil. Il y a une trentaine de préfectures qui, sans trop savoir ce qu’elles achetaient se sont portées volontaires. On peut dire que là il y a une quinzaine de préfectures qui fonctionnent. Il y a environ quatre mille jeunes qui sont passés en stage. Je dis environ car la difficulté qu’on a c’est la remontée d’informations de la part des préfectures. L’opération n’a en fait réellement débuté qu’en septembre 1999. Il a fallu faire un gros travail d’information qui est loin d’être terminé. Il y a encore les trois/quarts des préfectures qui ne se sentent pas encore vraiment concernés par ces opérations. La labellisation est en principe délivrée pour un an, mais en réalité maintenant on en est à dire : c’est délivrée pour une période à laquelle l’Administration mettra fin. Ce n’est pas si clair que ça, la semaine nous avons eu une réunion où étaient présents les trois composantes de l’expérience, c’est-à-dire l’administration locale, les assureurs nationaux ou locaux, et les formateurs, ça a été un échange très très riche, on va faire un compte-rendu, un synthèse, car on voit qu’il y a différentes solutions possibles du point de vue de la prise en compte du dossier (il y en a qui sont très bonnes, et d’autres très autoritaires, très normatives, d’autres au contraire où il y a une certaine créativité qui se met en place). Au plan des solutions adoptées, l’évaluation qui se met en place nous informera, je te passerai le plan d’évaluation... On loge les actions pour déjà constituer une base de données, à partir de données officielles, c’est-à-dire remontées par l’administration locale, qui permet d’identifier chaque intervenant, à la fois les sponsors, que j’appelle les prescripteurs, qui sont en général des assureurs mais qui peuvent être aussi telle ville, telle collectivité locale, telle administration pour ses propres agents, ou telle entreprise d’ailleurs.

Ce sont eux qui financent en général, identifier, en terme de quantité, le nombre de stagiaires, avoir donc une base de données où tu retrouves classiquement les coordonnées des gens, avoir aussi un retour sur le vécu des stagiaires, et à partir de là, il y a deux types de suivis qui sont faits, il y a les suivis qui sont faits par les prescripteurs, chacun suivant ses cohortes de conducteur, par exemple en ce qui concerne notamment les assureurs, la sinistralité, et puis alors il y a un suivi, beaucoup plus unifié, qui est fait au niveau qualitatif par un laboratoire, le LPC, le Laboratoire de Psychologie de la Conduite, de l’INRETS qui est maître d’oeuvre avec comme maître d’ouvrage des cabinets spécialisés, dont notamment un qui se trouve à Toulouse, se sont des élèves de Maryse SIMONNET, qui fonctionnent dans ce cadre là et qui viennent de faire un travail remarquable sur l’AAC d’ailleurs. Il s’agit de l’étude de Françoise CHATENET, qui répondait à une commande très particulière, passée par l’Etat, programmée en 1996 et qui est rendue maintenant. On a fait la réception de l’étude, c’est la première fois qu’on le fait. On a fait un truc client.

Conduite citoyenne, certes, pour moi ce n’est pas une conduite citoyenne... Je pense qu’un jeune qui à fait l’AAC selon le profil haut, il a effectivement de meilleurs chances de survie... Moi la notion de citoyenneté me laisse... J’y vois aussi l’armature des réflexes de survie des individus. C’est-à-dire que toute notre vie sociale est une aussi une vie où on survie, c’est-à-dire on est environné de dangers, il y a les dangers potentiels et il y a le risque qu’on prend, ce qui est aggravé par les risques qu’on prend en circulant, en étant plus ou moins armé pour bien circuler. Il est certain que quelqu’un qui est... le bon sens populaire le dit « un homme averti en vaut deux », déjà avoir le droit de circuler en ayant une meilleur technique du regard, c’est effectivement déjà mettre de meilleures chances de son côté de survie.

Après il y a le fait que savoir trouver les indices pertinents ce n’est pas forcément angélique, ce n’est pas pour ça qu’on a une conduite citoyenne à mon sens. Mais c’est vrai que ne pas se disperser dans la recherche des indices c’est déjà qu’on dirige son attention vers un certain nombre de points particuliers. Après il est évident aussi qu’il y a des dangers à être meilleur, ou se croire meilleur, ça c’est une des choses qui est mise en lumière aussi par l’étude de Françoise CHATENET, c’est-à-dire qu’il y a des points sur lesquels le formateur de formation initiale n’a pas insisté, alors il y a des choses qui sont occultées de manière générale dans la formation, c’est tout ce qui est accidentologie, c’est tout ce qui est une meilleure connaissance du risque, en ce sens là, les jeunes en A.A.C. ne sont pas très différents à mon sens des autres. Par contre, il y a toujours une dialectique de la prise du risque, ils...

La notion de citoyen, il y l’adhésion à la cité, il y a le fait qu’on connaît mieux les codes, à mon avis, ils ne connaissent pas mieux les codes de manière formelle, par contre ils ont une meilleure connaissance des conditions de survie en circulation, c’est-à-dire que l’apport des anciens, la situation de conduite accompagnée, si elle a été normalement faite, c’est-à-dire si on a consacré le temps, c’est par ailleurs... C’est là qu’il y l’ambiguïté un petit peu de la conduite accompagnée, c’est donc quelle est la part de l’accompagnant ? quelle est la part du compagnon ? Ca peut être une part qui peut être tout aussi désastreuse. Ce qui m’intéressait beaucoup, c’est la notion de profil de formation qui donne un profit de conducteur ensuite. C’est difficile à mesurer mais c’est une bonne approche quand on va essayer d’évaluer la formation. Les critères sont assez formels : on a fait tant de kilomètres, on a un accompagnateur qui se donne suffisamment à sa tâche, on a un formateur de base qui a fait une formation conforme au programme, on a toutes les chances d’avoir quelqu’un qui a un meilleur rendement en tant que conducteur que quelqu’un qui a subi une formation tronquée, qui a l’illusion, qui plus est, qu’il a une meilleure formation parce qu’il a fait des kilomètres, mais quels kilomètres ? Toute partie reste encore un peu floue. On n’a pas un mètre-étalon pour mesurer la pédagogie.

Dans la conduite citoyenne, je vois dans cette notion le fait que la formation a été plus longue. C’est-à-dire, que quelque part, on n’est pas passé quasiment instantanément, ou en très peu de temps, de l’état semi-larvaire de conducteur à l’état d’ouvrier complètement machiné. Ca a pris du temps, ça a pris un an. Là encore, si la conduite accompagnée a été bien faite, il y a une accoutumance à l’outil, une accoutumance à la circulation, qui fait qu’effectivement on peut là parler de gens qui ont eu le temps, qui ont pris le temps, de se couler dans le moule.

J’ai un discours un peu fort là-dessus, je dirais que la formation par essai-erreur est amoindrie quelque part par la conduite accompagnée, c’est-à-dire qu’il y a toujours bien essai-erreur, probablement pendant la conduite accompagnée, mais le fait qu’il y ait le compagnon, ça minimise les choses, alors qu’on n’a plus les doubles commandes.

Ce qui est intéressant dans l’étude de Françoise CHATENET, je trouve que c’est précisément le compte-rendu des enseignants, comment ils voient les choses. C’est quasiment un compte-rendu ethnographique qu’ils ont fait. Il y aussi autre chose, c’est très clair, ce qui est un peu décourageant, en tous cas qui peut nous permettre de rebondir sur d’autres objectifs, c’est la façon dont les gens voient l’importance de l’apprentissage de la conduite. Il y très peu de demande sociale qui plombe effectivement toute tentative volontariste pour par exemple développer le post-permis. S’il n’y a pas un effort éducatif fort, alors là on peut parler de projet citoyen, ce n’est pas de conduite citoyenne, pour, ne serait-ce que tout simplement, expliquer aux lycéens, j’emploie lycéens à dessein, quelle formation ils auront à subir. On a rédigé ça : des fiches toute bêtes, comment bien choisir son auto-école ? On le fait pour les lycéens, car en fait d’une manière assez concrète, là ce n’est pas encore assez concret à mon avis... Ca suit trop notre déroulé administratif encore. L’analyse de la conduite en AAC, ce qui serait bien ça serait de voir quelle est l’évolution entre les premiers kilomètres et puis la fin. En fait, la question que ça pose, c’est : en combien de temps réellement j’acquiers une expérience significative.

Mademoiselle SAADA Farida à l’INRETS doit avoir fait à Lyon une étude très poussée sur les essais-erreurs en matière de conduite. Ils ont fait à partir de documents filmés, documents vidéo, un énorme travail avec des véhicules équipés spécifiquement pendant la formation initiale et les premiers kilomètres après permis. Il faudrait voir s’il n’y a pas de possibilité de les « aider » à exploiter ça.

Il faudrait qu’on puisse monter un truc, qu’on puisse exploiter tes travaux, te faire travailler, par exemple à l’INSERR, c’est-à-dire qu’ils te mettent dans leur groupe d’experts. Il faut utiliser ta compétence.

Respect de la loi, c’est-à-dire respect des règles formelles, des règles communes, ne pas transgresser le feu rouge, ne pas transgresser le stop... Il y a deux façons d’analyser les choses. On peut penser que les vingt pour cent de parents (il y a vingt pour cent d’AAC maintenant, deux cent mille sur huit cent mille permis par an, ça ne baisse pas, ça ne monte pas, je pense qu’on a atteint une espèce de palier). J’aurais tendance à penser que les vingt pour cent qui font la conduite accompagnée ne le font pas particulièrement pour transgresser la loi. Les parents qui sont là ont quand même toujours une main pour eux, et une main pour la voiture... Ceci étant, ça renvoie à leurs connaissances standard des règles. L’idée qu’on avait, c’est mettre un garde-fou supplémentaire, peut être même aussi augmenter la base du nombre de personnes, c’était faire des stages pour ces parents-là. On se heurte à chaque fois à un problème de ressources et de demande sociale. A quoi on va les former ? On pourrait imaginer des modules du style de celui qu’on a mis en place sur la façon dont ils perçoivent les dangers. Sans les former particulièrement à la conduite commentée, ce qui prend du temps, leur faire prendre conscience peut-être... L’idée, c’est que tout conducteur français devra pouvoir disposer... déjà de mieux se connaître en tant que conducteur, se connaître soi-même, faire un petit retour sur sa propre pratique de la conduite, en faisant bien prendre conscience à travers soi et à travers les autres, des différences qu’on peut avoir, et de ses connaissances ou de ses méconnaissances en matière de zones de danger, de zones d’incertitude, de distance de freinage... Il y a là une première culture de base à acquérir en tant qu’accompagnateur et qui pourrait être la culture de base de tous les conducteurs, qui est loin d’être le standard.

La deuxième chose, il y a la justification du respect des règles vis-à-vis de la loi. Il y a une loi, pourquoi il y a une loi, et pourquoi est-ce qu’on doit la respecter ? Ce n’est pas parce-qu’il y a une loi qu’on doit la respecter. Déjà est-ce que l’Etat lui-même respecte toutes les lois... On voit bien que ce n’est pas le cas, effectivement tout le monde voit que ce n’est pas le cas...

Il y a un gros travail à faire aussi au niveau des arbitres pour la reprise en compte dans le corps social, pourquoi, sur ce domaine-là particulier, on est intransigeant, on serait intransigeant ?

Après, je vois un autre problème, ce qui est bien noté dans l’analyse faite par Françoise CHATENET, les deux grosses transgressions, c’est la vitesse et l’alcool. Donc est-ce que les jeunes qui font l’A.A.C. transgressent moins ? Pendant la conduite accompagnée, ça certainement, sur la vitesse ? Très probablement on aurait un miroir très précis si on faisait une analyse des transgressions faites pendant la conduite accompagnée par le couple, en apportant un correctif sur la population qui est en conduite accompagnée, c’est que probablement il y a quand même une motivation à bien faire, en tous cas à bien apprendre, plus importante que dans la méthode traditionnelle, à quel pourcentage, on ne peut le dire, mais on peut imaginer qu’il y a une meilleure motivation à apprendre, à respecter, il y a une meilleure motivation de sécurité routière. Déjà, il y a des efforts à faire, donc celui qui fait l’effort ne le fait quand même pas en général gratuitement, il y a certainement l’aspect assurance qui joue au départ, mais ça... il faut les faire les kilomètres après en conduite accompagnée ! Ca veut dire qu’on ne le fait pas gratuitement. Mon avis n’est pas un avis mathématiques, c’est un avis qui se fonde sur une analyse de la transaction.

Le Comité Interministériel de Sécurité Routière a évoqué l’A.A.C. en 1997, plus en 1999. En 1997, il est dit que, pour développer l’A.A.C., il faut modifier l’âge d’accès. On imagine un mécanisme d’accès automatique, pour tous les jeunes à seize ans à l’E.T.G... qu’on n’a pas fait !

Il y a à la fois une volonté affichée par la superstructure, mais une certaine résistance de l’administration en charge du problème. Ce n’est donc pas forcément cette mesure-là qui est la plus porteuse. La volonté de Madame MASSIN de développer est claire, en tous cas... vers les publics en difficulté. Ca serait, peut-être, aller vers une modification de l’âge de l’accompagnateur, c’est-à-dire permettre à plus d’accompagnateurs, les règles c’est trois ans de permis, d’expérience, et vingt-huit ans. Il s’agirait d’abaisser l’âge de l’accompagnateur à vingt-cinq ans. Ce qui, certes, procède d’une intention louable. La question reste posée, les assureurs sont-ils d’accord ? La réponse est non, sauf si vous nous prouvez que les jeunes, à vingt-cinq ans sont aussi peu accidentogènes qu’à vingt-huit... Et ce n’est pas le cas !

Une autre proposition, il y a les emplois jeunes, on peut imaginer les former spécifiquement... On attend.

Le produit d’une étude de l’ENSERR, qui commence à jouer un rôle plus important de conseil, de recherches... On lui a confié cette année cinq études, là aussi on procède à une réception type client.

La volonté de développer l’A.A.C. est fondée sur un pari. La vérité actuelle, c’est qu’on ne sait pas si les jeunes AAC sont plus ou moins impliqués dans les accidents que les autres. On ne sait pas et on a des indications contradictoires sur l’accidentologie des jeunes. A la fois on a des gens qui nous disent « c’est pas bon », qui sont incapables de nous sortir des études prouvant que ce n’est pas bon, en disant « ce n’est pas mieux », on a des gens qui nous disent, comme la MACIF : « depuis qu’on a des jeunes en AAC, c’est clair, le gain en matière de sinistralité est entre deux et trois pour cent, sur une population de... ». Certes il y a toujours des accidents, et certes AAC ou pas AAC, les jeunes sont beaucoup plus impliqués, mais le jeune AAC moins. Avec deux ou trois pour cent, je m’en sors, je sors du rouge. A ma connaissance, il y a la MAIF, la MACIF, on pourrait opposer que ce sont des fils d’enseignants, de cadres, mais à l’intérieur d’une même compagnie il y a un panel qui suit la conduite accompagnée et le pendant une formation traditionnelle. Par contre la MAAF a une optique différente en disant ‘«’ ‘ non, ce n’est pas la bonne solution, certainement le concept est bon, mais il est mal appliqué ’ ‘»’, ce que dit Françoise CHATENET : « L’essentiel n’est pas appliqué ». Tout cela reste très parcellaire.

Après, il y a toutes les études faites par Yves PAGE qui datent un peu, qui avaient été faites à partir des échantillons des années quatre-vingt-dix, ce n’est plus la même chose maintenant. Il y avait là aussi des biais, dans l’étude de SYLAB, car on n’a pas une assurance méthodologique. Il n’y avait pas de tués. Je pose la question : dans un échantillon de vingt mille jeunes, est-ce qu’il n’y avait pas de tués. Eh bien non, il n’y en avait pas dans ceux qui avaient fait l’A.A.C. Sur les vingt mille qui avaient fait l’A.A.C. il n’y en avait pas, ce qui n’est pas reconnu comme significatif. Cette étude était beaucoup axée sur les comportements et prise au téléphone. J’avoue que moi, si on me demande au téléphone : vous êtes communiste : oui, vous au RPR : oui. En plus, si le sondeur tombe au mauvais moment, je vais lui raconter...

Le CISR continue à promouvoir, l’administration aussi.

Nous avons fait la réception de l’étude de Françoise CHATENET devant toute la DSCR. C’est bon, il y a eu un débat. Le débat a confirmé une partie des conclusions de l’étude, c’est-à-dire que ce n’est pas bien appliqué, et que pour l’instant, ce n’est pas encore digéré, et que, par ailleurs, le fait d’avoir permis à tout le monde de le faire n’était pas une bonne chose.

Il y a donc une volonté de poursuivre, de développer, et de le faire aussi d’une manière favorable au consommateur.

Regarde... J’ai une petite note : suivi des études commandées à l’ENSERR. Convention du 16 août 1999. Une convention relative au programme d’études entre la DSCR et l’ENSERR a été signée le 15 novembre 1999. Ce programme comprend la production de quatre études. Dans le cas du suivi de cette commande par le maître d’ouvrage (formation du conducteur), une première réunion entre le bureau FC3 (tout le bureau) et Monsieur Henri RAMANAZZO, chef de projet, représentant le maître d’œuvre, a eu lieu le mardi 18 janvier 2000. La première étude, c’est la rédaction d’un guide pour la formation des motocyclistes. Une deuxième étude c’est une enquête descriptive sur les centres de perfectionnement à la conduite automobile. Conception et modalités de mise en œuvre d’un label qualité des activités d’enseignement de la conduite, là il y a tout un groupe : DUNEUFJARDIN, WEBER, BILLARD, BARRY, GILLOT, LAUMONT... des gens que tu connais, et qui font un travail pour l’ENSEER, pour le compte de la DSCR. Ils devraient rendre compte bientôt, mais je vais réactiver le camarade RAMANAZZO pour qu’il me trace un compte-rendu de ce qui se passe, car je devrais déjà engranger certains résultats, je ne peux pas. Elaboration d’un module de formation pour les jeunes accompagnateurs AAC.

Objectif de l’étude : élaborer un module de formation spécifique de deux jours pour les futurs accompagnateurs AAC, à l’attention des formateurs de formateurs. La cible visée étant constituée par des titulaires d’emplois jeunes. L’élaboration du module a été confiée à un groupe de travail, cependant si les contenus axés sur la sécurité routière ne posent pas de difficulté en soi c’est le contexte des emplois jeunes qui pose problème au groupe de travail.

On a ce travail qui est en cours. Ca va être intéressant de voir ce qu’ils vont nous rendre. Ce qui est intéressant aussi c’est que l’ENSERR joue un nouveau rôle Henri RAMANAZZO est quand même un type assez concret, il a pris le taureau par les cornes.

L’étude de Françoise CHATENET se voulait aussi une vérification du bien-fondé des prémices scientifiques. Est-ce que les concepts de formation en alternance, de progressivité d’accès à la difficulté restent opératoires, restent opérationnels au niveau de ce qu’en pensent les chercheurs ? La réponse est : oui. De plus, derrière tout cela on reste dans l’échelle des motivations les plus intéressantes pour la conduite elle-même et pour la formation des conducteurs. L’A.A.C. constitue un outil. Le schéma reste directeur dans les conceptions qui sont derrière la stratégie de la formation des conducteurs, c’est de tirer l’ensemble des conducteurs vers une meilleure connaissance d’eux-mêmes, et notamment de leurs motivations, des stratégies de vie... En fait, dans les strates inférieures de la conduite il y a la formation initiale de base, et puis il y a une meilleure connaissance des stratégies de survie, donc l’A.A.C. reste, très probablement un des outils de formation. Pour les dirigeants de la DSCR ça reste néanmoins un concept opérationnel politique intéressant. Ca demeure quand même un des seuls points sur lequel il y a un cahier des charges autre, que la seule obtention du permis de conduire.

Au milieu de la problématique, il y a aussi l’atonie de la demande sociale qui au fond ne demande qu’une chose à la formation c’est apprendre à passer le permis de conduire. La plus ou moins grande exigence qu’on a au niveau du permis de conduire vient du fait qu’il y a la demande sociale... Il y a ceux qui ne font pas la conduite accompagnée. Quatre-vingts pour cent de la population ne font pas. C’est ce que j’appelle l’atonie du corps social en matière de conception sur l’importance de la formation. Il y a certainement des tas de raisons qui font que tu choisis telle ou telle formation... Après il y a tous les cas : des parents divorcés... finalement, faute d’avoir une autre évaluation, faute d’avoir eu dans la vie une autre évaluation que celle du permis de conduire, qui est une évaluation en général douloureuse, et que tu n’as pas envie de revivre... Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas confiance en eux en tant que conducteurs, paradoxalement. Donc, n’ayant pas confiance en eux en tant que conducteurs, ils n’ont pas plus confiance en tant que parents accompagnateurs, ils ne se sentent donc pas autorisés à être des modèles. C’est paradoxal. Je pense qu’il y aurait là une voie à explorer, c’est comment les gens se voient en tant que conducteur, questions : ‘«’ ‘ Ce n’est pas votre enfant, vous êtes accompagnateur ?, C’est votre enfant, vous êtes accompagnateur ? ’ ‘»’ Gertrude NIDEBERG qui était une amie de Pierre MAYET à l’époque, avait fait une étude, sur notre commande, sur les raisons pour lesquelles les familles choisissaient ou pas l’A.A.C. C’était une des premières études psychosociologiques sur la conduite accompagnée. Il y avait notamment toute une analyse sur les deux ou trois mille premières conduites accompagnées. Il y avait ceux qui choisissent de faire l’A.A.C. et ceux qui ne choisissent pas. Il y avait une analyse très poussée sur ceux qui choisissaient de ne pas faire l’A.A.C., les jeunes, les parents.

Je crois qu’il y a beaucoup gens qui se donnent de bonnes raisons pour ne pas le faire, très profondément parce qu’ils n’ont pas confiance en eux en tant que conducteurs. Il y a des tas d’autres raisons, certainement, mais il y a ça. Il y a certainement une part non négligeable de gens qui se contraignent à conduire.

Pour bon nombre de jeunes, conduire n’est pas une motivation première. C’était mon cas, j’étais dans une génération... Conduire, ça fait peur, objectivement ça fait peur ! Il faut avoir une bonne dose de... Il faut être un bon rhinocéros... Maintenant, je suis un gros rhinocéros, je vois que je continue à prendre des risques de manière importante, je joue toujours au basket, je prends toujours des coups, quand je fais un peu d’introspection, je regarde mes mains, j’ai quatre doigts cassés... Avec les copains : ‘«’ ‘ c’est la vingt-septième entorses que tu te fais ’ ‘»’.

Ma femme, elle conduit dans Paris, pas question de lui faire prendre le périphérique, elle le ferait, elle pourrait le faire, mais elle a peur. Pourtant elle a vingt-cinq ans de volant derrière les mains. Elle, ce n’est pas la conduite, c’est d’être dans une boîte bien fermée qui protège de l’univers, qui protège des autres. Idem pour la perception des dangers. Il y a très probablement un choix inconscient dans les dangers qu’on choisit d’affronter, et ceux qu’on n’affrontent pas, qui fait que...

Je disais ça l’autre jour à un journaliste du Monde, il me dit ‘«’ ‘ ouh la la, qu’est-ce que c’est que tous ces trucs-là, non, ils conduisent avec leurs pieds, avec leurs fesses ’ ‘»’.

Je dis ‘«’ ‘ oui, c’est comme ça que vous écrivez vos articles, avec vos fesses, avec vos pieds ’ ‘»’

ah bon ? oui, ce n’est pas avec vos yeux que vous conduisez ? Ce n’est pas avec votre cerveau que vous analysez ? Ca fait quinze ans qu’il faisait des articles sur la sécurité routière, sur les auto-écoles... Du coup, dans son article, il a fait passer une information.

Les problèmes qu’on se pose pour l’A.A.C., on se les pose aussi pour le post-permis. L’idée d’axer notre évaluation sur la perception du danger, c’est ce que tu fais aussi.

Madame MASSIN avait fait une réunion, elle avait fait venir Gérard MILLER, psychanalyste bien connu des auditeurs de « L’oreille en coin », or il faisait partie de la commission GIRAUDET. Il a animé une causerie sur le risque, sur la politique de la sécurité routière telle que lui pouvait la voir en tant que représentant de la société civile, son discours a été de dire à un moment donné ‘«’ ‘ Il y a une part totalement incompressible des comportements humains, il y a une part inéducable ’ ‘»’. A partir de là, la mission des pouvoirs publics est de mettre en place une politique de sécurité routière qui repose sur un équilibre éducation, formation, communication, d’une part, et contrôle-sanction de l’autre.

A un moment donné c’est moi qui ai parlé de conditionnement. Tout le monde paraissait étonné. Conditionnement ! Gérard MILLER rétorque « mais oui, il n’a pas tort ».

Moi, les rats, on les conditionne pour éviter... L’avantage de l’A.A.C. c’est que si tu mets des rats sur un parcours en laboratoire, qu’il y a une guillotine à un moment donné, tu leur a appris à éviter la guillotine, là il ne faut pas aller, ils y vont quand même, tu peux les prendre par la queue, par l’oreille, et tu les mets dans le droit chemin... Quand tu as ton jeune qui a obtenu son permis de conduire par la formation traditionnelle... Quelque part, l’A.A.C. c’est une manière, celui qui est à côté dit attends, tu fais pas d’abord et tu ne vas pas là. A ce moment-là il est capable d’expliquer pourquoi. Car c’est sa voiture et c’est lui qui est dedans. Voilà, il y a un conditionnement, il a vécu un certain nombre de situations et c’est ancré. Quelquefois, les jeunes ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas parce qu’on ne sait pas expliquer. C’est là que l’accompagnateur doit avoir des vertus pédagogiques ou d’autorité pour faire.

Par la méthode traditionnelle, c’est clair, on va droit dans le mur. La question qui se pose est beaucoup plus vaste à mon avis, c’est une question sociale, elle est liée à la notion d’accompagnateur. Faut-il seulement un accompagnateur ? Là c’est clair, toutes les associations d’insertion montrent qu’on fait un travail de très grande qualité, c’est un accompagnement de vie. Ca va même au-delà d’une sensibilisation à tous les risques, mais à la vie, c’est-à-dire des modèles de vie qui doivent être donnés, et c’est bien comme cela qu’on fait, on imite des modèles de vie. Le problème c’est que dans notre société, les modèles de vie... C’est un modèle de vie d’une sauvagerie considérable, c’est un modèle de vie où on boit, où on va très vite... Là, la vertu de l’accompagnateur s’arrête et c’est un miroir. Et alors c’est vrai, ce qu’on pourrait nous reprocher c’est que le passage à l’auto-école est beaucoup plus court que le passage dans la voiture avec l’accompagnateur.

Alors, je bois... mais je conduis quand même... et je n’ai pas toujours d’accident ! Donc, tu vois mon fils, tu peux boire aussi !

Nous voyons bien ici quelles sont les limites du système. Ceci étant, entre un modèle où on t’a appris à passer le permis de conduire, et puis le modèle où tu as vécu quand même avec quelqu’un, où tu as survécu, je pense que le modèle de survie est meilleur que pas de modèle du tout. Il est clair que quand tu es dans un régiment de cavalerie, le jeune cheval que t’amène et qui n’est pas débourré, il est plein de qualités, ceci étant il est incapable de faire la manœuvre, et quand tu l’amènes sur le champ de bataille, un cheval qui a été éduqué, lui ne réagit plus aux coups de feu de la même façon que celui qui ne l’est pas. Il est évident que face au danger il aura des réactions naturelles, mais la voiture n’est pas, l’environnement n’est pas naturel, l’environnement de conduite n’est pas naturel. Là, il y a une part de conditionnement à acquérir, la conduite accompagnée parait importante à ce niveau-là. Que la méthode des essais-erreurs se passe dans une situation où le danger est minimisé me parait une chose fondamentale.

Correctif quand même, c’est ce que j’ai dit très fortement à Madame MASSIN, bien qu’il y ait eu une volonté affichée dans les écrits, et personne ne m’a démenti, au niveau budget en termes de communication il y a combien ? Silence de mort dans la salle, je dis vous savez ce n’est pas une mesure qui a coûté bien cher à mettre en place, peut-être un million de francs, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. Ca n’a même pas coûté ça depuis vingt ans que c’est mis en place.

A un moment donné un Ministre, Monsieur BOSSON a affirmé : ‘«’ ‘ oui, la conduite accompagnée c’est très bien, il faut l’encourager ’ ‘»’. C’était une période intéressante.

La conduite citoyenne, le respect des autres peut certainement être obtenu par d’autres moyens que la conduite accompagnée. Il y a le continuum éducatif qu’on essaye de développer, ceci étant, il faut quand même être réaliste... Est-ce qu’un conditionnement via des outils de simulation, est-ce possible ? C’est une hypothèse forte, mais là encore faut-il qu’il y ait des gens qui aient la volonté d’utiliser ça à ces fins-là. En 1999, on a été contacté par deux types d’entreprises, il y a toujours ceux qui font la simulation, comme FAROZ, SAULNIER qui était le concepteur a toujours l’idée de développer des simulations spécifiques. Il y a toujours deux approches, une basée sur des simulations en 3D sur le DVD. Ce sont des jeux sur play-station, des jeux sur écran PC, qui sont maintenant tellement sophistiqués qu’on peut reproduire avec une interface micro, souris, on peut reproduire des situations virtuelles tout-à-fait, extrêmement réalistes. On peut les programmer pour faire ce qu’on veut, des jeux sanglants, aussi bien que des jeux vertueux, ou des simulateurs vertueux. J’ai vu des choses hallucinantes, qui au fond avaient un moteur de fonctionnement... c’était les fabricants de jeux. Tu arrives, c’est un atelier, tu as soixante personnes qui travaillent, aussi bien pour SPIELBERG que pour faire des spots publicitaires, donc ils font des images de synthèse, c’est vraiment le truc de l’avenir. Là, ils avaient créé une ville, virtuelle, hallucinante de réalisme, ils avaient créé une circulation en voiture, non moins hallucinante de réalisme, problème : c’est de savoir ce qu’ils allaient en faire. En fait, ils avaient des idées de jeunes, le PDG vingt-trois ans déjà à la tête d’une entreprise de cent cinquante personnes, le commercial devait en avoir vingt-cinq. Ils nous ont expliqué comment ils avaient fait. Au lycée, ils avaient mis au point un truc, ils étaient partis aux Etats-Unis tous les trois, ils avaient vendu un démonstrateur à une société new-yorkaise de production, ils avaient développé tout un produit jeux, et ils étaient devenus les « number one ». Semble-t-il en France on a des créateurs d’images époustouflants et on a des idées, et une exigence de qualité des images par rapport aux japonais par exemple, encore plus fortes. Il parait qu’on est très réputé au niveau mondial, sur la qualité des graphismes PC et images de synthèse. C’était étonnant, ils avaient... Tu circulait dans la ville, là j’ai pas fini la rue, on fait marche arrière, on passe les vitesses, c’est la nuit, c’est le jour. Tiens, là on va lui mettre 0,5 gr dans le sang. Evidemment, le PC permet de rétrécir le champ de vision, de brouiller la vue, c’est formidable mais eux ils avaient une claire conscience qu’ils pouvaient en faire ce qu’ils voulaient, aussi bien un jour on s’amuse à écraser les piétons.

Il y a les techniques, ça coûte cher, mais ils nous ont expliqué que c’était pour NINTENDO, SEGA ou d’autres. Ce n’est pas le problème. Un jeu ça coûte un milliard de francs, ils font comme au cinéma, ces gens-là t’avancent l’argent, si ça marche, eux touchent le jackpot, si ça ne marche pas, eh bien il y en a d’autres... Ca c’était une solution.

Il y avait une deuxième entreprise, je ne sais pas ce que ça a donné. Ils ne voulaient pas d’argent, ils voulaient des spécialistes qui habilleraient leur ville. Eux ils ne savaient pas le faire, ce n’était pas leur problème, pas leur spécialité.

L’autre chose, ce sont des entreprises qui font l’ingénierie du risque mais qui faisaient dans la simulation pour les machines de chantier, et qui envisageaient de faire des propositions comme ça. C’était un groupe franco-belge. C’était dans le cadre du PREDIT, programme de recherche européen. C’était des outils de simulation sur PC, assez réalistes.

Les images virtuelles sont très probablement une des sources potentielles d’apprentissage du risque. On fait déjà des choses sur le combat aérien, sur la façon de piloter les avions. L’autre solution, à plus long terme, c’est la voiture intelligente. Avec les aides, il y a une part de libre arbitre moins importante. Des voitures, par exemple, si tu as plus de 0,5 gr tu ne peux pas démarrer. On en arrive toujours à des limites de répression, mais là il faut mesurer le coût bénéfice. Le bénéfice que je vois, c’est de l’emploi, c’est l’innovation technologique, c’est de l’installation de nouvelles technologies, que j’y vois un alourdissement des coûts mais surtout une privation du libre arbitre. On y arrive inévitablement. L’accord passé entre PEUGEOT et VIVENDI est un premier pas. On va arriver à : ‘«’ ‘Attention, la voiture déboîte ! ’ ‘»’ et la voiture s’arrête.

La limite de BELTOISE elle est là, moi j’ai fait les différents exercices effectivement, mais quand tu as quelqu’un qui te refuse la priorité, tu ne t’y attends pas. Une voiture qui te coupe sous les yeux, tu te dis ‘«’ ‘ mais les gens ne font pas ça dans la réalité ’ ‘»’.  Tu percutes un ballon, tu te dis c’est un enfant, très bien, la deuxième fois, non seulement tu veux redémarrer, mais d’un seul coup, tu as un gars qui surgit ramasser le ballon. Il te dit vous ne l’éviterez pas de toutes façons, c’était avant qu’il fallait y penser. Tout dépend de l’environnement, seul sur une route de campagne tu pourras éviter, mais sur le périphérique, si tu t’amuses à éviter l’obstacle, ou tu tapes les freins et tu sais le faire, ou bien tu tapes ! Le discours de BELTOISE c’est ça de plus en plus, il faut lever le pied... les ballons, tu as du mal à les éviter ! Ils te surprennent une fois et on arrête. Le plus dur c’est l’exercice de freinage. Tu es derrière une voiture, freinage d’urgence, un vrai, un hard. Après tu le fais, tu y arrives, certains n’y arrivent pas. L’exercice le plus sympa, je trouve, c’est tu suis une voiture, il effectue un freinage d’urgence, tu freines, tu t’arrêtes, et on voit à combien de mètres tu es passé au travers... à côté. On a vu, ceux qui avaient un chauffeur n’y arrivaient pas. Le fait d’avoir un chauffeur...

Il y a une limite soft. Il faut montrer aux gens, surtout pas leur demander de faire. Ce que je reproche à toutes ces formations, c’est que c’est très difficile à vendre. Vendre de la technique de la formation c’est quand même ambiguë aussi, à quelqu’un qui sait déjà conduire. Ca peut aussi renforcer l’idée ‘: ’ ‘«’ ‘ Venez chez moi, vous vous en sortirez ’ ‘»’.

Enseignants de la conduite. Le 29 mars 2000

Rassemblement de huit moniteurs d’auto-école.

Ca se passe comme au supermarché, on se bouscule avec les caddies. C’est à celui qui passera le premier. Même en vacances, je vois, au restaurant, ça ouvre à dix neuf heures, il y a au moins cinquante personnes qui attendent, et dès que c’est ouvert, tout le monde s’agglutine à l’intérieur dans une bousculade... On laisse manger les enfants, les doigts dans les plats, ça fait rien... Voilà, c’est la base... Comment voulez-vous que ça se passe autrement sur la route ? Comment voulez-vous bien travailler en auto-école ?

Ou alors, il faudrait une autre solution, si on voulait remettre tout à plat, on enlève les auto-écoles et on met tout à l’enseignement. A ce moment-là, on fait tout à l’école. Il n’y aurait plus de discussion possible, l’enseignement aurait plus de poids, c’est quand même l’Etat.

La réforme, oui, le livret c’est bien, mais le minimum de vingt heures non. Depuis, les élèves veulent tous passer dès qu’ils ont vingt heures. Avant, nous on nous faisait confiance et les élèves prenaient les heures dont ils avaient besoin. Quoi qu’il en soit, on n’avait toujours cette règle de base : une leçon par année d’âge. On ne peut pas faire moins. Plus si la nécessité s’en fait sentir, mais pas moins. Aujourd’hui, on en est loin. De plus, nous ne sommes pas sur place, il y a les trajets, donc il faut encore un peu plus d’heures.

Notre clientèle est un peu plus difficile qu’en ville, c’est vrai. Bon, moi je préfère, en ville ils savent tout, ils connaissent tout. Nos clients sont un peu plus lourds mais nous écoutent. Parfois, on a du mal à leur dire quelque chose.

La conduite citoyenne, c’est le respect des autres. C’est le respect du Code de la route. C’est l’état d’esprit dans lequel on circule au volant. C’est être tolérant. Il n’y a pas de mystère, c’est rouler doucement et bien regarder pour faire face à toute éventualité. C’est aussi tenir compte du comportement des autres, de leurs erreurs éventuelles. Oui, c’est ça, c’est être capable de tenir compte des erreurs des autres et de réagir en conséquence. De toutes façons, en auto-école on est limité. On fait vingt heures, ils ont leur permis, après ma foi... Ils font comme ils veulent. Surtout la vitesse, ils respectent en leçon avec nous et surtout le jour de l’examen parce-qu’ils veulent la feuille rose, mais après ils s’éclatent complètement. Vous les voyez bien, on est sur la route toute la journée, on voie les A derrière les voitures. Je pense que ce n’est pas de notre ressort. C’est plutôt la répression. S’ils étaient contrôlés plus souvent, on ne verrait pas des accidents qui se sont déroulés dernièrement. Les deux derniers, c’étaient deux conduites accompagnées, vous voyez bien, même eux ! Il faut les brider une fois qu’ils partent seuls au volant.

C’est comme à la danse, l’autre jour, la prof. leur demande de venir toutes avec le même tee-shirt blanc. Ma fille m’a dit que toutes ses camarades étaient venues avec des polos bariolés. Elle était la seule avec un tee-shirt blanc. La prof. leur dit : ‘«’ ‘ mais je vous avais dit toutes la même tenue, un tee-shirt blanc ’ ‘»’. Alors, en voyant comment ça se passe, ces petites punaises, comment voulez-vous obtenir quelque chose d’elles en auto-école, elles se fichent pas mal de ce que vous pouvez dire.

Pour moi, c’est dans l’usage des clignotants qu’on voit si un conducteur conduit de façon citoyenne ou pas. De très nombreux automobilistes ne s’en servent jamais ! Il s sont seuls, seuls dans leur tête, seuls sur la route. Ils tournent, c’est tout, ils ne s’occupent de personne. Vous êtes arrêté à un stop, ça ne coûte rien à l’autre de signaler qu’il tourne, ainsi on peut démarrer tranquillement. Mais non, c’est chacun pour soi, et advienne que pourra.

On voit bien, le souci de l’autre, c’est de se dire je vais mettre ma flèche, et l’autre comprendra, je lui facilite la tache, je lui rends service, je ne le surprends pas. Je serai bien content, dans la situation inverse, qu’on me signale, qu’on me prenne en compte !

Les rétroviseurs, c’est bien pareil, des fois, on suit un véhicule sur des kilomètres et des kilomètres, jamais on ne voit le conducteur regarder dans son rétroviseur ! on remarque bien, quand ils jettent un coup d’œil. C’est que l’automobiliste de croit seul. C’est lui et la route.

Conduire de façon citoyenne, c’est avoir en permanence le souci de l’autre, en utilisant les moyens de communication que nous avons, ils sont pauvres, mais si on regarde en permanence autour de soi, devant, derrière, sur les côtés, et si on signale ce que l’on va faire, ça veut dire qu’on a le souci des autres, on les prend en compte, pour ne pas les gêner, les aider, enfin, faciliter la vie à tout le monde. Il y aura forcément aussi plus de sécurité, car tout le monde sera moins stressé. En tout cas, moi, je ne les lâche jamais avec ça, les jeunes.

Quand ça ne marche pas bien, il faut dire, c’est souvent la faute des parents. Tout le monde ne peut pas être bon conducteur, bon accompagnateur. On ne s’improvise pas éducateur. Sans parler de ceux qui font n’importe quoi et de ceux qui laissent tout faire. Vous parlez d’un modèle ! Le jeune est un véritable magnétoscope... Alors, vous imaginez le résultat. Quand ils reviennent, au premier rendez-vous pédagogique, on voit, ils débrayent partout, le moindre danger, le moindre incident, ils débrayent. Ils se placent, il faut voir comment... Ils ne respectent rien, les lignes, les flèches... Bien sûr, les parents n’ont jamais rien dit, puisqu’eux, ils font pareil. Du moment que ça roule pas trop mal, qu’ils ne sont pas bousculés, ça va bien... Il y en a même, le jour de l’examen, j’ai honte pour eux, c’est vraiment n’importe quoi.

Pour qu’ils arrivent à conduire en sécurité, il faut qu’ils soient convaincus des risques qu’on prend sur la route. Au code, par exemple, il faut qu’ils comprennent sans arrêt le pourquoi. Quand je les interroge, des fois, ils ont juste, ils ont coché la bonne réponse, mais ils répondent un truc qui n’a rien à voir. Même si c’est évident, il faut expliquer le pourquoi des comportements à adopter dans chaque situation. C’est comme ça qu’on travaille sur les attitudes, et qu’on n’en reste pas simplement au permis de conduire. C’est la condition nécessaire du transfert.

Un moment important, c’est les rendez-vous pédagogiques. Tous les parents disent que les jeunes arrivent trop vite sur les obstacles, qu’ils ont un manque total d’anticipation ‘«’ ‘ j’en ai marre, mon fils... roule beaucoup trop vite, il ne voit rien ! ’ ‘»’. En plus, ils ne se laissent pas faire, ils contestent tout, il faut tout prouver... 

Ils s’aperçoivent pourtant que les autres... Ben, c’est pareil ! Ils se rendent compte que les autres parents ont les mêmes problèmes et qu’en fait, leur travail, en accompagnement c’est bien ça !

La sécurité routière doit être l’affaire de tous dans le véhicule. Pas seulement celle du conducteur. Un grand nombre de tués, jeunes, le sont en tant que passager. Chacun doit avoir sa propre personnalité. Les passagers, jeunes, doivent être capables d’identifier les risques et de refuser la situation s’ils la jugent trop dangereuse.

La conduite citoyenne, par exemple... Je refuse de faire des appels de phare lorsque les policiers sont présents au bord de la chaussée. En ne faisant pas ces appels, j’estime que je deviens un citoyen responsable, comme doit l’être celui qui vient en face et qui roule un peu trop vite. Il doit assumer les conséquences de ses actes.

Deux candidats venant d’obtenir le permis de conduire et leur moniteur.

La conduite citoyenne c’est le respect des autres, de l’être humain, d’autrui, les priorités, les limitations de vitesse. Faire attention à l’usager, aux autres, aux piétons, aux voies cyclables, tout ce qu’on trouve en agglomération, même hors agglomération. Ne pas mettre en danger autrui.

Ce qui est plus dangereux pour moi c’est la vitesse et l’alcool au volant. Il faut faire en premier attention à la sécurité des autres et à la mienne, par exemple, bien regarder dans ce carrefour ce qui arrive.

La conduite citoyenne, c’est comme tu disais tout-à-l’heure, le fait effectivement de penser aux autres. C’est vrai qu’en France, on oublie aujourd’hui d’être citoyen, on est tout seul dans sa voiture, on ne pense qu’à soi, et le problème c’est qu’il faut penser aux autres, ne pas conduire que pour soi. Savoir aussi accepter les erreurs des autres, c’est peut-être aussi ça la conduite citoyenne, ne pas être agressif vis-à-vis de quelqu’un qui fait une faute, parce que nous aussi ça nous arrive de faire des fautes, savoir les accepter.

C’est un gros problème, c’est clair. Je pense que si on devient plus citoyen sur la route, c’est un problème de société, ce n’est pas qu’un problème lié à la route, c’est un problème général de notre éducation, à la base. Si on veut rendre les gens plus citoyens, je pense qu’il faut... C’est très difficile de rendre quelqu’un à dix-huit ans plus citoyen que ce qu’il n’est. Je pense qu’il faut prendre les choses à la base, c’est-à-dire essayer d’attaquer dans les tous petits déjà. Peut-être aussi faire de la formation au niveau des parents pour savoir éduquer les enfants vis-à-vis de la citoyenneté, et on le retrouvera sur la route, c’est clair.

Il n’est pas normal qu’on prenne un pays, par exemple comme l’Angleterre, qui est un pays qui est pourtant sous nos latitudes, qui a à peu près le même réseau routier que nous, le même type de véhicules que nous, ce n’est pas normal qu’il y ait moitié moins d’accidents que nous, moitié moins de tués, et en plus ils n’ont pas le même mode de calcul que nous, en plus...

Donc, ce n’est pas normal, effectivement, qu’on ait en France autant de tués. Ce n’est pas forcément plus sévère là-bas, c’est plus un comportement. Quand tu pars en Angleterre, par exemple, si tu as des gens qui attendent sur le passage piétons, on va s’arrêter à la limite, même s’ils n’ont pas encore le pied sur le passage piétons. Nous, Français si on peut rouler sur les pieds des piétons, on va rouler dessus. Il faut dire une chose, c’est qu’avant de rentrer dans notre voiture, on a été piéton. On a failli se faire écraser par une voiture, on a râlé après cette voiture. On monte dans sa voiture, et on fait la même chose aux autres, et en plus on râle après les piétons. Ce n’est pas être citoyen. Etre citoyen, c’est essayer de faire en sorte de changer ce comportement, et faire en sorte qu’on accepte plus les autres.

Monsieur Frédéric DAVRAINVILLE, Délégué au Permis de Conduire et à la Sécurité Routière, chargé de la circonscription Vosges-Meuse.

Mon point de vue personnel, par rapport à ma fonction, par rapport à ce que je vois. Ce que je vois, c’est qu’il y a une dégradation au niveau de l’accompagnement de la conduite. Au début, cela concernait les personnes fortement impliquées dans la sécurité routière, maintenant ça s’est démocratisé. En outre, au niveau de l’accompagnement et du suivi de l’auto-école, il y a aussi une dégradation, car il semblerait que beaucoup de rendez-vous pédagogiques ne soient pas réalisés du tout, ou ne soient pas réalisés dans de bonnes conditions, pas conformément à ce qui était prévu au début.

L’accompagnement par les parents, je pense qu’il serait nécessaire de renforcer la réglementation, une obligation de présence des parents au début de la conduite accompagnée obligatoire. Une séance de formation, avec leur gamin, avec le moniteur, qu’on soit bien d’accord, qu’on parte sur des bonnes bases, des bons principes. Car voir ça avec les parents au bout de mille kilomètres, c’est déjà un peu trop tard.

Quand on discute avec les gens, il y a des parents qui sont consciencieux, qui font ça correctement, d’autres qui le font moins bien. Je pense que ce qu’il leur manque aussi c’est peut-être un cadre assez précis, pas des instructions, mais des pistes à travailler, à aller travailler la circulation de nuit, etc...

Donc, renforcer le rôle de l’accompagnateur. Présence obligatoire pendant les rendez-vous pédagogiques, apparemment ça se fait quand même, ils ont du mal. Par contre présence obligatoire des parents juste avant, au moment de l’attestation de fin de formation initiale, ça je pense que ça se fait bien.

La plupart du temps, c’est quand même bien apprécié par les parents le fait de retourner à l’auto-école, d’entendre parler de la conduite. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a un certain laisser-aller de la part de certaines auto-écoles, donc, automatiquement, s’il n’y a plus de rendez-vous pédagogiques, il n‘y a plus de suivi, et il n’y a plus de contrôle de la réalisation des trois mille kilomètres minimum et de la diversité des parcours.

Ce qu’il faudrait prévoir aussi, c’est un nombre maximum de personnes aux rendez-vous pédagogiques. J’ai l’impression, mais je ne l’ai pas constaté, au vu des dates et des heures fixées par certaines auto-écoles, on se retrouve avec douze, quatorze, quinze personnes convoquées à la même heure pour un rendez-vous pédagogique en salle. Je n’ai pas fait de courrier à l’auto-école, mais je pense que je vais le faire.

Là où il faudrait recentrer aussi, c’est le rendez-vous pédagogique pratique. J’ai bien l’impression que la plupart du temps c’est un rappel, une préparation au permis de conduire, alors qu’en principe, il devrait y avoir une certaine autonomie vérifiée.

La conduite, c’est un acte d’intégration dans la société. On participe à une action de groupe. Conduite citoyenne : conduite respectueuse, respectueuse des autres. Ça c’est la première idée qui me vient. L’indicateur d’une conduite citoyenne : observation des autres, respect des autres, et je pense que ça va de paire, respect de la réglementation. Car la réglementation est en place pour faciliter la circulation de tous, ça passe aussi par là.

Tribunal de Bernay, dans l’Eure. 13 juin 2000.

Contrits, angoissés, sans tout comprendre de la bataille d’experts... Eux, en ont encore plein les yeux de ce carambolage qui fit douze morts et quatre-vingt-quatorze blessés. Tous évoquent le mur de brouillard, les dix à trente mètres de visibilité, certains sont à la fois victimes et prévenus. Ils essayent encore de comprendre.

Les automobilistes auraient dû réduire leur vitesse à cinquante kilomètres à l’heure, quitte à s’arrêter. C’est ce que déclarent cet après-midi les experts à la barre, après deux ans d’enquête et de reconstitution. Ils estiment que, lors du drame, les distances de sécurité n’ont pas été respectées. Mais pour les prévenus, tout n’était pas si simple, et encore moins pour Marcel VIVIEN. Cet homme est renvoyé devant le Tribunal pour homicide involontaire sur sa femme, décédée dans l’accident.

‘«’ ‘ Eux, j’aurais bien voulu les voir... C’est bien joli de faire des expertises, mais quand on est sur le fait, c’est tout-à-fait différent. Moi je vous garantis que je n’ai strictement rien pu faire. Je conduis depuis 1953, je n’ai jamais eu de problème jusque-là. Je ne pensais pas du tout que ça m’arriverait . Je ne me sens pas responsable du tout. ’ ‘»’

Comme Marcel VIVIEN, ce 29 septembre 1997, plus de cent trente conducteurs se sont percutés dans le brouillard sur l’autoroute A13. Douze personnes ont trouvé la mort dans une succession de huit carambolages. Chez les vingt-cinq personnes qui comparaissent aujourd’hui, se mêlent les sentiments de culpabilité et d’impuissance.

‘«’ ‘ Je pense que, n’importe qui à ma place, aurait fait... aussi mal... Je pense que j’ai eu les bonnes réactions quand même. J’ai freiné au maximum. Ce qu’on peut dire, c’est que j’allais peut-être un peu vite au départ, je n’avais pas eu le temps de baisser suffisamment ma vitesse en fonction des difficultés, de la visibilité. ’ ‘»’

Le mur de brouillard se situait seulement à dix kilomètres après le péage, et la Société autoroutière n’avait rien signalé. Entre le premier et le dernier carambolage, il y eut vingt-cinq minutes, preuve que la circulation n’avait pas été stoppée.

Certains avocats se demandent déjà pourquoi la Société autoroutière n’a pas été mise en cause.

Thierry MANIABLE conduisait un poids lourd lorsque l’accident s’est produit, il n‘a pas pu s’arrêter à temps. En percutant la voiture de devant, il aurait tué cinq personnes. ‘«’ ‘ Je me mets à la place des gens qui ont perdu des gens de leur famille. Difficilement, mais on s’y met quand même. Malgré que l’on se sent un petit peu fautif, on se met quand même à leur place. Ça doit être très dur pour eux. ’ ‘»’

On a analysé les « boîtes noires » installées dans les poids lourds, ces fameux disques de carton qui enregistre la vitesse au kilomètre heure près. Et les chiffres sont éloquents, quatre-vingt-onze kilomètres à l’heure pour le premier, cent pour le suivant, alors qu’on n’y voit pas à cinquante mètres, et que théoriquement, on ne devrait pas dépasser les cinquante kilomètres à l’heure.

De l’inconscience avance le Procureur, et pourtant Thierry MANIABLE, le routier mis en examen pour cinq homicides involontaires, persiste et signe : il n’y avait rien à faire pour éviter le drame. ‘«’ ‘ Je n’ai pas eu le temps de réagir. C’était trop tard, j’étais déjà dedans. Vous savez, avec un ensemble qui fait pratiquement quarante tonnes, même en roulant à cinquante kilomètres à l’heure, dans la limite de la vitesse, vous n’arrêtez pas un ensemble de quarante tonnes. ’ ‘»’

De cet accident, Thierry se sortira in-extremis en quittant précipitamment sa cabine. Deux minutes plus tard, c’est un camion, citerne celui-ci, qui s’encastre sous son poids lourd avant d’exploser. Bilan : six morts et neuf blessés.

C’est le procès d’automobilistes ordinaires qui s’est ouvert aujourd’hui. Les conducteurs n’ont rien de chauffards. Ce matin-là, ils étaient tout simplement un peu trop pressés. Pour cette imprudence, certains risquent jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Les prochaines audiences serviront à déterminer les responsabilités exactes de chacun.

Gilles MALATERRE, Directeur du Laboratoire de psychologie de la conduite, Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité.

Risque et sécurité sur la route 117 . En France le bilan peu enviable de la sécurité routière tient en partie à un consensus qui tend à éviter toute forme de contrainte limitant le libre usage de la voiture. Le conducteur se considère capable d’estimer lui-même les risques encourus, et exige en même temps une protection collective. Face à ce paradoxe, éducation et contrôle sont nécessaires.

Après avoir procédé à un bilan de l’insécurité routière en France et constaté l’attitude ambivalente de nos sociétés face aux risques, Gilles MALATERRE affirme : il vaut mieux former les conducteurs, et il faut les responsabiliser. Ceci n’est guère contestable, mais signifie implicitement que l’on ne souhaite pas une politique répressive dure, et que l’on accepte de laisser au conducteur une grande liberté d’appréciation, sa formation et son sens des responsabilités devant suffire à lui faire correctement évaluer quels sont les comportements adéquats et à s’y conformer.

Les conducteurs revendiquent la possibilité de faire, personnellement, une analyse intelligente des situations. Pourquoi respecter une limitation de vitesse quand on juge qu’il n’y a pas de danger ? Le fondement de l’insécurité repose sur ces arbitrages individuels. Un tel discours passe très bien : il défend l’intelligence par rapport à l’arbitraire de la réglementation. Si un consensus se dégage de plus en plus sur les dangers que font courir la vitesse et l’alcool, à l’échelon individuel les bonnes intentions disparaissent en raison du filtre de l’appréciation personnelle.

Il faut cependant admettre qu’améliorer et former ne suffisent pas toujours. La répression est malheureusement un outil indispensable, et penser qu’une « responsabilisation » bien menée entraînera un respect spontané des réglementations est totalement utopique. Si les sanctions sont lourdes, la probabilité de se faire contrôler, quant à elle, ne varie guère, et elle est globalement très basse.

Quand les messages donnés par une politique de sécurité routière ne sont pas assortis des mesures de contrôle correspondantes, ils ne sont pas crédibles. Le contrôle-sanction a des effets par lui-même, mais il témoigne de l’ensemble des moyens mobilisables. On ne peut pas être vertueux tout seul. Pour le moment, je ne suis pas sûr que ce message soit suffisamment entendu, malgré la conviction et la détermination de notre déléguée interministérielle à la sécurité routière.

Ce qui est essentiel, enfin, c’est la mise en œuvre d’un vrai programme de formation au sein de l’Education nationale. Il ne s’agit pas de cours de conduite, mais d’une éducation à la sécurité routière, permettant aux enfants de reconnaître les dangers et de faire un apprentissage des comportements adéquats en situation réelle et d’acquérir les bases d’un « civisme routier ». Il existe déjà des initiatives : l’attestation scolaire de sécurité routière et le brevet de sécurité routière. Mais elles sont freinées par le manque d’encadrants.

Il faudra bien se résoudre à se fâcher un peu. Finalement la route demeure un lieu où la société tout entière demeure assez tolérante : la population comme une partie des rouages de l’Etat accepte un certain niveau de risque, renonçant à prendre tous les moyens nécessaires pour les éviter. Il est fondamental de comprendre que le vrai problème est celui de l’acceptation par tous de la mise en œuvre des moyens nécessaires pour combattre ce risque. Pour atteindre cet objectif, les conducteurs devront renoncer à une partie de leur autocontrôle et de leur liberté d’appréciation. Il faudra pour cela que l’Etat pèse de tout son poids, au risque d’être impopulaire et de se heurter au lobby des constructeurs automobiles. L’harmonisation viendra sans doute davantage de la technique (affichage, info-trafic, etc...), de la réglementation ou des normes de lutte contre la pollution, plus que de la prise de conscience d’une appartenance à une société ayant des règles et des valeurs communes.

La violence au volant, émission Turbo, M6, 07 MAI 2000.

Le bilan des accidents de la route en 1999 est désastreux. 8029 tués, 167.572 blessés dont 31.851 gravement. Amélioration sensible par rapport à 1998, mais le réseau routier français demeure l’un des plus meurtriers d’Europe. De très nombreux accidents ce sont produits le week-end de Pâques. Bilan encore plus dramatique pour le week-end du premier mai, quatre-vingt-dix-huit morts, et près de deux mille blessés. Le Ministre des Transports Jean-Claude GAYSSOT a annoncé une mobilisation exceptionnelle ce week-end, en tout vingt mille policiers seront sur les routes pour éviter une troisième hécatombe. Des mesures décevantes pour l’ensemble de commentateurs. Panne d’idées ! Titrait vendredi Le Figaro, d’autres réclament la démission d’Isabelle MASSIN, Déléguée Inter-ministérielle à la Sécurité Routière.

Pour Turbo ce sont les conducteurs les premiers responsables, arrêtons de croire que les accidents n’arrivent qu’aux autres, ou bien que trois verres dans le nez ça va. C’est bien trop bête de mourir à vingt ans, au volant d’une voiture écrasée contre un arbre, tout le monde en conviendra.

Les chiffres font aussi réfléchir sur l’efficacité sur les campagnes de sensibilisation. Elles ont pourtant été multipliées ces dernières années par les différents organismes de prévention, il y a la violence des spots publicitaires diffusés au cinéma et à la télévision, il y a aussi les campagnes d’affichage public dans les rues et sur les autoroutes. Téléphone, ceinture, vitesse, alcool, respect du piéton, tous les thèmes ont été abordés, alors soyons vigilants.

Un accident comme bien d’autres que l’on aurait ajouté méthodiquement aux statistiques s’il n’y avait eu les circonstances du drame qui ne sont encore d’ailleurs qu’hypothèse, puisque l’affaire est en cours d’instruction. Il n’empêche que c’est cela aussi la violence au volant. Pas seulement la menace, l’insulte, ou le coup de poing, c’est aussi aller jusqu’à provoquer un accident et tuer parce que l’on ne supporte pas, apparemment, l’idée de se faire doubler. Enquête pour Turbo...

« Ah, je suis sûr que c’est une gonzesse ! »

« Y a rien, mais il n’y a rien qui bouche là, il n’y a que des cons qui ne savent pas conduire ! »

Vous insultez un peu les gens de temps en temps ? « Oui, connard, connasse », « Espèce d’enfoiré, merde, avance ! », « patate », « Ca sert à rien, je préfère défoncer qu’insulter ». Et vous avez le même comportement en voiture que dans la vie ? « Bien sûr ».

Vous vous êtes déjà fait agresser ? « Absolument oui. On m’a sorti de la voiture, on voulait me mettre un coup de boule, enfin. »

Scénario classique, une queue de poisson impardonnable, des appels de phare insultants, la rivalité pour une place de parking, un accident qui tourne mal. Ces choses là se produisent partout, tous les jours sur nos routes.

Gérard MERMET, psychologue, auteur de Francoscopie.

Nous sommes effectivement dans une société qui est violente, et dans laquelle la compétition est permanente et à tous les âges de la vie, que ce soit à l’école, que ce soit plus tard dans la vie professionnelle, ou même dans sa vie personnelle et familiale, il y a beaucoup de violence qui est induite par cette compétition permanente.

On s’énerve, on insulte, on provoque parfois le pire. Le comportement agressif ou violent des automobilistes, vaste sujet ! Si la majorité des actes irascibles de certains conducteurs restent heureusement sans conséquence, il y en a malheureusement pour qui cette violence routière se termine tragiquement.

Meurthe-et-Moselle, Maxéville, Près de Nancy, le 24 février dernier. Un couple de motards, père et mère de trois enfants trouve la mort, parce qu’un automobiliste n’aurait pas supporté qu’une moto double sa camionnette. Terrible, absurde, et consternant ! L’automobile est-elle devenue pour certains un instrument d’une nouvelle forme de délinquance routière ?

Maître Jehanne COLLARD, Fondation Anne Cellier.

De plus en plus, la voiture comme un moyen d’exprimer sa pulsion d’agressivité vis-à-vis de l’autre. Une arme c’est une arme, la voiture est une arme ! Et je crois vraiment, mais je le crois vraiment qu’il y a un combat à mener pour que d’homicide involontaire, on passe vraiment dans certains cas à homicide volontaire.

Homicide volontaire, voilà un changement grave, lourd de conséquence. La justice en France condamne avec une plus grande sévérité les actes de violence routière. L’automobile est considérée comme une arme par destination. On peut être responsable pénalement, on peut être considéré comme criminel si la preuve de culpabilité est apportée, et si le caractère intentionnel, volontaire de faire du mal est démontré, le risque : la prison ferme, pas de quartier !

G.M. Les conducteurs, en tous les cas un certain nombre d’entre eux, finalement règlent des comptes avec leur voiture qui devient un peu le prolongement d’eux mêmes, une espèce de prothèse, d’arme dans certains cas, et se font aussi les justiciers d’un certain nombre de situations qui leur paraissent anormales, ou inacceptables sur la route.

J.C. Il est irresponsable du début jusqu’à la fin. C’est-à-dire qu’il est irresponsable lorsqu’il commet l’acte, il est irresponsable lorsqu’il est entendu à la Police, vous ne le verrez jamais reconnaître, mais jamais... Et il est irresponsable le jour de l’audience.

Irresponsable, et coupable. Mais qu’est-ce qui fait que tout-à-coup on peut basculer de la violence verbale à la violence physique et se transformer parfois en assassin ?

Professeur Maurice Ferreri, Psychiatre, Hôpital Saint-Antoine.

La voiture est une carapace. C’est le sentiment d’impunité, la fuite c’est l’impunité aussi parce qu’on ne va pas retrouver les gens, et un sentiment d’invulnérabilité. Un autre ne peut pas me toucher puisque j’ai la voiture la plus puissante, puisque je peux m’en aller. Donc ce sentiment d’impunité et d’invulnérabilité fait que le sujet est dans la toute puissance. Donc, tous ces éléments mis bout-à-bout, ça finit chez les gens qui sont mal contrôlés à des fois presque de l’attentat.

Dans l’espace de la circulation nous devons faire normalement appel à la règle, celle du Code de la Route, qui permet en principe de résoudre toutes sortes de conflits. Si la contrainte des règlements n’est pas correctement assimilée, elle entraîne naturellement l’agressivité et la violence. Le citoyen discipliné laisse alors parfois la place à son ancêtre de Néanderthal qui résolvait les conflits... à coups de massue !

Esther LENEMAN, en direct de Londres, Informations Europe 1, 10 mai 2000.

Le Week-end... a été meurtrier... 83 personnes ont quand même trouvé la mort sur les routes, 1847 blessés, plus de 1300 accidents, alors que faire ?

Une juge de CHATEAUROUX qui a travaillé sur le dossier vient de rédiger un rapport pour le Ministre de la Justice. Elle estime que la sécurité routière devrait s’inspirer de l’exemple britannique. Cela fait trente ans, écrit Catherine DAIR, que les Anglais ont deux fois moins de morts que nous, et ce n’est pas un hasard.

Esther LENEMAN, vous êtes en ligne de LONDRES. On a d’abord le sentiment que le civisme est une valeur plus ancrée chez les Britanniques que chez nous.

C’est vrai dans tous les domaines, mais c’est surtout vrai sur la route, je vais vous donner un exemple concret. Tout le monde sait évidemment qu’un piéton traversant dans un passage clouté est prioritaire, la différence c’est qu’ici à Londres, dans 80 % des cas, les automobilistes s’arrêtent effectivement, ils s’arrêtent automatiquement quand un piéton s’engage dans le passage clouté. Mais en fait, ce civisme n’est pas tout-à-fait inné, il y a trente ans, on avait en réalité le même nombre de morts sur les routes britanniques que partout en Europe, c’est-à-dire 7985 en 66, la baisse a été progressive, en 91 on était passé à 4600, en 94 : 3650, les derniers chiffres pour 98 : 3581 et le gouvernement espère passer sous la barre des 2000 d’ici 10 ans.

Est-ce que la répression Esther est plus forte chez vous qu’en France ?

Mais bien sûr, il y a tout un arsenal répressif, il y a les amendes par exemple qui vont jusqu’à 25.000 F pour un dépassement de vitesse sur autoroute, 10.000 F sur route, dans les cas graves il y a un retrait de permis, et les tribunaux prononcent environ 1.000 condamnations par semaine. Mais, je crois que la différence, c’est que cette répression ici s’accompagne toujours d’un effort d’information. Un autre exemple concret, à Londres sur tous les grands axes, il y a des caméras qui filment les excès de vitesse. Si une voiture est filmée dépassant la vitesse autorisée, vous recevrez automatiquement un PV, mais ces caméras ne sont pas cachées, au contraire, il y a partout des panneaux qui annoncent qu’il y a une caméra, et parfois en fait ces panneaux annoncent des caméras qui sont des leurres. L’effet dissuasif étant considéré comme aussi important que l’effet répression proprement dit. Je crois que l’exemple le plus parlant, c’est celui de la lutte contre l’alcool au volant. Les alcootests ont été introduits à la fin des années 60 avec un impact relatif mais pas suffisant, donc dans les années 80, le gouvernement a lancé une énorme campagne anti-alcool, avec l’objectif de rendre inacceptable socialement le fait de boire et de conduire, et comme toujours sur deux plans, une immense campagne d’information avec pubs massives à la télé, et pubs répétées tous les ans, et en même temps un déploiement policier très fort sur les routes pour sanctionner les délits. Résultats : en 88, on avait 119.000 condamnations sur 500.000 alcootests passés 20 % étaient positifs. Un peu moins de dix ans plus tard en 96 on avait fait passer 750.000 tests, le pourcentage de tests positifs était tombé à treize pour cent. Je vais vous donner une anecdote très révélatrice, il y a deux ans dans un département de l’Ouest de l’Angleterre les policiers ont arrêté 4.000 véhicules pour vérification au moment des fêtes de Noël, puisque c’est à ce moment-là que les risques de voir les gens boire et conduire sont les plus grands. Ils ont fait passer 266 alcooltests ces 4000 véhicules arrêtés, résultat positif : un seul.

Notes
117.

MALATERRE (G.), Risque et sécurité sur la route, Projet numéro 261,Risque et précaution, pp.73-82, 2000.