1- Problématique et hypothèse de travail 

1-1 Problématique

Nous centrerons notre étude sur la mise en travail du processus de  «   transmission par un don psychique   » dans une clinique du générationnel auprès d’enfants transplantés et de leurs parents.

Nous avons abordé, de ce fait, les représentations parentales et celles de l’enfant transplanté, ainsi que les liens familiaux unissant l’enfant à l’imaginaire et au fantasme parental dans leur propre désir d’inscription dans une lignée générationnelle de l’enfant imaginaire sain, devenu enfant réel transplanté, soit par un foie provenant d’un don organique extrafamilial, soit par un don organique intrafamilial.

Ce questionnement nous a donc amené à poser un certain nombre d’interrogations :

  • « le processus de psychisation » viendrait-il répondre aux questionnements préliminaires avant toute transplantation, tant au niveau parental qu’au niveau de l’enfant ?
  • pour les parents non donneurs : ce don anonyme réparerait une transmission organique, mais ne réactiverait-il pas la dette et la culpabilité d’une transmission générationnelle d’un don psychique défaillant ?
  • pour les parents donneurs vivants : ne répareraient-ils pas la culpabilité d’une transmission défaillante en s’acquittant de cette dette par dons psychique et organique ?
  • l’objet de relation, aurait-il une fonction, dans la relation entre enfant et adulte, comme lien pré-organisationnel du vécu traumatique au cours d’une transplantation ?

A ces nombreuses questions, autour de la transmission et du lien familial, nous avons repéré que les modèles théoriques actuels prenaient en compte l'unité familiale dans le soin apporté au sujet et à sa famille. De ce fait, l’individu, centre du modèle psychanalytique, a vu se développer une approche groupale et intersubjective (R. Kaës, 1993) où le transgénérationnel porte essentiellement sur du matériel inconscient travaillé par le négatif (Golse, 1995). Quant à la thérapie familiale systémique, l’individu devient un élément constitutif d’un système plus complexe où sont étudiées les relations à l’intérieur de ce système, passé et actuel, afin d'en comprendre le dysfonctionnement.

La psychologie clinique s’est enrichie de ces différentes approches sur la problématique de la transmission pour répondre au questionnement des patients (enfant/adulte) en conflictualité où le clinicien est très souvent confronté à une histoire familiale fracturée, recomposée, dysharmonique, en souffrance ponctuelle, latente ou effective. En transplantation hépatique, la psychologie clinique prend en considération une blessure organique qui sous-tend une blessure psychique. Cette souffrance familiale occasionnée par cette intrusion physique et symbolique, dans le corps de l’enfant, des suites d’une hépatopathie, est, parfois même, à l’état d’ébauche en raison d’une hospitalisation en urgence de l’enfant, dans les jours ou les mois qui ont précédé sa naissance.

Des interrogations théoriques préalables, sur les processus psychiques à l’œuvre, au cours d’une transplantation hépatique pédiatrique, et sur la construction de modèles méthodologiques en adéquation avec une clinique en milieu médical, ont été nécessaires pour accéder aux processus psychiques et intersubjectifs spécifiques à cette pathologie. Ce dispositif de recherche permet la construction d’un modèle de représentation de la problématique en transplantation hépatique pédiatrique.

Cette situation traumatique entraînerait, du côté des parents, mais aussi du côté de l’enfant, une rupture, une faille dans « le transmis ». De ce fait, cette rupture impliquerait une modification inter-intrafamiliale des transmissions générationnelles constitutives de l’histoire commune d’une famille. C’est en ce sens que nous définirons les processus de transmission générationnelle, comme s’organisant spécifiquement, du fait de la situation traumatique et de la symbolique qui lui sont associées. Nous avons identifié, cette transmission générationnelle, de « transmission par un don psychique  ».

Cette rupture, fracture psychique individuelle et groupale dans l’histoire du sujet, induirait nécessairement des répercussions sur l’enfant, l’entité parentale et familiale. La maladie létale renvoierait directement au processus causal : qui a transmis ?

La transmission psychique, pour l’enfant à transplanter et ses parents, s’articulerait alors vers un processus en lien avec un don psychique nécessitant l’expression de ce que nous avons nommé « un processus de psychisation   » .

«  Ce processus de psychisation », travail psychique préalable à la transplantation, s’inscrirait dans une (ré)-élaboration des processus de transmission générationnelle sous l’axe d’une «transmission par un don psychique ». Ceci permettrait l’émergence d’une élaboration de la situation traumatique en confrontant, l’ensemble de l’entité familiale à cette souffrance, et de manière spécifique pour les parents, à une « désidéalisation brutale de l’enfant merveilleux ».

Pour l’entité parentale : selon le type de don, la réparation de « la transmission par un don psychique » s’organiserait différemment dans l’acquittement de la dette et du don culpabilitaire.

Pour l’enfant : l’expérimentation de « la transmission par un don psychique  » s’articulerait à celle de l’objet, en « trouvant-créant  » (D.W Winnicott, 1975) un objet, expression du vécu interne (soit objet transitionnel, de médiation, ou de relation).

C’est ainsi que nous exposerons nos hypothèses théoriques sur le modèle de lecture appliqué à notre recueil de données. Enfin, nous définirons notre dispositif de recherche d’un point de vue théorico pratique.