2- Méthodologie du dispositif de recherche

Ce travail clinique en transplantation s’inscrit dans une recherche doctorale et non dans le cadre de ma pratique de psychologue. Cette démarche et cette position de chercheur diffèrent de celle de praticien. Cependant, mon expérience de psychologue m’a permis de confronter le modèle élaboré dans ma recherche en transplantation avec la pratique du terrain.

C’est en ce sens que cette double interrogation, de chercheur et de praticienne, m’a conduite à poser un cadre théorique et pratique de mes interventions en milieu médical.

Il me paraît inapproprié, dans ce contexte spécifique, de nommer le travail engagé par le psychologue avec le patient et sa famille, d’entretien clinique. Nous avons fait le choix méthodologique et théorique de le définir par rencontre clinique.

Ce dispositif de recherche s’est construit autour :

Ces temps d’investigation se déroulent «au pied du lit du patient » (comme il est courant dans l’usité de cette expression en littérature clinique) ou dans la salle de jeux attenante au service de pédiatrie.

Ceci signifiant que les rencontres ne se sont pas déroulées dans un cadre strict déterminé et identifié par avance comme espace clinique.

Cette méthodologie de recueil de données a favorisé le suivi et l’accompagnement des familles durant les mouvances des hospitalisations répétées. Les temps de rencontres et d’observations ont lieu uniquement durant les séjours à l’hôpital qui se regroupent en trois temps principaux : pré-transplantation (au moment du bilan de transplantation consistant à évaluer la nécessité et la faisabilité), péri-transplantation (pendant l’intervention chirurgicale et le temps contigu de réanimation et de post-opération), post-transplantation (après la transplantation dans un suivi à long terme, soit ponctuel, soit constant du fait de complications multiples).

Cette violence de la réalité de mort, non verbalisée mais présente constamment à chaque hospitalisation pour l’enfant, les parents et l’ensemble des équipes, impose un accompagnement spécifique de la souffrance. De ce fait, l’intervention clinique en milieu médical est une prise en charge psychologique du patient et de sa famille venus soigner un désordre organique nécessitant une intervention dans le corps du patient. C’est, par conséquent, une violence physique, mais aussi psychique à l’état brut qui sont verbalisées par les parents dans un discours corporisé du non-sens du vécu de la situation, en tant que parents, vis à vis de leur enfant, et au-delà, du sens recherché dans leur propre histoire familiale.

Dans ce contexte d’hospitalisation, il m’est apparu, lors du suivi, que les rencontres et l’observation cliniques 7 , constituent un dispositif d’autant plus adapté à la démarche de recherche qu’elles induisent, une approche au plus près du vécu familial, dans le contexte de transplantation, sans en reproduire la violence chirurgicale intrusive.

Ce dispositif clinique rend possible une mise à distance (par une certaine souplesse) amorçant une verbalisation de la source anxiogène. Le psychologue vient se « greffer », en accompagnant les parents et l'enfant, dans une écoute, pas à pas, de la violence de transplantation.

En raison de cette souffrance psychique à l’état brut, la prise en charge psychologique de l’enfant nécessite de prendre en considération l’unité parent/enfant, car la présence parfois fusionnante ou l’absence parentale sont toutes deux déterminantes dans le soin corporel et psychique, puisque, étroitement interdépendantes.

Cette rencontre, «au pied du lit du malade », dans un temps et un espace informel, propose un temps d’écoute et de symbolisation de la conflictualité en lien avec la situation traumatique de transplantation. Cet espace de symbolisation favorise l’élaboration psychique parentale par la verbalisation du vécu de transplantation et ouvre une place toute relative à l’écoute de la conflictualité de l’enfant.

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, l’envahissement idéationnel parental sur la problématique organique de transplantation laisse peu de place à l’expression verbale de l’enfant dans ce cadre spécifique d’intervention. Il parvient à être écouté, grâce à une mise en scène, en jeu de sa conflictualité. L’envahissement idéationnel parental sur la transplantation de leur enfant, d'un point de vue « organique », amène celui-ci à « parler » en s’exprimant par l’intermédiaire d’objets surdéterminés par l’environnement.

Je me suis rendue dans les différents services (hospitalisations de jours, Unité nourrissons, Unité enfants, chambre mère-enfant, service de réanimation) auprès des patients, dans un accompagnement au plus près de leur réalité, partageant de fait cet espace, « la chambre » ou « la salle de jeux », accédant à l’instauration d’une confiance, « ouvrant au partage » du vécu de transplantation. Ce recueil de données a été réalisé dans un C.H.U qui possède une habilitation à la pratique des transplantations hépatiques pédiatriques. Ce choix est aussi en lien avec ma méthodologie de recherche. Mais pour ce, nous allons développer plus avant notre dispositif méthodologique de recueil et d’analyse de données.

Notes
7.

Lebovici S., dans deux articles de 1958 "Note sur l'observation directe de l'enfant par le psychanalyste" et "A propos de l'observation chez le jeune enfant", aborde la notion d'observation comme étant le premier pôle de la rencontre à condition d'en déterminer le sens et les limites.