2-1 Elaboration du dispositif clinique

Deux options principales nous étaient proposées : étudier les principes organisateurs d’une transplantation hépatique pédiatrique à travers une étude statistique inscrite dans une quantification 8 des processus repérables, et/ou pratiquer une étude clinique à travers des situations de patients transplantés.

Ce dilemme s’est posé me tiraillant entre qualitatif et quantitatif pour trouver mon positionnement au cours de la rédaction de cette étude. Mon engagement dans la recherche implique donc une double approche de praticienne, consistant à entendre la parole ou son absence auprès des patients et de leur famille afin d’élaborer une théorie sur le générationnel en raison d’une T.H pédiatrique et un positionnement plus distancié basé sur une approche métrique confirmant et servant de contrôle aux résultats cliniques produits.

C’est ainsi que je me positionne dans cet écrit par une recherche sur le terrain en lien avec l’objet d’étude, puis, scindant ce travail de retranscription, par une étude analytique et une mise en forme quantifiable des éléments recueillis. Je maintiens une primauté à l’analyse, l’étude, la synthèse du matériel clinique autour d’études de cas ou sous forme de vignettes cliniques.

Nous nous inscrivons dans le chemin tracé par Claudine Vacheret : « nous ne validons pas, par une expérimentation, pour vérifier un résultat qui confirme ou non une hypothèse, nous validons par un processus, un double processus, celui de la recherche qui se déploie à partir de cas, et celui du travail d’accompagnement du patient et du groupe  ». 9

Notre travail de recherche s’est élaboré ainsi :

  • dans un premier temps : expérimentation d’une réalité clinique, observations, rencontres cliniques semi-directives et à visée thérapeutique (ponctuelles ou régulières par une étude longitudinale).
  • dans un second temps : mise en forme d’une analyse quantitative des données recueillies au cours de rencontres et d’observations sur l’échantillon de la population.

Je pense que je n’aurais pu obtenir cette richesse du matériel recueilli, sans une implication clinique, ceci en raison d’un contexte hospitalier particulier de suspicion, sur le bien fondé des nouvelles techniques de transplantation ; malgré l’aval du comité d’éthique.

C’est ainsi que je suis « rentrée » progressivement en contact avec les familles livrant leur vécu de transplantation en acceptant ce suivi d’une partie du chemin dans cette implication et cet engagement, à vie, soit en tant que parents, soit en tant qu’enfants, durant ce programme de transplantation aliénant.

Je regrette, par ailleurs, de n’avoir pu mener, dans un second temps de recherche, une étude métrique plus approfondie, en raison de mon engagement dans une pratique clinique, en dehors du champ de cette recherche. Mais la rencontre semi-directive a permis de quantifier en données le matériel recueilli. Ma double appartenance de chercheur - praticien a été à la fois une richesse favorisant une mise à distance de mon sujet d’étude, en faisant travailler la méthodologie et une limite en raison de l’immense champ de recherche à défricher.

De ce constat, j’ai pris le parti de présenter un matériel recueilli à partir d'études de cas ou de vignettes cliniques. Une rencontre semi-directive s’organisait autour de la thématique du vécu de transplantation hépatique pédiatrique. La première parole recueillie était le plus souvent celle de la mère. Après une première rencontre, (je tiens au terme, rencontre et non entretien et j’en préciserai ultérieurement le bien fondé), généralement d’autres rencontres ont pu émerger lors des temps d’hospitalisation de l’enfant : rencontres provoquées par une demande familiale, ou non provoquées, au détour de bilans et de ré-hospitalisations.

Après quelques mois de recherche, j’observais que je ne parvenais pas à étudier «la parole » de l’enfant, étant complètement submergée par la demande parentale. J’ai donc pris un temps de recul de quelques mois dans ma recherche sur le terrain. La re-lecture de mes prises de notes faisait émerger que l’absence directe d’une parole de l’enfant sur son vécu de transplantation était un leurre. L’enfant interpellait par un langage extra verbal, par une mise en scène mettant en mouvement ce corps pathogène.

« Les mouvements » corporels des enfants, lors des rencontres avec les parents, sont apparus plus signifiants pour donner une place à l’observation. Ces observations m’ont amenée à repérer des objets significatifs (objet transitionnel, objet de médiation, objet de relation) qui, chacun, selon sa fonction, avait un rôle spécifique. Leurs analyses ont permis d’accéder à ce « processus de transmission par un don psychique » auprès de l’enfant transplanté. L’objet devient dans ce cadre spécifique un organisateur de la pensée. L’enfant repasse par la mise en scène de son corps, ce corps souffrant, pour cicatriser l’interne psychique.

Cependant, il nous est apparu intéressant de mettre en lumière certaines données sous forme d’une analyse quantitative en regard du matériel recueilli.

Je vais m’attacher à détailler ci-dessous les modalités et les objectifs escomptés par la description de ce dispositif de recherche.

Notes
8.

Les études médicales aux U.S.A en psychologie étant souvent le reflet d’une normalisation statistique.

9.

Vacheret C. (1998), "Etudes de cas, enjeux et approches cliniques", p 4 -7.