2-2-3 Dessins d’enfants

Les dessins présentés ont été réalisés librement par les enfants durant les rencontres cliniques à visée thérapeutique et non pendant le temps de la rencontre semi-directive. Librement, car aucune consigne n’a été formulée à l’enfant. Il construit pas à pas une représentation de son univers interne. Mon intervention venait de mes interprétations qui étaient suggérées à l’enfant au cours de l’exécution du dessin.

« Le dessin libre est le type même de l’épreuve projective, en ce qu’il favorise tout particulièrement l’expression des tendances inconscientes. » 1 9

Ces dessins exprimaient le vécu de transplantation des enfants en venant mettre en représentation le sens que pouvait avoir, pour leurs parents et eux-mêmes, la situation de transplantation.

« Le dessin libre est une projection, c’est-à-dire que la personnalité tout entière cherche ici à s’exprimer, et particulièrement ses éléments subconscients et inconscients, se projetant au dehors à la faveur de la liberté qui est donnée au sujet. » 2 0

Ces dessins ont été réalisés au cours de rencontres parents - enfant ou en relation duelle enfant – psychologue.

Cet objet de médiation, le dessin, fournissait à l’enfant le support nécessaire à l’expression de sa souffrance de cette mise en silence parentale devant une réalité de fait de devoir ou d’être un enfant transplanté.

Pour appréhender la place prise par les dessins des enfants, et à titre anecdotique, nous allons illustrer le sens donné à cette parole non verbale au lieu de nous attacher à un rappel théorique d’une technique clef pour tout psychologue travaillant auprès d’enfants.

Vignette clinique : Adeline ou la parole volée

Initialement, l’enfant m’est adressée par la mère en raison de difficultés relationnelles au sein de l’établissement scolaire et tout particulièrement dans la relation établie avec les institutrices. Lors de cette rencontre, hors présence maternelle, Adeline, enfant transplantée par don extrafamilial, exécute un dessin mettant en scène ses préoccupations, sujet de notre entrevue. Le dessin matérialise son impossible place sociale et renvoie à sa problématique familiale : quelle place lui est-il accordée en tant que sujet de sa propre histoire ? Quelle place lui est-il attribué par sa famille, plus spécifiquement par sa mère ?

En raison des aléas hospitaliers, l’enfant a dû sortir de cet espace de parole précipitamment.

A mon retour, le dessin avait été « volé » par la mère et jamais rendu. Cette scène extrême montre la difficulté pour les parents de laisser s’exprimer la parole de l’enfant, non contrôlée par eux, qui, pour y pallier, scrutent, analysent, synthétisent l’interne et l’externe corporel de l’enfant dans une rétention et un contrôle de tout et sur tout. Ceci pourrait s’expliquer par une réaction à l'angoisse de mort mais aussi par une difficulté à donner un sens à cette réparation«  magique » du corporel, et entraînerait pour les parents des difficultés à réinscrire l’enfant transplanté, comme sujet dans la lignée familiale, en lui assignant une nouvelle place.

Cet exemple vient illustrer l’importance de ces dessins exécutés par les enfants transplantés. L’objectif escompté par cet objet médiateur, le dessin, vise à révéler les processus psychiques mobilisés par la transplantation. Nous avons vu dans l’utilisation du dessin, un objet « facilitateur » de ce qu’Anna Freud avait défini, dès 1927, comme « un moyen de communication ».

Cette situation singulière « d’un entre deux », par cette médiation avec l’objet dessin entre l’enfant et le psychologue est efficiente, de par le temps consacré à l’enfant seul, l’adulte, étant à l’écoute de l’enfant, l’investit pleinement par son regard, accompagnant silencieusement son travail.

« Le dessin, dans ses déploiements névrotiques, nous apparaît comme un processus remarquable qui s’inscrit dans un temps relativement défini : celui d’un fonctionnement mental marqué par la capacité et l’investissement d’une figuration graphique du conflit intra-psychique. La figurabilité, à l’état de veille, de la scène psychique inconsciente se trouve à portée de la main, tant corporelle que psychique, de l’enfant qui dessine. » 2 1

Le dessin non directif permet à l’enfant de s’autoriser à une expression pulsionnelle et /ou régressive. Le dessin peut être vu comme une enveloppe du Moi corporel et psychique en permettant la figuration du Moi. Il est la représentation du processus primaire et comme figure du fantasme. Mais, le dessin est essentiellement un outil pour laisser à l’enfant la possibilité d’effectuer un travail de symbolisation.

Notes
1.

9 Corman L. (1961), " Le test du dessin de famille", p 14.

2.

0 Ibis, p14.

2.

1 Anzieu A. (1996), " Le travail du dessin en psychothérapie de l'enfant", p162.