3-3 Contexte historique

Une mobilisation psychique spécifique a été renforcée par les nouvelles techniques de bipartition (un foie pour deux receveurs) et de don intrafamilial. Des interrogations éthiques ont été soulevées sur le bien fondé de telles pratiques, surtout lors de la mise en application de la technique de transplantation à partir d’un donneur vivant apparenté, en transposant à notre culture cette pratique utilisée par le Japon (comme nous le verrons dans le chapitre suivant).

Notre étude a débuté par une recherche de D.E.A et intervenait quatre années après la première transplantation hépatique à partir d’un donneur vivant en France.

La situation des familles était la suivante :

les parents se trouvaient clivés entre « deux dogmes théorico-éthique », celui de la normalité représentée par la pratique des dons intrafamiliaux, c’est-à-dire parentaux, et celui de l’anormalité représentée par ce double acte chirurgical sur le donneur et le receveur. Cette conflictualité prométhéenne du droit à la vie / à la mort soulevait et entretenait au sein de l’institution une confusion quant à la place de chacun face à la réalité de mort.

Elle réinterpelle aussi, à un niveau plus général, la légitimité de l’acte de transplantation.

Mais elle détient le pouvoir de décision de transplantation et le choix du type de don.

La loi a apporté une réponse à ce dilemme par une réglementation de la bio éthique 3 1.

Pour notre part, aucun jugement n’est porté à ces considérations événementielles qui ne sont que le reflet de l’angoisse de mort préexistante en chacun.

Les raisons de ce bref rappel permettent d’appréhender le contexte de la mise en travail du psychologique de cette recherche dans un débat médical qui se voulait éthique. Ce débat, nous semble plus profond, relevant de représentations sociales, de rites de passage de la vie à la mort.

Ainsi, nous percevons mieux l’enjeu que pouvait mobiliser la mise en pratique d’une transplantation donneur vivant. La réponse individuelle, face à l’angoisse de mort, était une réponse sociale organisée autour d’un débat éthique normalisateur du droit et du non droit. La référence à ce « surmoi » éthique était un processus défensif contre l’effondrement de repères organisationnels séculaires. La remise en cause d’à priori identitaire a conflictualisé la pratique d’une telle technique chirurgicale mettant à mal parents-équipes et enfants.

Mais cette problématique atteint aujourd’hui un questionnement plus large sur les modalités de transmission de la vie, de la mort. D’un point de vue psychologique, nous analysons ceci comme remettant en cause les processus de transmission inter/transgénérationnel identifiés, théorisés principalement par René Kaës, structurés autour de pactes inconscients, de dettes et de culpabilités. Cette transmission, qui « s’opère » en T.H par une réparation des failles et ruptures générationnelles occasionnées, opère plus largement une (ré)élaboration en prenant en compte un don psychique.

A-t-on le droit de demander à un individu sain de donner une partie de son foie au risque de perdre la vie ?

Cette confrontation fondamentale entre mortalité et immortalité a heurté la sensibilité de chacun par la brutalité du questionnement. Les implications psychologiques dépassaient le cadre purement médical. C’est dans ce contexte confusionnel que nous débutions cette recherche « entre » des transplantations hépatiques pratiquées par dons provenant de l'intrafamilial ou de l'extrafamilial.

Ceci, nous amène à réfléchir sur ce qui est de l’ordre du médical et ce qui est de l’ordre du psychologique.

Notes
3.

1 Cf. Annexe 3.