1-1 Mythologie et mythes de transplantations

‘« Les temps que nous connaissons et ceux qui sont perdus dans les mythes est une frange comme un continuum séparant ces équipes »
(Herodote III,122)’

C'est ainsi, selon la mythologie, que ….

…Naquit un jour l’Homme, cette créature dotée d’un corps et d’une âme. Des Dieux l’accompagnaient, de sa vie à sa mort, dans les péripéties, ou ...l’inverse.... selon ces Dieux ! ! !

Qu’elles soient mythiques, mystiques ou païennes, ces traces trans-intergénérationnelles restituent les souffrances, les combats, les Amours, les haines d’êtres vivants, simples mortels, demi-dieux, dieux, titans, centaures.... La diversité des pouvoirs détenus par chacun et en chacun ne fait qu’éveiller la complexité des rapports entre les sujets et le désir de posséder ce que l’autre détient. Le plus souvent ces liens de filiation et d’affiliation mythologique sont régis par des « Lois » basées sur les principes de secrets familiaux, non-dits, confusions intergénérationnelles, parfois même, transgénérationnelles et de pouvoir - destitution d’une génération au profit de l’avènement d’une nouvelle. Le thème fondateur, « vitae mortis », vie-mort, se retrouve en filigrane dans tout combat entre mortels et immortels, c’est-à-dire la mort, comme délivrance du tragique, ou le refus de la mort, par l’accession ou la recherche de l’immortalité.

A contempler ces traces écrites d’un passé à jamais éteint, où les phases événementielles s’apparentent encore aujourd’hui, au sens propre et figuré, à un mimétisme synchronique et diachronique des liens générationnels, des transmissions positives (se référer aux travaux de S. Freud) des transmissions du négatif (A.Green, 1993), celles-ci masquent le plus souvent des dettes et des culpabilités intrafamiliales.

Au-delà de ces intrigues et nœuds psychiques qui en découlent, si nous admirons les sculptures, peintures, fresques représentant dieux, demi-dieux, héros, centaures, leur corps est un assemblage de parties distinctes où l’on est tenté de voir une préfiguration des greffes ou transplantations, en unissant, comme la mythologie se l’est autorisée, le torse d’un homme à un corps de cheval représentant un centaure, ou bien la tête d’un taureau sur un corps d’homme comme le Minotaure.

Certains souhaiteraient attribuer cette interprétation à l’imagination d’un psychologue en recherche de similitude pour « donner » sens à son sujet sur la transplantation, tellement la pensée d’un tel geste semble au demeurant improbable au vu des connaissances médicales et anatomophysiologiques jusqu'à ces dernières années. Mythe ? Réalité ? Et pourtant, en 1908, Guthrie aux Etats-Unis et Demikhov (1950) en Russie greffaient une deuxième tête à des chiens... Actuellement, les xénogreffes, prélèvements d’un organe animal (porc, singe) devant être transplanté sur l’homme, sont l’un des principaux champs de recherche développés dans ce domaine.

Mais, revenons, au temps des Dieux ….

Si nous assimilons corps et psychisme, nous pouvons évoquer les premières prémices des greffes. Zeus recevra dans ses flancs l’œuf qui donnera naissance à Athéna et coudra dans sa cuisse Dionysos, pour le délivrer à maturité, ce qui préfigure les transplantations embryonnaires. La greffe de tissu est représentée par le géant Typhon qui sectionne les nerfs des mains et des pieds de Zeus. Hermès, dieu de la santé, remet ses nerfs en place après les avoir retrouvés, cachés dans la peau d’un ours.

Quant aux changements d’organes entre humains, ils seront matérialisés par l’œil unique que s’échangeaient les trois sœurs Grées permettant à Persée de découvrir le refuge de la Méduse pour lui trancher la tête ; ou encore, Prométhée, dont le foie était mangé le jour par un aigle et renaissait la nuit, préfigure les nouvelles techniques de transplantation hépatique se basant sur les capacités de régénération du foie.

A cette époque, les mythes ne recherchent pas d’effet thérapeutique mais une réparation psychique ou/et une marque corporelle d’un lien générationnel 3 4. Cette représentation d'homme/animal, d'homme/à homme, reconstitution après transmission physique d'une partie corporelle, révèle un contenu symbolique. Il préfigure d'une transmission psychique où l'homme, par l'élément physique extérieur, prend les caractéristiques telles que la force, le fantasme de parturition de l'homme par Zeus. Dans le mythe d’Hermès, la peau de l'ours nous renvoie à la théorie d'Anzieu sur le Moi-peau. L'ours-peau dont la force protectrice protège des agressions extérieures.

Notes
3.

4Ceci nous renvoie à Œdipe et à la trace dont il est porteur sur son pied.