1-2 Du mythe gréco-romain au miracle chrétien

‘« Les mystères sont une forme de religion personnelle qui dépend d’une décision individuelle et vise une certaine forme de salut par l’intimité avec le divin » 3 5

Le bercement du mythe Gréco-romain, comme figure allégorique représentant des faits naturels, historiques ou philosophiques, laisse place à une nouvelle forme d'expression des mystères humains assimilables à une explication miraculeuse monothéiste des phénomènes survenus à l'homme.

C'est ainsi, qu'après un polythéisme Gréco - Romain, Zeus, Dieu de l’Olympe, et les Dieux, demi-dieux qui lui sont associés, laissent place à l’ère chrétienne. Le Christ, par l’accomplissement de nombreux miracles, devient le médecin de l’âme et du corps.

Le miracle se distingue nettement du mythe. Son origine provient, non plus du grec, mais du latin, miraculum et de mirari, admirer. Le miracle est un fait surnaturel, contraire aux lois de la nature. L'effet produit et la cause associée échappent à la raison de l'homme. Les miracles différent des mystères par leur nature et leur dimension.

Certains miracles décrits s’apparentent aux prémices de la transplantation humaine tels que :

la scène selon Saint Luc évoque Jésus remettant en place l’oreille d’un centurion que Pierre avait arrachée d’un coup d’épée 3 6. Ou encore, le Miracle de Saint Antoine de Padoue qui recolle le pied d’un jeune homme, volontairement mutilé 3 7.

Le plus célèbre de ces miracles, fondant l’art de transplanter fût accompli par Saint Côme et Saint Damien 3 8 (vers 284-305).

«   Félix, pape, le huitième après saint Grégoire, érigea une belle église à Rome en l’honneur de Saint Côme et Saint Damien. Et un homme servait les saints martyrs en cette église, et un cancer lui avait dévoré toute une jambe ; et tandis qu’il dormait, saint Côme et saint Damien lui apparurent, et ils portaient avec eux des instruments de fer et des onguents, et l’un dit à l’autre : «   Où prendrons-nous de la chair pour remplir la place d’où nous ôterons la chair pourrie ? Et l’autre lui répliqua : «  Un éthiopien est aujourd’hui tout fraîchement enseveli au cimetière de Saint-Pierre-ès-Liens ; apporte-nous de sa chair pour mettre ici.  » Et alors il alla au cimetière et il apporta la jambe de ce mort , et ils coupèrent la jambe du malade. Et quand il s’éveilla et qu’il se sentit sans douleur, il mit la main à la jambe et il ne sentit nul vestige de son mal ; et il prit la chandelle, et quand il ne vit nulle trace de sa plaie, il crut d’abord qu’il n’était pas lui-même et qu’il était devenu autre ; et quand enfin il eut repris ses sens, il tomba de son lit dans l’excès de sa joie, et il raconta à tous ce qui lui était advenu en dormant, et comment il avait été guéri. Et ils envoyèrent en hâte voir au tombeau du Maure, et ils trouvèrent la jambe du mort coupée, et la jambe de l’autre déposée dans le tombeau.  »

A l’époque, cet événement fît grand écho et influença tout le monde artistique, par des représentations picturales et sculpturales. Le monde médical vît, en Saint Côme 3 9 et Saint Damien, les patrons des médecins et des chirurgiens.

Toutes ces pratiques s’appliquent principalement à la partie visible du corps, prélever un membre, une tête.....L’intérieur du corps humain étant méconnu, représente le côté obscur de l’être. Ce principe est renforcé par les croyances et coutumes où la contemplation des entrailles permet aux anciens d’effectuer des présages qui relèvent, à cette époque, de pratiques obscures et maléfiques en lien direct avec la sorcellerie.

Ces principes religieux et éthiques entravent l'observation, la connaissance et la prise en compte de l'interne corporel comme enveloppe tant organique que psychique, puisque, régis par les seuls principes du bien et du mal.

Notes
3.

5 Burkert W. (1992), "les cultes à mystères dans l’antiquité", p 23.

3.

6 Scène peinte par le Hollandais Boots au XVème siècle. Bible volume 2 ligne 50 : « Et l'un d'eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l'oreille droite. Mais Jésus, prenant la parole, dit : "Laissez, cela suffit. Et lui touchant l'oreille, il le guérit". »

3.

7 Sculpture de Donatello vers 1450.

3.

8 Jacques de Voragine, Archevêque de Gênes, “La légende dorée de la vie des saints au XIIIème siècle”.

3.

9 Leurs effigies ornent les frontons des facultés de médecine.