2-1 Le foie

2-1-1 Sa symbolique

Depuis la nuit des temps le foie est perçu comme un organe mystérieux qui détient un pouvoir divinatoire de prédiction. Etrange vertu attribuée à cet organe, « liver » en anglais, « leben » en allemand, provenant de la même origine, « vivre ». Le terme foie provient du latin Jecur, ficutum qui était un foie d'oie engraissée avec des figues.

L’étymologie du foie est intimement liée aux origines grecques et à la religion. C’est ainsi que les Grecs avaient pris l’habitude d’engraisser leurs oies avec des figues ce qui avait pour fonction de faire grossir le foie. Ils nommaient un pareil foie hëpar sylcöton, de sykon : figue. Les romains traduiront ce mot en latin par, ficätum, de ficus « figue ». Le commerce avec la Grèce maintenait dans les pays de langue latine la connaissance du mot grec. Cette transmission orale d’un foie animal, destiné à la consommation, a traversé les temps pour désigner le foie dans sa généralité.

Le foie, du latin ficus, le figuier, est ontologiquement à relier au désir exprimé dans la genèse après la chute d'Adam et Eve : « ils cousent une feuille de figuier et s'en font des ceintures » 4 4

Cette énergie ontologique, désir, Amour de Dieu, le foie donne son fruit, et la malédiction d’avoir mangé le fruit défendu imposait à l’homme la nécessité d’une pudeur dont la feuille de figuier officiait comme objet protecteur.

Ce foie s’origine aussi du terme, caved, signifiant « lourdeur, pesanteur, richesse, puissance…  » . Nous trouvons alors un rattachement symbolique à la Bible. Le foie est perçu par son étymologie comme «  le siège de la puissance divine et de sa gloire, car, lorsqu’elle pénétrait autrefois la tente d’assignation des hébreux au Sinaï, nul homme ne pouvait entrer dans ce lieu » 4 5

Nous trouvons aussi dans le livre de Jean, XIX, 30, le foie est le lieu du corps où «s’engrange la lumière de l’accompli ». Et lorsque «tout est accompli, le foie devient lourd de la richesse de m n’ et c’est la résurrection, le passage de la « porte de Dieu » ».

Mais de tout temps, le foie a participé à la connaissance, au pouvoir de vision. Il est le siège d’une nouvelle intelligence sur les événements, d’une nouvelle sagesse sur les décisions à prendre.

Transplanter un nouveau foie ne serait-il pas le moyen d’atteindre une nouvelle sagesse et une tentative d’atteindre l’illusion possible d'une immortalité comme nous le conte l’histoire de Tobie ?

Dans l’histoire de Tobie, il semble que le foie est confondu avec le cœur. Le foie est utilisé pour chasser les démons de Sarah. Le foie possède, dans la mythologie et la religion, la puissance de l’immortalité et une étroite relation, en hébreu, avec le nom divin.

Mais l’Orient et ses croyances ont eux aussi toute une symbolique qu’ils attribuent au foie.

Les Chinois voient dans le foie «un bouclier qui sert à protéger. ». Cet organe-trésor, transmet, selon la philosophie chinoise : « son pouvoir lumière » à son organe atelier, la vésicule biliaire, qui, traditionnellement, est le siège du discernement.

Le traité de base de la médecine chinoise traditionnelle, le souwen, définit le foie comme étant «le générateur des forces ; il est le général qui élabore les plans, la vésicule biliaire est le juge qui décide et condamne ». De ce fait, le foie étant le générateur des forces, il est en même temps celui de la colère, du courage des vertus guerrières (dans la civilisation occidentale, cette caractéristique se retrouve par l’expression «rongeons les foies »).

Les termes foie et fiel sont éminemment liés entre eux et au mouvement de la colère, au fiel, à l’animosité, aux intentions délibérément venimeuses.

Dans la Chine antique, on allait plus loin dans les convictions jusqu’à un passage à l’acte physique et non plus symbolique. On mangeait le foie de ses ennemis, dans le cas contraire c’était l’expression d’un manque de courage. La légende accorde à Kong-yin d’avoir ouvert son ventre pour remplacer son foie par celui de son seigneur tué au combat.

L’Islam attribue au foie, les passions et au fiel, la douleur.

Nous terminerons l’évocation symbolique de cet organe par la dévoration du foie par Prométhée. L’aigle oblige l’homme à descendre dans les nuits de l’inaccompli pour y célébrer ses noces avec la terre-mère. Au bout de mille ans, il a atteint le nombre de l’unité reconquise. Prométhée est libéré. Il est introduit par Zeus dans le séjour des Dieux. Cependant, le mythe ne se termine pas ainsi. Le couronnement de Prométhée ne va pas sans la mort du centaure Chiron (homme-animal) dont la fin confirme la guérison de l’humanité.

Nous reprendrons ce mythe qui jalonnera notre recherche de son éclairage symbolique. Mais avant, nous allons nous orienter sur les connaissances physiologiques et médicales actuelles et laisser provisoirement les mythes.

Notes
4.

4 Genèse, III, 7.

4.

5 Exode, XL p34-35.