1- Elaboration d’une pensée théorique autour du mythe de Prométhée

Pour rester dans la lignée théorique transmise par nos pairs, à l’origine de notre approche clinique, nous nous sommes appuyés sur le modèle de recherche Freudien pour aborder le champ théorique d'un concept par l’intermédiaire du mythe.

S. Freud percevait dans le mythe : «  un fragment dépassé de la vie psychique infantile de la collectivité. Il contient (sous une forme voilée) les désirs de l’enfance de la collectivité. » 5 5

Et N. Abraham pourrait répondre en échos à S. Freud :

«Ainsi le mythe est le vestige de la vie psychique infantile d’un peuple et le rêve est le mythe de l’individu. » 5 6

Dès l’origine de la conception et de l’établissement des préceptes ou principes de la psychanalyse, S. Freud prit appui sur la mythologie pour fonder les principaux complexes théoriques qui organisent et structurent la psyché humaine ; déjà le terme de psyché s’origine autour d’un mythe.

Partir des mythes grecs fondateurs de notre culture, de nos origines, nous semblait être le prolongement des enseignements psychologiques et psychanalytiques reçus jusqu’alors comme modèle à penser les processus psychiques.

R. Roussillon qualifie le mythe«  d’objet de recours, destiné à maintenir ou rétablir la continuité et la cohérence d’une pensée, là où l’élaboration est en difficulté momentanée et avant que l’analyse ne soit en mesure de ressaisir autrement ce que le mythe tient imaginairement articulé.  » 5 7

Le mythe de Prométhée a pris tout son sens au fur et à mesure que se construisait, s’élaborait, se structurait en parallèle, l’approche des phénomènes psychiques régissant les processus de transplantation hépatique.

Lors de la recherche de D.E.A, le mythe de Prométhée a été évoqué à titre illustratif 5 8sans pour autant développer l’aspect théorique. L’écrit sur ce mythe se limitait à une approche exhaustive mettant en évidence les processus psychiques de culpabilité, de dette et de faute régissant une réparation organique du foie dans un refus de mort, « donnant » à Prométhée l’accession à l’immortalité corporelle par son foie renaissant sans cesse, et à l’immortalité psychique par « la pensée prévoyante » qui le définit et perdure à travers les temps.

Dans cette recherche de doctorat, le mythe a toujours été en filigrane dans l’élaboration théorique se déployant en parallèle avec une étude de la clinique des transplantés. La théorie, sur les processus psychiques individuels et familiaux mobilisés par la transplantation hépatique qui en découle, a pris tout son sens par l’analyse fine du mythe de Prométhée.

Pour cela, nous devions dépasser la lecture d’une simple histoire d’un foie qui mourrait le jour et renaissait la nuit en nous interrogeant sur les phénomènes trans, c’est-à-dire l’au-delà de la « mission » de Prométhée apportant aux hommes le feu, les arts et les sciences. L’une des explications plausibles relatives aux exploits et à l’enchaînement de Prométhée se trouvait dans l’histoire plus obscure des origines et du sens donné au mythe.

Ces questions m’interpellaient : trouver une des solutions devenait une nécessité théorique explicative aux phénomènes de transplantations hépatiques, et le but principal, me demandant dans un premier temps une recherche bibliographique et mythologique minutieuse pour accéder à une analyse inter/transgénérationnelle des phénomènes posant les interrogations suivantes :

  • qu’est-ce qui a pu amener Prométhée à une réparation sans cesse renouvelée qui ne prenait effet qu’à un moment particulier ?
  • quel sens avait ce moment particulier ?
  • où se situe la défaillance de la transmission ?
  • où s'origine la défaillance du transmis ?

Je vous livre ma réflexion, mon analyse telles qu’elles se sont développées durant l’élaboration du D.E.A trouvant tout son sens lors de la rédaction de cet écrit de doctorat finalisant plusieurs années de cheminement théorique. Nous mènerons l’exposé selon ce principe réflexif pour parvenir à une théorisation du processus de « Transmission par un don psychique ».

Notes
5.

5 cf. livre Henri-Paul Jacques, Mythologie et psychanalyse, le châtiment des Danaïdes cf. Freud « the relation of the poet to day – dreaming » p. 189.

5.

6 Ibis.

5.

7 Roussillon R. (1989), " le négatif, figures et modalités", p139.

5.

8 J’ai choisi sur les conseils de mon directeur de recherche d’aborder d’un point de vue théorique, le mythe lors de cet écrit.