CHAPITRE IV
« PROCESSUS DE PSYCHISATION »
DANS « LA TRANSMISSION
PAR UN DON PSYCHIQUE »

Dessin n°2 Jérôme
Dessin n°2 Jérôme

Introduction

La naissance d’un enfant désiré se structure autour d’une élaboration psychique parentale, sur la place, la fonction et le rôle déterminés par des transmissions inter-transgénérationnelles constitutives de l’histoire d’une famille. Les processus engagés, lors de la venue d’un enfant, sont complexes. La pathologie hépatique mortelle ne fait que réactiver brutalement ce moment primordial de la transmission de la vie et de la mort. La transplantation active une fantasmatique qui met en exergue les processus de transmission ceci en raison d’une implication physique spécifique de trans - planter un autre organe, dit sain, en remplacement d’un organe létal. Lors de la naissance de l’enfant, les parents s’attendent à transmettre la vie et se retrouvent confrontés brutalement à la transmission immédiate de la mort ce qui les renvoie à une culpabilité et blessure narcissique touchant au générationnel.

La transplantation vient mettre en acte la représentation psychique de la scène traumatique d’une potentielle naissance d’un enfant malade. Cette mise en scène du traumatique peut être travaillée et s’élaborer psychiquement dans le cadre hospitalier. Nous avons constaté dans le chapitre précédent que ce travail d’élaboration de la «  transmission générationnelle   », en raison d’une situation traumatique particulière, moment de choc, était mis en travail sous forme d’une  «  transmission par un don psychique  ».

Dans ce chapitre, nous allons nous intéresser au vécu de transplantation sous l’axe des processus de «  transmission par un don psychique  » , aussi bien du côté des parents, que du côté de l’enfant transplanté. Nous avons dégagé un processus organisateur que nous avons nommé «  le processus de psychisation   ». Ce mécanisme spécifique par la situation de transplantation se construit autour de principes psychiques particuliers.

Nous aborderons cette question de la «  transmission par un don psychique  » à travers «  le processus de psychisation   » en étayant notre argumentation par l’étude du cas de Jérôme. Un recul de 11 ans dans la transplantation de cet enfant, pour l’ensemble de l’entité familiale, permet une vision structurée, en dehors de l’urgence à transplanter, et de revisiter dans l’après coup «  ce processus de psychisation  ».

Après avoir donné les principes théoriques généraux sur ce concept du «  processus de psychisation   », nous dégagerons les phases constituant cette élaboration du traumatique pour que les parents, et dans le prolongement l’enfant, « acceptent » une nécessaire transplantation. Pour ce, nous aborderons cette problématique en retraçant à travers deux vignettes cliniques, le cas de Marie, lorsque «  le processus de psychisation  » ne s’est pas mis en place et le cas d’Ophélie où «  le processus de psychisation » s’est structuréselon les phases nécessaires pour amener un enfant vers une transplantation et une acceptation relative en post-transplantation.

Dans une dernière étape du travail, nous étudierons la notion de «  désidéalisation brutale de l’enfant merveilleux  » dans «  le processus de psychisation   » qui s’applique tout particulièrement aux parents d’enfants transplantés, à travers une étude de cas de la famille d’Alice déniant toute réalité de ce processus.

L’hypothèse que nous avions formulée précédemment est la suivante :

«   La transmission par un don psychique   » , lors d’une transplantation hépatique, induirait l’élaboration « d’ un processus de psychisation   » pour les parents et l’enfant afin de se risquer à autoriser, à tenter la transplantation en l’intégrant, comme nécessaire, en post-transplantation et demanderait spécifiquement aux parents «  la désidéalisation brutale de l’enfant merveilleux  »

«  Ce processus de psychisation   » se structurerait autour de trois phases successives (phase de négation, phase de tentative d’identification d’un coupable, phase de conflictualité), s’amorçant ou s’élaborant à des stades variables selon le degré de symbolisation psychique et intersubjectif.

Pour les parents, l’élément différentiel durant la phase du « processus de psychisation   » serait :

la découverte brutale, par les parents, de la maladie mortelle de leur enfant qui entraînerait « une désidéalisation brutale de l’enfant merveilleux ».