1-2 Etude de cas de la famille J. et de Jérôme
Ou « La mort aux trousses »

Jérôme est un adolescent de 15 ans, physiquement, il n'en paraît que 11. Paradoxalement, ce chiffre correspond aussi aux nombres d’années de sa transplantation. Une pathologie associée est venue «  se greffer  » à la T.H ayant pour conséquences différentes malformations anatomiques (problèmes de vue, d’audition, de dentition enchevêtrée).

Depuis quelques années des complications sont à nouveau apparues. Une éventuelle retransplantation est probable avec un risque de mortalité très élevé au bloc opératoire. La structure familiale s'organise autour d'un couple parental d'une quarantaine d'années qui en parait beaucoup plus. Ils ont pris connaissance du pronostic de cette réopération qui devrait être pratiquée, un jour… Quant à l'équipe soignante, elle est confrontée à la souffrance de Jérôme et de ses parents. L’angoisse de mort est de plus en plus récurrente chaque année.

C'est dans ce contexte particulier de post-transplantation que je rencontrerai ponctuellement sur une durée de quatre années Jérôme et ses parents. Nous ne retracerons seulement que trois des rencontres cliniques qui auront lieu durant ces quatre années de recherche dans le service de transplantation, rencontres ponctuelles en post-transplantation sous forme d’une exploration de la problématique individuelle et familiale. Je situerai ma place dans un cadre de clinicien - chercheur, fonction déterminée par un lien transférentiel/ contre transférentiel qui s’est créé lors des rencontres cliniques venant répondre à une demande déjà présente.

Suite à nos rencontres, Mme émettra à l’équipe médicale le souhait d’une prise en charge psychologique de son enfant. En réponse, des rendez-vous psychiatriques furent proposés, et une médicalisation s’ensuivit pour traiter les troubles du comportement (hyper agitation…) de Jérôme apparus progressivement en post-transplantation. Ce renvoi vers une pathologie psychiatrique fût vécu par l’ensemble de la famille comme une souffrance intolérable qui venait se «greffer» aux pathologies organiques déjà multiples.

Les rencontres présentées dans cette étude mettent en exergue, l’enfant et sa famille en post – transplantation, dans ces limites extrêmes de conflictualité psychique du rapport à la vie, à la mort mobilisé par tout acte de transplantation.

Les rencontres, non transcrites, dans cette recherche, se sont organisées «au pied du lit du malade», dans un soutien psychologique ponctuel, suite à la demande explicite de Mme et à la demande implicite de Jérôme.

Ces rencontres ponctuelles se sont déroulées lors des visites ou des réhospitalisations de Jérôme. La décision de ne pas évoquer l’ensemble de ces rencontres est un choix méthodologique centré sur la confidentialité de la parole et de la confiance que m’ont accordées Jérôme et ses parents (lors de visites à l’hôpital, je rencontrai Monsieur J).

Il semblait important de pouvoir retranscrire non pas le travail clinique mais le questionnement, les souffrances et les angoisses qui, dans l’après coup de la transplantation, nous restituaient une expérience précise du vécu psychique individuel et familial de la «  transmission par un don psychique » dans l’élaboration du « processus de psychisation ».

C’est ainsi que s’organisera notre exposé en tenant compte de ces paramètres tout en mettant en travail la problématique de l’hypothèse décrite précédemment.

Nous présenterons la première rencontre en présence de Mme J, où Mme, élabore dans l’après coup de la transplantation, le vécu parental de 11 années de transplantation au cours d’une rencontre semi-directive.

Les deux rencontres individuelles suivantes (la 2ème avec Mme J et la 3ème avec Jérôme) illustrent une problématique particulière : la pensée magique de la transplantation ayant laissé place à la réalité de mort.