1-3 Conclusion du cas

La réalité de mort, toujours niée ou scotomisée par le processus de transplantation qui s’inscrit dans une représentation prométhéenne d’une réparation d’un foie, ne peut entendre la mort. Le cheminement constant de cette famille dans le processus idéalisé d’une réparation, comme Mme l’évoque, «  miraculeuse  », «  magique  », a laissé au cours du temps le principe de réalité prendre le pas sur une fantasmatique sécurisante qui ne jouait plus à un moment donné ce rôle de défense contre l’angoisse de mort. Le principe de réalité devient alors un mode de fonctionnement qui sécurise par son ancrage, dans une réalité concrète, à défaut d’une certitude d’immortalité possible.

L’accès au principe de réalité évoqué par Mme l’amène à se requestionner sur la vie et la mort. C’est à ce titre que l’exposé de ce cas détient toute sa richesse par le questionnement sur la mort comme partie constitutive de la vie dans le générationnel.

La transplantation a mobilisé un travail impliquant du générationnel par cette élaboration nécessaire à l’acceptation de transplanter un enfant. Sur trois générations sont réactivés ou désactivés les liens unissant chaque chaînon au précédent. C’est ainsi que l’annonce de la maladie de Jérôme a ébranlé pour son père et pour lui-même la reconnaissance filiale dans la lignée paternelle. Cette famille nucléaire « rompt » symboliquement avec ses origines, ses racines. Jérôme en surinvestissant la famille maternelle idéalisée parvenait à trouver un équilibre illusoire. L’effondrement des représentations par la mort du grand-père maternel laisse une plaie béante structurant l’organisation familiale sur un vide provisoire dont Jérôme, porteur initialement d’une transmission de la vie, n’a pu parvenir à poursuivre et réparer ce générationnel défaillant. En raison de son atteinte organique, si nous revenons au mécanisme de psychisation au moment d’une transplantation, il a pu fonctionner par les représentations parentales suffisamment structurées au niveau du couple, leur permettant de réparer le dysfonctionnement familial en assumant leur position parentale de transplanter leur enfant. Nous pourrions résumer ainsi : ils mettent tout en œuvre en bons parents pour sauver leur enfant, en opposition aux parents de Monsieur qui auraient laissé mourir l’enfant.

Cette potentielle ré-interrogation d’une décision de re – transplantation modifie le travail de psychisation. C’est en cela que le « processus de psychisation » initial s’organise autour du principe de «  désidéalisation brutale de l’enfant merveilleux  » par une corporisation de la décision de transplantation, processus qui se retrouve dans d’autres situations chirurgicales avec diagnostic de létalité de l’enfant. Dans ce cas d’une potentielle re-transplantation, « le processus de psychisation » amenant les parents et l'enfant vers une décision de transplantation diffère. Il s’agit ainsi d’une ré-interrogation plus approfondie sur le sens de « la transmission par un don psychique  » en lien avec le principe de vie et de mort. La transplantation n’est plus vécue comme décision des parents qui, dans une première démarche, ont été détenteurs de la nécessité de transplantation. L’échec de la transplantation est au-delà de leur position de parents et questionne sur : ont-ils nécessairement pris la bonne décision ? Et réinterroge à ce moment-là l’enfant dans le désir parental.

Après avoir dressé, à travers une étude de cas, les grandes lignes du «  processus de psychisation   » comme lien organisationnel, nous allons étudier les étapes qui le constituent.