CHAPITRE V
PARENTS ET TRANSMISSION PAR UN DON PSYCHIQUE
Lors d’une transplantation hépatique pédiatrique par don extrafamilial

Dessin n°4 Fabrice
Dessin n°4 Fabrice

Introduction

Le descriptif et l’étude théorique du « processus de psychisation » nous ont révélé la complexité des mécanismes actionnés par une transplantation hépatique pédiatrique sur un plan organique mais aussi psychique.

Dans le cas d’une transplantation hépatique par don extrafamilial138, ceci nécessite la mise à l’extérieure d’un objet interne, non figuré, son propre foie, puis l’intrusion d’un autre objet externe, le foie d’un autre, non soi, qui ne sera jamais constitutif du sujet, mais qui fera fonction de soi. L’enfant existera et se construira une image corporelle et psychique en fonction de ce paradoxe. Les parents devront faire vivre leur enfant avec une partie d’un autre créant une effraction dans l’unité familiale, symbiotique qui tentait d’élaborer une identité générationnelle. Cette intrusion de l’étranger dans toutes ces formes vient rompre brutalement une histoire familiale construite, ou qui tentait de se construire, avec ses représentations, ses blancs, ses fantasmes, ses idéaux et ses modèles identificatoires.

Ce don extrafamilial est porteur d’une double identité : corporelle et psychique. Nous avions développé les raisons et les conséquences motivant un don dans le chapitre III. Nous avions conclu que le don n’était pas un acte gratuit, il était porteur de représentations, de fantasmes, d’idéaux et de modèles identificatoires. Nous venons de reprendre les mêmes caractéristiques qui servent de base organisatrice au fondement de l’unité familiale. De ce fait, la transplantation, situation traumatique vient faire rupture dans le transmis générationnel qui ne peut se poursuivre selon les données premières. Il faudra une réadaptation à la situation actuelle pour reformater, avec ces nouvelles données, l’intégrité familiale. Nous avions identifié ce travail psychique de « processus de psychisation » dans le chapitre précédent.

La transplantation hépatique pédiatrique par don extrafamilial est un événement particulier dans l’histoire familiale, une expérience de rupture dans la constitution même des liens qui tentaient de s’élaborer.

La T.H par don extrafamilial mobilise ce travail de rupture défini par R. Kaës, mais aussi l’expression de la culpabilité de n’avoir pu donner une vie non défaillante à leur enfant. Cette situation traumatique vient faire rupture dans le générationnel. La culpabilité n’est que l’expression du trauma. Ce don extrafamilial demande inconsciemment à pendre place dans l’histoire familiale. L’acquittement d’une dette parentale en raison de cette absence de transmission tentera de prendre place pour permettre à chacun de vivre « avec » les nouvelles données en tant que père, mère et enfant transplanté.

Nous appuierons ce développement théorique autour de trois situations cliniques qui mettent en travail notre concept de « transmission par un don psychique » par don extrafamilial du côté parental :

  • la première est celle des parents de Fabrice dont l’étude aborde le travail de rupture dans le transmis générationnel induit par la transplantation de leur enfant.
  • Les deuxième et troisième situations cliniques mettent en lumière le processus de « transmission par un don psychique » dans l’expression de la culpabilité et de l’acquittement de la dette en raison d’un don extrafamilial faisant rupture dans le générationnel. Ces deux cas nous serviront pour analyser la fonction octroyée par les parents à ce don psychique extrafamilial dans les dettes et culpabilités par un dépassement ou par un enkystement dans une faille, une rupture du générationnel.

C’est ainsi que la vignette clinique des parents d’Ophélie fait travailler le processus de « transmission par un don psychique » intergénérationnel où l’on observe pour les parents une élaboration autour d’un dépassement de la rupture générationnelle.

L’étude de cas des parents de Linda active des processus, tant inter que transgénérationnels, dont leur approche restera à l’état d’hypothèse en fonction des données recueillies. Cependant, la situation traumatique étant telle, que les parents (ou dans le cas qui nous intéresse ici le père) ne parviennent qu’à rester enkystés dans une inaccessibilité au travail de culpabilité et d’acquittement de la dette générationnelle mobilisée par la transplantation de Linda.

Ceci nous a amenés à proposer l’hypothèse suivante :

L’autorisation des parents à pratiquer une transplantation hépatique par don extrafamilial chez leur enfant, réactiverait ou révélerait, par la situation traumatique anxiogène, une faille, une rupture dans la transmission générationnelle, et nécessiterait une (ré)élaboration du processus de « transmission par un don psychique » soit sous la forme d’un enkystement soit sous celle d’un dépassement pour permettre aux parents de mettre en travail la culpabilité d’une défaillance dans la transmission et l’acquittement de la dette par ce don extrafamilial.

Notes
1.

38 Le don extrafamilial provient d’une personne en coma dépassé faisant don de son vivant, ou par consentement tacite auprès de sa famille avant son décès de ses organes après sa mort.