2-3-2 Situation d’hospitalisation

Lors de la constitution du dossier d’admission par le médecin pour le programme de transplantation

Au vu des analyses amenées par les parents, le diagnostic de transplantation est entériné sans nécessité de bilan de contrôle en précisant aux parents l’inéluctabilité de l’intervention chirurgicale. Le père s’informe des différentes techniques à leur disposition.

Celui-ci, lors de cette rencontre, émet le souhait d’être donneur vivant pour sa fille. Les situations, médicale et familiale, sont à priori sans complication particulière. Il est évoqué par le médecin, lors de cette rencontre, la proposition d’inscrire l’enfant sur liste de transplantation sans tarder, et la demande spécifique de Monsieur de pratiquer une transplantation à partir d’un donneur vivant en accord avec Mme. Ces propositions seront soumises à l’approbation du comité scientifique de l’hôpital lors du colloque médical qui se réunit une fois par semaine.

Chronologie médicale à partir de l’admission dans le service de T.H pédiatrique :

• 1er Colloque médical :
  La présentation du cas, lors du colloque, a été évoquée ci-dessus accordant l’autorisation de pratiquer le bilan de pré-transplantation.

• 2ème Colloque médical :
  Après examen du dossier médical, les différents résultats corroborent les premiers bilans. Un accord consensuel est autorisé pour l’inscription de l’enfant sur les listes de transplantation. En parallèle, il est étudié la proposition de Monsieur d’être donneur vivant. Une autorisation de bilan de transplantation est accordée pour Linda.

• 3ème colloque médical :
  Les premiers résultats font apparaître une malformation de l'enfant qui rend l’opération périlleuse.
  De plus, des comportements particuliers de Monsieur sont notés par les différents partenaires en lien direct avec l’enfant et sa famille. Les infirmières constatent un comportement anormalement symbiotique provenant de Monsieur envers sa fille. La mère se situe en retrait de toutes situations qui seraient source de conflits dans le couple.
  Les conduites alimentaires, orchestrées par le père, s’organisent autour d’un rituel spécifique invariable et non modifié, ayant déjà entraîné des conflits entre le personnel (qui a tenté d’intervenir) et Monsieur. Cette façon de faire étonne l’ensemble du personnel puisque l’enfant doit manger dans une position particulière, le biberon administré la tête inclinée, dans un espace et un temps bien définis, sur un coussin particulier tenu par Monsieur (« En contorsion, suivant les mouvements de sa fille qui s’oppose à lui dans la prise alimentaire » dixit la surveillante présente à la réunion). Si toutes ces conditions ne sont réunies, monsieur se « met en scène » dans le service, bousculant verbalement les infirmières. Chaque repas étant à lui seul un spectacle navrant où les infirmières observent, impuissantes, Monsieur, qui ne les laisse pas approcher son enfant, autrement que pour les soins médicaux.
  Un discours hyper adapté au langage médical et une prise de décision sur des gestes médicaux de base ont entraîné des oppositions entre l’équipe et Monsieur. Toutes ces inquiétudes sont évoquées par les équipes infirmières, mais aussi par les internes en lien direct avec l’enfant.
  A l’opposé, les chefs de service qui rencontrent les parents dans un cadre différent, puisque détenteurs des décisions et des choix médico-chirurgicaux, sont face à un père hyper adapté, fort inquiet de la santé de sa fille, ne présentant aucun signe de refus d’une contrainte médicale.
  Ce double langage pose de plus en plus question.
  A la demande des médecins, je rencontre les parents de manière informelle, m'inscrivant dans un processus de recherche clinique, accompagnant les familles, en pré-péri-post transplantation. Un bilan psychiatrique de faisabilité est pratiqué par un expert désigné, externe aux équipes médico-chirurgicales.
  Des données de plus en plus inquiétantes, quant à l’attitude de Monsieur et aux possibilités de se détacher du don et de maintenir l’intégrité de l’enfant, posent question sur l’éventualité de pratiquer une transplantation par donneur vivant apparenté.

• 4ème Colloque médical :
  Lors du colloque médical, il est décidé, dans l’intérêt de l’enfant, de ne pas pratiquer un don intrafamilial et de tenter une transplantation par bipartition afin, là aussi, de décentrer le don sur deux transplantés : un adulte, plus un enfant, ceci afin de permettre à Linda, lorsqu’elle sera plus âgée, de se construire une identité en dehors d’une confusion de place et du rôle paternel pris par ce dernier en raison de la T.H.
  Le père ayant fini le bilan de pré-transplantation, il est proposé aux parents, au vu de l’âge de l’enfant et des problèmes médicaux spécifiques constatés (malformation au niveau de la vascularisation), de maintenir l’inscription en liste et, si un don extrafamilial intervenait rapidement, de pratiquer l’opération dès que possible.
  Une semaine plus tard, un donneur anonyme était disponible, conforme aux exigences chirurgicales et immunologiques. Une transplantation par bipartition a été proposée aux parents et acceptée par eux. La rapidité d’un don disponible a permis de pratiquer cette technique sans avoir besoin d’opposer un refus à ce père pour être donneur vivant.
  Puis, trois reprises au bloc sont nécessaires dans les jours suivants.
  Trois mois après, l’enfant sort de l’hôpital sans complication particulière.
  Des contrôles réguliers sont pratiqués.
  Il est à noter des difficultés persistantes dans la prise alimentaire, plus en lien avec une pratique parentale, qu’avec des difficultés organiques. De même, deux ans après la transplantation, au niveau du sommeil, l’enfant ne dort pas encore ses nuits correctement imposant un rituel d’endormissement à ses parents.