2-4 Conclusion théorique

Le dépassement ou l’enkystement de la culpabilité et de la dette résulte des capacités des sujets à établir, ou à ne pouvoir établir, des liens générationnels suffisamment structurant pour inscrire et s’inscrire dans la lignée familiale, malgré la transplantation de leur enfant par un don extérieur à tout lien familial.

Le dépassement, de la dette et de la culpabilité, parvient à « s’opérer » par une élaboration psychique du vécu de transplantation dans le lien de parentalité et de parenté avec l’enfant transplanté et avec ses propres ascendants. Les parents mettent en mots ce don extrafamilial dans sa représentation physique et dans sa représentation imaginaire, fantasmatique et symbolique, à un niveau individuel et groupal.

Nous nous expliquons ; ce don extrafamilial vient prendre vie dans une représentation purement psychique et non plus seulement organique. Dans les cas non pathogènes, les parents parviennent à inscrire à minima ce don organique comme constitutif du corps de l’enfant faisant partie intégrante de ce dernier et lui donnant vie. L’unification du corps, pour ces parents d’enfants transplantés, permet une réunification du morcellement initial induit par la transplantation.

Cet enfant futur transplanté, imaginé par les parents sur un plan fantasmatique comme morcelé, perd une certaine unité psychique puisque se situant dans un entre-deux, vie/mort. Lorsque les parents accèdent au dépassement symbolique de la transplantation de leur enfant, ce dernier parvient à se réactualiser dans une unité d’enfant transplanté inscrit dans le prolongement d’une chaîne générationnelle. L’enfant s’inscrit dans l’histoire familiale autour de ce don psychique rompant par sa maladie la transmission parentale initiale. Ce don psychique, que nous avions défini dans le chapitre III, est bien évidemment particulier à chaque histoire de vie familiale en raison de la transmission générationnelle précédente et actuelle.

Nous avons hésité à utiliser le négatif du terme dépassement, l’absence de dépassement, pour définir les situations à l’opposé qui sont dans une impasse du psychique en raison du générationnel qui vient faire trace et cicatrice. La dénomination d’absence de dépassement n’est pas le terme exact ; il s’agit d’un enkystement dans une situation donnée faisant référence à un trauma initial ou primordial (cf. R. Kaës), dans la chaîne générationnelle du sujet ou du groupe auquel le sujet ou le couple parental appartient.

L’enfant transplanté ou à transplanter renvoie à ces parents-là leur propre infantile ou une situation traumatique antérieure, tel un boomerang, dont ils n’ont aucune maîtrise de la direction prise, malgré le fait qu’il est parti d’un point d’origine déterminé (conscient ou inconscient) par eux-mêmes.

Cependant, une part a été maîtrisée et l’autre dépend des forces attractives de la physique. Un enseignement de ces lois de la physique est nécessaire pour en comprendre les mécanismes afin d’en maîtriser progressivement la technique pour éviter que le boomerang ne tombe et ne se brise sur le sol. Le boomerang est la métaphore des parents ayant perdu ou méconnaissant les règles régissant le fonctionnement entre l’homme et le boomerang. Cette perte du générationnel ou cette faille dans le générationnel est en lien avec un manque d’élaboration non pas de technique, comme dans le cas du boomerang, mais de mise en mots du générationnel dans les incidences induites par la situation traumatique de transplantation de leur enfant en tant que parents.