1-2-3-2 Résumé des rencontres 

Pour une meilleure compréhension des rencontres ultérieures avec Mme et l’absence constante de Monsieur, nous allons brièvement résumer trois des rencontres annexées afin d’être consultées dans leur entièreté.

Lors de la troisième rencontre, mon étonnement est grand de voir arriver Mélissa et Caïn, seuls, hors présence ou accompagnement parental. M. et Mme H. justifient cette absence auprès du secrétariat par un autre rendez-vous au même horaire. Caïn exprimera par une mise en jeux toute la violence ressentie pour cette transplantation, don de sa mère à sa soeur. Il pourra mettre en scène son désir de mort à l’encontre de cette petite sœur, rivale omnipotente dans le partage de l’amour maternel. Quant à Mélissa, elle verbalisera et recherchera le sens de la situation vécue.

Quelques temps plus tard, après l’entretien avec les enfants, sortant du bâtiment, je trouve la famille au complet (exceptée Hélène hospitalisée).

Je profite de cette rencontre fortuite pour m’étonner de leur absence lors de l’entretien avec les enfants. La mère prend la parole de manière logorrhéique énonçant des justifications à cet état de fait. Monsieur demeure silencieux et en retrait. A mon interpellation sur la situation douloureuse, il parvient à exprimer seulement : « c’est difficile … »

Je repropose une rencontre familiale. Madame répond que dans quinze jours, ils reviennent.

Le contexte d’hospitalisation active une souffrance familiale latente qui n’est pas contenue dans son ensemble. Elle n’est pas reconnue. Seule, celle de la mère est entendue par l’institution. Une rencontre familiale les réunissant serait nécessaire, chacun pourrait exprimer son questionnement afin d’être reconnu comme ayant une place et un rôle dans cette transplantation, afin de permettre une réorganisation familiale en post-transplantation.

Madame se pose en futur donneur vivant, et laisse apparaître l’enjeu d’une telle réparation organique s'originant dans une réparation psychique culpabilitaire en lien avec l’histoire du couple sans pouvoir amorcer une hypothèse plus précise du dysfonctionnement. Réinstaurer une place au père dans la transplantation de sa fille, induirait une part non négligeable à cet homme, non donneur physique, mais qui pourrait obtenir un « statut » de donneur psychique. L’urgence de transplantation met l’accent sur le médical mettant en second plan le côté psychologique qui devient, nous pensons, en post transplantation, prédominant au médical, et parfois, interférant dans le médical par un sur envahissement du psychologique. Selon notre avis, une meilleure prise en compte des effets psychologiques de l’entité familiale et de chacun des membres favoriserait un réaménagement des places, rôles et fonctions de manière plus adéquate en post-transplantation.

Dans cette famille, le père n’a pas été suffisamment accompagné dans sa souffrance. La future T.H d’Hélène interfère chez cet homme dans son rôle de père et mari qu'il ne parvient plus à tenir. Sa femme ne le lui accorde pas, et lui, « reste distant » car débordé par la décision de celle-ci, est sans appel. Dans les repères familiaux de Monsieur, l’image masculine détient une place de toute puissance. Monsieur se trouve sans repère identitaire dans sa relation de couple et dans sa fonction de père, puisque, par le don organique de sa femme, cette dernière lui ravit cette place de patriarche.

Au colloque médical, je signale mes inquiétudes par rapport à la fragilité familiale et à mon impossibilité de parvenir à rencontrer l’ensemble de la famille.

Lors d’une visite dans le service de pédiatrie, un éclat important survient, les enfants à nouveau déposés à l’accueil pendant un rendez-vous des parents déversent leurs angoisses. Caïn et Mélissa crient et hurlent. Caïn frappe les infirmières ; nous sommes obligés de le contenir physiquement. Mélissa exprime son incompréhension en ces termes :

« Je veux donner une partie de mon foie. Le médecin m’a dit que ce n’était pas possible ; ça veut dire qu’il n’est pas assez bon. Je veux donner, c’est important. Je l’aime ma sœur. Je veux pas qu’elle meure. »

Quant à Caïn, il ponctue ses cris de « je veux pas que Maman donne son foie (…) Je veux que ma sœur meure. »

En raison de l’incident dans le service, et de ma demande déjà formulée, les parents et les enfants sont reçus lors d’un entretien imposé et rendu obligatoire par l’équipe médicale. Monsieur restera distant et Mme dans une position ambivalente. Les enfants prendront l’espace proposé pour trouver des réponses à leur angoisse et les parents entendront la détresse de leurs enfants malgré une mise à distance évidente de leur part.

Avec le recul, il aurait fallu proposer aussi un temps individuel à Monsieur pour lui permettre de s’autoriser à parler hors présence de sa femme.