1.1.1 Un leitmotiv

Par contraste, c’est donc un trait particulièrement notable de l’approche de Conrad sur le temps que de voir l’insistance avec laquelle il mentionne des « périodes » ou des « phases » dans son existence, dans son humeur, ou dans son travail, revenant infatigablement à cette notion, en faisant par conséquent un leitmotiv, en particulier dans ses préfaces.

Il ouvre par exemple son ‘Author’s Note’ à Nostromo en situant le roman dans « the period following upon the publication of the Typhoon volume of short stories » (Conrad 1917c, p.xxxvi). De la même façon, il trouve l’origine de The Secret Agent dans « a period of mental and emotional reaction » (Conrad 1920c, p.xxvii).

Cette insistance, qui plus est, n’est pas l’effet d’une simple façon de parler, puisqu’il souligne toujours les « changements » qui marquent le début d’une nouvelle phase. Si la période Nostromo n’est que le résultat d’un « subtle change in the nature of the inspiration » (Conrad 1917c, p.xxxvi), la suivante est le produit d’un tournant plus radical. Après Nostromo (1904a) et The Mirror of the Sea (1906a) l’écrivain « really felt that [he] wanted a change, change in [his] imagination, in [his] vision, and in [his] mental attitude. » Il interprète ce sentiment comme dû à « a change in the fundamental mood [which] had already stolen over [him] unawares » (Conrad 1920c, p.xxviii).

Il est clair par conséquent qu’un tel besoin de distinguer les divers fragments temporels fait partie d’une certaine vision de la vie, et n’est pas une simple expression redondante.