1.1.3.1 Conrad & Schopenhauer

En présentant les choses de cette façon, Conrad, qui était un admirateur avoué de Maupassant, semble suivre le philosophe favori de l’écrivain français, Arthur Schopenhauer, qui écrit dans Le Monde comme volonté et comme représentation que l’art

‘plucks the object of its contemplation out of the stream of the world’s course, and has it isolated before it. And this particular thing, which in that stream was a small perishing part, becomes to art the representative of the whole, an equivalent of the endless multitude in space and time. 12

La similitude entre les « rescued fragments » et les « perishing parts » est en effet suffisamment frappante, et cela pourrait confirmer que la mémoire de John Galsworthy ne le trahissait pas quand il se rappelait en 1924 que « Schopenhauer used to give him [= Conrad] satisfaction twenty years or more ago » (cité par Yves Hervouet dans The French Face of Joseph Conrad (Hervouet 1985, p.264, n.17)).

Néanmoins, cela ne doit pas induire en erreur : il n’y a aucune indication que Conrad ait jamais pris les moments ainsi « sauvés » comme « représentatifs » de quoi que ce fût qui les dépassât et ressemblât au « tout » de Schopenhauer.

La méthode vaut peut-être pour Maupassant. Mais pour Conrad ?

Notes
12.

Schopenhauer (1859b, p.239), tel qu’il est cité par Cedric Watts (1986, p.132, n.7) pour ce rapprochement noté par Paul Kirschner (1968, pp.266-277). La version anglaise facilite la comparaison avec le texte de Conrad. « Denn sie [= die Kunst] reißt das Objekt ihrer Kontemplation heraus aus dem Strome des Weltlaufs und hat es isoliert vor sich : und dieses Einzelne, was in jenem Strom ein verschwindend kleiner Teil war, wird ihr ein Repräsentant des Ganzen, ein Äquivalent des in Raum und Zeit unendlich Vielen » (Schopenhauer 1859a, Drittes Buch, §36, p.265).