1.3 L’espace controversé

Les arguments présentés supra ont suffi à convaincre certains critiques de l’importance des lieux dans les romans de Conrad. En 1991 par exemple, l’un de ses biographes, Jeffrey Meyers, se vantait encore d’avoir visité la plupart des endroits mentionnés dans la fiction de l’écrivain.

Il est vrai que l’identification de certains d’entre eux est toujours débattue. Mais le fait même qu’un tel débat ait lieu et que Hans van Marle, par exemple, avec Pierre Lefranc (1988), discute les conclusions de Norman Sherry sur Conrad’s Eastern World (1966), montre que la question se pose pour certains érudits.

D’un autre côté, on trouve encore des critiques pour considérer la topographie comme donnée négligeable dans l’œuvre de Conrad.

On pourrait croire qu’ils prennent de telles positions seulement quand il s’agit de défendre un texte comme ‘Heart of Darkness’ (1899a), puisque l’attaque de Chinua Achebe (1975) portée sur ce qu’il voit comme une nouvelle « raciste » a été si radicale qu’il semble maintenant difficile pour les autres spécialistes de répondre, à moins de dénier la réalité de l’Afrique décrite par Conrad et d’essayer de la voir « as an allegory » (Sarvan 1980, p.283).

Mais de telles dénégations ne sont pas forcément liées à de quelconques « attaques ».

Bien avant même la première intervention de Chinua Achebe sur le prétendu « racisme » de Conrad, Robert Lee par exemple a écrit que « Africa per se is not the theme of ‘Heart of Darkness’, but is used as a local symbol for the very core of an ‘accursed inheritance’ » (Lee 1969, p.49).

Et, bien que personne n’ait jamais attaqué An Outcast of the Islands, J. H. Stape, dans son ‘Introduction’ au roman, avance que « the cultures and people of the Malay Archipelago serve mainly as a backdrop for quintessentially Western crises of identity. » (Stape 1992, p.xiv)

Ainsi, la question de la pertinence des références géographiques est-elle toujours ouverte.