3.2.2 Spectres & spiritisme

Ce qui fait que la critique en général boude ce texte somme toute léger, c’est sans doute que ses motifs précisément sont traités de manière superficielle alors qu’ils apparaissent avec plus de profondeur ailleurs.

En particulier, les moqueries plus ou moins fines à l’encontre du capitaine 97 Johns qui croit aux fantômes, désamorcent à bon compte le tragique de la mort. Il est vrai que cette dédramatisation est contenue dans le spiritisme lui-même, qui n’existe au fond que comme négation d’une fin absolue, irrévocable : quelque chose des défunts survit éternellement, et nous reste accessible. Une frontière se dissout, se fait perméable. Mais la mise en question des croyances spiritistes est trop vite expédiée pour être le fond de l’affaire.

L’intérêt que présentent les spectres du capitaine Johns, c’est qu’ils renforcent l’arbitraire de son autorité (« He had the reputation of being an uncomfortable commander, meticulous in trifles, always nursing a grievance of some sort and incessantly nagging » (Conrad 1908a, p.355)), et par là son pouvoir castrateur.

Notes
97.

Georges Franju dans son téléfilm La Ligne d’Ombre (1972) fait appeler Marlow « commandant ». C’est confondre la désignation des grades dans la marine militaire avec ceux de la marine marchande, où le Captain en français est bien le « capitaine », le Chief Mate est le « second », et le Second Mate est le « lieutenant ».