3.3.4 Sémiosis & chronotope

Or, ces trois rapports au signe entre lesquels le narrateur doit choisir, sont aussi trois rapports au temps.

3.3.4.1 A-sémiosis & a-chronie

Il n’est pas surprenant qu’à une posture a-sémiosique corresponde un sentiment d’uniformité du temps, voire une a-chronie, une perte du sens de la durée. Ainsi, affirmer que « one goes on, and the time too, goes on » (Conrad 1916a, p.211), gémir à propos de « that obscure feeling of life being but a waste of time », ou croire que « there was nothing original, nothing new, startling, informing to expect from the world » (p.225), quand on a à peine commencé sa carrière, c’est payer un tribut à la monotonie de la vie telle qu’elle apparaît au tout début du récit, dans cette imperméabilité au sens qui précède l’initiation par Giles à la sémiotique. De même, quand le narrateur dira que « all sense of time is lost in the monotony of expectation » (p.278), pour se répéter presque mot pour mot avec son « I am losing the notion of time » (p.284), ce sera pour marquer les bornes d’un moment de retour à l’a-sémiosis du début et au mépris des autres qu’il affichait alors à l’égard de Giles : il accuse sans retenue le « second mate » d’être « imbecile » et son attitude d’être « cubbish » (p.280)…

Tout ceci cependant serait assez trivial, si le système ne s’étendait aux deux autres options qu’a le narrateur. En effet, les errements dans l’épi-sémiosis se traduisent pour ceux qui se les permettent par un ralentissement du temps, tandis que l’accès à une sémiotique ferme se traduit par une accélération du flux temporel.