3.3.5.5 Koh-ring, black ring & vision dantesque

La noirceur « tout autour » dont a parlé Ransome (p.286), et le monde « hors du cercle de lumière » (p.290), ne sont pas sans annoncer le Barbusse de Clarté : « Ce fut par le même chemin que nous disparûmes et dans les mêmes grands cercles de noir que nous nous enfonçâmes. » (Barbusse 1919, p.142). Mais c’est surtout une reprise de ce qui est dit de Koh-ring : non seulement l’île est décrite comme noire (« the black relief of Koh-ring » (Conrad 1916a, p.269)), mais elle « seemed to be the centre of the fatal circle » (Ibid.). Koh-ring apparaît donc comme la bouche d’ombre de ce premier cercle, qu’elle inscrit dans son nom : on peut certes entendre Korzeniowski dans Koh-ring 115 , mais ring est l’anneau attaché à ce Koh (~ Ko/Kaoh) qui désigne les îles du golfe de Siam et qui, ici, est the core of the passage (« core-ring »).

On frôle donc le premier cercle d’un Enfer (« as if they had been my passport for Hades » (p.214)) que ni Dante, ni le Symbolum Apostolorum 116 , n’associaient à la guerre, mais que n’utilisent pas moins Barbusse et Conrad. 117

Notes
115.

Le China Sea Pilot Vol.1 (NP30) ne répertorie aucun K[a]o[h] Ring. Mais les noms existants de Ko Rin ou de Kaoh Rong, répertoriés respectivement comme émergeant du « Gulf of Thailand » (Heap & Hayter 1987, 4.149 p.118 : « (12° 48’ N, 100° 42’ E), 107m high ») et de la « West Coast of Cambodia and Vietnam » (Heap & Hayter 1987, 5.15 p.128 : « 316m (1037 ft, charted as 1080 ft) high and wooded »), incluaient aussi la syllabe voulue, et K[a]oh Rong, imposant (316 mètres) et boisé, n’aurait pas déparé dans le récit.

116.

Descendit ad infernos, tertia die resurrexit a mortuis. 

117.

Au demeurant, cela n’empêche pas de participer. Borys, enrolé le 3 août 1915, n’est pas le seul à agir. Joseph aussi accomplira quelques missions : ses lettres à J. B. Pinker ou à Jessie, sont, du 15 septembre au 30 novembre 1916, pleines des détails de ses inspections des ports britanniques pour l’Amirauté (Conrad 1916c, pp.661-681. Voir aussi ‘The Dover Patrol’ (Conrad 1921a) et ‘The Unlighted Coast’, jamais publié de son vivant (Conrad 1925)). Cela suppose seulement que les motivations sont plus politiquement personnelles : « his attitude to the war was that of a Pole, and from the Polish viewpoint, conflict in Europe meant hope. […] Kazimierz Górski [recalls] Conrad saying that ‘the Polish question could be positively solved only if Russia were beaten by Germany and Germany by England and France’. » (Batchelor 1994, p.238. Cf aussi Conrad 1970, p.108).