4.1.4 Polyphonie cause toujours

Il n’y a rien à attendre des Occidentaux, parce que leurs discours sur les colonies sonnent aussi creux les uns que les autres. A chaque voix qui s’élève, l’Histoire répond grossièrement : « cause toujours ! »

Entend-on celle d’un Solomon Rout, intellectuel pompeux à l’écart du vulgaire et posant à l’apolitique ? C’est la voix la plus blanche de toutes, celle qui avoue n’avoir rien vu, rien compris.

Entend-on celle d’un Jukes, raciste « not unfriendly » (p.94), modéré par crainte des éclats, « anti-colonialiste de droite », comme le définirait Marie-Christine Bellosta (1990, p.182) ? Elle ne fait pas longtemps illusion : très vite cette voix parle de canons et de guerre.

Celle du colonialiste, inébranlable comme MacWhirr, en est alors bien proche : lui aussi voit la tourmente comme une guerre, où approche « an adversary » (p.114), « a personal enemy » (p.114), où s’expriment « wrath » (p.114), « hate », « ferocity », « rage » (p.119) ; lui aussi, par crainte de plus grands troubles, découvre les vertus de la modération. L’anti-colonialiste de droite et le colonialiste sont les deux versants d’une même idéologie.

Quant à « l’anti-colonialiste de gauche » (Bellosta 1990, p.182), celui qui, comme le second, remonte aux causes de tout ce désordre et accuse le capitaine (= le colonialiste) même d’avoir provoqué la tourmente « after getting us into this mess » (p.127), le vainqueur du moment, encore conquérant, ne lui laisse pas une chance de se faire entendre : il l’assomme, et l’accuse en retour d’avoir « lost his nerves » (p.134). Le second est la voix que l’on fait taire.

Les trois autres sont à égalité… dans leur mesquinerie, leur médiocrité, leur inefficacité. L’Histoire parlera plus fort qu’elles toutes, et au prochain typhon, la polyphonie occidentale, réelle mais vaine, cessera : « Another one like this, and that’s the last of her » (p.139).

‘Typhoon’ offre donc un exemple de chronotope stroboscopique plein : le devenir historique y est si imminent qu’il entrave l’émergence d’individus (occidentaux) qui n’en peuvent mais ; et la polyphonie, pour vaines que soient les voix, n’en est pas pour autant artificielle, aucune de ces voix, pas même celle de l’auteur (occidental lui-même, comment pourrait-il produire un discours qui vaille mieux que ceux de ses compatriotes ?), ne dominant les autres.